Des écrits se sont répandus ici et là pour dire que 80% des Marocains sont contre l’égalité en héritage, selon des données fournies par le Haut-Commissariat au plan (HCP). 80%, c’est beaucoup, ce chiffre est à lui seul un traumatisme. Pourtant, c’est un fake, un faux!
Heureusement, l’Association démocratique des femmes marocaines (ADFM) et d’autres associations féminines ont découvert le pot aux roses. Ce chiffre provient de recoupements réalisés par le HCP en 2016, il y a donc huit ans. Il est caduc et ne correspond à aucune réalité aujourd’hui. Pourquoi alors a-t-il été réactivé, au moment où ce même HCP est en train de finaliser de nouvelles statistiques? Sans doute pour saper le moral des troupes et casser la dynamique actuelle qui tend vers l’égalisation de l’héritage entre femmes et hommes.
Publier aujourd’hui un tel «fake» est un acte de sabotage. Dans un combat de boxe (la comparaison ici n’est pas fortuite), on appelle cela un coup sous la ceinture. Je joins d’ailleurs ma petite voix à celles de l’ADFM et des autres associations, qui ne doivent en aucun cas se sentir seules, livrées à elles-mêmes, dans un combat inégal où tous les sales coups sont permis…
Dans ce combat, il ne faut pas compter le nombre des adversaires, mais celui des alliés. Il suffit de retourner la crêpe. En 2016, 20% des Marocains étaient pour l’égalité. Aujourd’hui, ils doivent être un peu plus nombreux…
Le Maroc planche depuis un certain temps sur la réforme de la Moudawana. Cette réforme tant attendue ne plaît pas à tout le monde. Les adversaires de l’égalité deviennent comme fous. Ils sont comme la bête qui vient enfin d’être prise dans les filets: elle se débat dans tous les sens, poussée par l’énergie du désespoir.
Ces gens, cette bête, avec leurs relais, ont inondé les réseaux sociaux avec un hashtag qui invite les femmes à ne plus se rendre dans les terrains de foot. Le hashtag dit «ched khtek, ched mertek», traduisez: «Retiens ta sœur, retiens ta femme!».
Ces appels s’adressent donc aux hommes, les appelant à (con)tenir leurs femmes et leurs sœurs. Elles doivent rester chez elles. Il faut qu’elles s’occupent des fourneaux, de la vaisselle, du ménage. Il faut leur interdire les stades de foot. Il faut leur interdire toute sortie et les maintenir sous contrôle, à la maison.
Donc, mon frère, si tu es un homme, surveille ta sœur et ta femme, limite ses mouvements! Et ne lui demande surtout pas ce qu’elle en pense.
On voit bien comment ceux qui luttent de toutes leurs forces contre l’égalité entre les femmes et les hommes se détraquent. Que Dieu leur vienne en aide.
Revenons au plus important: la réforme de la Moudawana. C’est de cela qu’il s’agit, c’est ce qui nous vaut toutes ces gesticulations et ces excès.
Tant qu’elle n’est pas rendue publique, cette réforme doit placer la barre haut, le plus haut possible. Sur l’héritage et sur le reste. Elle doit viser la lune, c’est-à-dire le maximum. Oscar Wilde disait que le plus important est de viser la lune: au pire, en ratant sa cible, on retombe malgré tout dans les étoiles. Amen!