L’acte médical n’est pas une marchandise et le patient n’est pas un consommateur

Un médecin pratiquant un acte médical (photo d'illustration).. DR

ChroniqueUn médecin privé ne devrait pas exiger un paiement avant une consultation. Même si on s’adresse à lui pour la première fois, cela ne justifie pas de le payer au préalable. Le médecin privé, c’est le premier recours, presque un ami à l’épaule réconfortante. L’expérience que j’ai vécue à Casablanca m’a rappelé à la dure réalité.

Le 08/03/2023 à 15h57

Lors d’un passage à Casablanca, j’ai voulu voir un médecin spécialiste. Après une recherche sur Internet et un coup de fil, je me présente au cabinet du praticien privé. Je tairai la spécialité et le nom, sans préciser si c’est une dame ou un monsieur. J’emploierai ici le mot «praticien».

L’assistante me présente une fiche que je renseigne. Je me dirige vers la salle d’attente. À mi-chemin, l’assistante m’interpelle: «Eh monsieur…!» Veut-elle plus de précision sur la fiche? Non! Elle me dit sur un ton ferme: «Ici, il faut payer d’avance! C’est 300 DH».

Je lui fais remarquer que c’est la première fois que ça m’arrive et j’en ai vu des médecins. Je la rassure, je paierai après l’auscultation. Ce fut un niet. Donc le prérequis est non négociable. Payez et le service suivra! Comme dans un fast-food. Je n’en revenais pas.

Entre «patientèle» et «clientèle»

Avant de vider les lieux, j’ai repris ma fiche tout en faisant savoir à mon interlocutrice qu’elle n’y est pour rien dans cette affaire. J’ai tenu à élever légèrement la voix pour que mes mots parviennent aux oreilles du praticien, resté calfeutré derrière sa porte: «Un comportement injustifiable! On n’a pas le droit de faire porter à une personne qu’on ne connait pas l’habit du mauvais payeur, du resquilleur et pourquoi pas de l’escroc!». Un patient dans la salle d’attente intervient: «Si je n’avais pas déjà versé les 300 DH, je partirais comme vous!».

Déconcerté, j’ai quitté ce cabinet inhospitalier où je suis resté moins de 15 minutes. On peut dire que l’incident n’est pas trop grave… Payer avant ou après c’est du pareil au même… Mais il me semble significatif de nouvelles formes de déviance qui malheureusement prospèrent.

J’ai toujours pensé qu’un cabinet médical est un espace de dignité et de confiance partagée. Le médecin fait partie d’une élite. Mais lorsqu’il exige le pognon avant l’acte médical… rien à faire… ça ne passe pas chez moi. Le médecin a une «patientèle» et non pas une «clientèle».

Les temps changent. Toute une vision du lien social est à revoir. Une mise à jour dans ma tête me semble nécessaire, mais c’est très difficile. On se fait parfois rattraper par son âge. Pour me détendre, je me remémore la formule paraphrasée de Shakespeare: «Toubib or not toubib! That is the question!».

Des cliniques décomplexées

On sait que beaucoup de cliniques, pas toutes, sont décomplexées par rapport à cette question. Elles demandent des chèques de garantie ou le paiement préalable en espèces d’une partie des frais. Et pourtant le ministre de la Santé a rappelé, il y a peu au Parlement, que la demande d’un chèque de garantie dans les cliniques privées est une pratique illégale.

Mais une clinique reste une grosse structure. Au vu des traitements lourds, des frais d’hospitalisation, des investissements importants en appareillage de plus en plus sophistiqué, et de la masse salariale, on pourrait, non pas justifier, mais éventuellement trouver des «circonstancezatténuantes» à ces pratiques. Mais comme on dit: «Pas vu, pas pris!».

La relation est différente avec le médecin privé… On voit en lui tous les attributs de la proximité dans le sens le plus bienveillant du terme. Même si on s’adresse à lui pour la première fois, cela ne justifie pas de le «payer» au préalable. Le médecin privé, c’est le premier recours, presque un ami à l’épaule réconfortante…

Il y a certainement de mauvais payeurs. Et même! Un cas sur cent ou sur cinquante, ce n’est pas la fin du monde. Les patients nécessiteux sont de plus en plus rares. Avec la protection sociale généralisée, les hôpitaux publics sont accessibles à tous. Un ou deux patients démunis qui se pointent chez un médecin privé, pourquoi ne pas considérer cela comme un acte de «sadaka» (aumône) dans le sens le plus noble?

Un retour aux définitions et aux principes

On ne paie pas un médecin mais on lui donne des honoraires. Je suis revenu aux dictionnaires pour revoir le sens des mots. «Honoraires» vient du latin «donné à titre d’honneur». Une rétribution qu’on donne pour leurs services à ceux qui exercent une profession qualifiée d’honorable: les avocats, les médecins, les architectes, les experts-comptables, les psychothérapeutes…

«Honoraires» est aussi applicable dans le cas de «ceux qui enseignent quelque science ou pour ceux à qui on a recours pour recevoir un conseil salutaire, ou quelque avantage de leurs lumières». Le mot honoraires contient quelque part un hommage, une reconnaissance… ce qui nous éloigne de cette injonction «Khassek Tkhaless 9bel…!»

La notion de «profession libérale» est, elle aussi, entourée de respectabilité. Plusieurs législations précisent que «la profession libérale s’exerce en toute indépendance et assure des services intellectuels, conceptuels ou techniques, dans l’intérêt du client et du public». Cela induit donc la notion de «bénéfice non commercial».

Je suis revenu également aux codes de déontologie médicale de plusieurs pays et aux commentaires qui les accompagnent. C’est toujours les mêmes principes et la même vigilance partout dans le monde. En voici un bref résumé concluant: l’exercice de la médecine est un ministère. La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. La médecine est un service. La santé n’est pas une marchandise et l’acte médical n’est pas une denrée. Le patient n’est pas un consommateur et le médecin n’est pas un agent économique. La médecine ne relève ni d’une convention commerciale ni d’un marché. Le médecin ne se place jamais dans une logique mercantile qui ferait primer son intérêt sur celui du patient. Le médecin ne vend pas des ordonnances, des soins ou des certificats. Le patient est un être vulnérable et souffrant qui s’adresse avec espoir à celui qui maitrise une science et qu’il honore par une rétribution.

Pour ce qui est du moment du versement des honoraires, tous les usages témoignent que cela vient après l’effectivité de la prestation de soin. Mais pas avant. Un médecin ne peut demander la rétribution d’actes qu’il n’a pas encore accomplis.

Tout cela, d’éminents professeurs ne cessent de le répéter dans les facultés de médecine. Il faut, peut-être, cesser d’idéaliser, et penser que les médecins sont des humains comme les autres, ni meilleurs ni pires.

Loin de moi l’idée de généraliser. Que mes amis médecins, nombreuses et nombreux, qui exercent avec humanité et brio leur profession, comprennent cette réaction. Et j’espère les faire sourire en leur rappelant ce célèbre aphorisme: «Vous pouvez toujours arriver à lire la note d’honoraires d’un médecin, mais jamais son ordonnance…».

Par Jalal Drissi
Le 08/03/2023 à 15h57

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Que penser de la santé au Maroc, lorsqu'une femme accouche dans le jardin de l'hôpital . Dans notre pays vaut mieux tomber malade et mourir que de rester entre les mains des opportunistes profiteurs .

Le manque de suivi cause probleme, ainsi que deleger les controles a des personnes corrompables faciles a identifier, comme les gardiens d'hopitaux ou le personel de reception qui devraient etre idealement fonctionnaires detat/cnss/cnops au lieu d'employés au service de corrompus, ou d'inspecteurs complaisants (rotation aleatoire necessaire). Sans inspections surprises frequentes, ces voeux sont pieux. Delayer la publication des resultats et les amendes pour que ces malfrats se sentent obligés de respecter les lois et edicts. Ne pas attendre que les victimes postent des avis negatifs sur les sites specializes comme les critiques google maps/tripadvisor/dabadoc. Les malfrats ne peuvent continuer a commetre leurs forfaits que car leur reputation aupres des clients/patients n'est pas a jour.

La direction des impôts considère un cabinet médical un investissement COMMERCIAL preuve en est les montants faramineux des impôts qu’on leur impose eux aussi payent la cotisation minimale la patente l’impôt sur le revenu ( IGR ) et les cabinets privés ont des charges patronales envers leurs personnels ( Secretaires )

Et en plus le symbole de la croix comme enseigne chez certains pharmaciens, et qui est un héritage du colonialisme n'est toujours pas retiré des devantures des pharmacies par me ministère de la santé, ni même par les pharmaciens pour la remplacer avec l'enseigne du Croissant.

Monsieur Jalal Drissi, permettez moi d'apporter un petit commentaire à votre chronique et vous apporter toute ma sympathie après ce que vous avez vécu dans ce cabinet médical. Notez bien que c'est une pratique assez courante. En tant que médecin privé je reconnais qu'associer pratique médicale et gestion financière m'a toujours profondément dérangé. Je souhaiterais vivement que la santé des personnes soit gérée au sein de structures dédiées afin de se débarrasser de cette charge. Un personnel médical travaillant en service public, rémunéré par un organisme gestionnaire et non plus de façon directe. Nous serions dans ce cas débarrassés de tant de tensions financières, de charges bancaires et fiscales, pour nous consacrer entièrement à notre noble mission.

Bien dit docteur ! Et pourquoi ne pas instaurer une carte vitale par exemple ? Cela évitera aux deux parties ( médecin et patient) bien de désagréments.

bonjour il faut un système que le médecin sera paye par la caisse d assurance il y a trop de fraude (ces gens sont de plus en plus riche sur le dos des pauvres) en France la consultation est de 25 euros au Maroc la consultation est de 30 euros chercher l erreur

Ma sœur architecte devait subir une grosse opération risquée (Concert) dans une clinique à Casablanca. Avant l’opération, on lui a demandé un chèque 200 000 Dh et 200 000 Dh en liquide (a triche). Ella a présenté le chèque et on lui a fait savoir que le chèque en question ne devait pas être à son nom. Quand elle a demandé pourquoi, on lui a répondu sèchement qu’ils ne savent pas si elle va vivre ou mourir durant l’opération. Imaginez le désarrois et l’état psychologique de ma sœur avant l’opération. C’est la mafia qui cherche l’argent et qui s’en fou du malade. Cela doit changer avec une réglementation et un contrôle plus sévères.

Ils prêtent serments pour s'occuper de leur patient commr il se doit et sans jamqis juger ou faire une distinction

Franchement c est un bon article et qui met la lumière sur le calvaire des patients et malades dans notre pays , et la conclusion résume tous les méfait chroniques sur nos compatriotes . Mais j ai une remarque importante , dans l article on parle du ministre qui a rappeler a ceux qui veulent bien l entendre que les chèques de garantie sont illégaux . Ma question : quelle suites après ces déclarations ? Autres chose et sans généraliser ,plus c est honorable et plus c est excessivement insupportable financièrement pour nos compatriotes.

Attention! Certains médicaments vendus dans les pharmacies sont fausses! Pour combattre l’état grippal, il existe une multitude de remèdes et de médicaments. Mais selon Marc Van Ranst, il y en a un qui “ne marche pas du tout”: l’Oscillococcinum.. Le désormais célèbre virologue a analysé la composition de ce dernier: pour 1 g de ce médicament, on retrouve 0,85 g de saccharose (du sucre) et 0,15 g de lactose. “C’est une escroquerie pure et simple. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement et les agences pharmaceutiques continuent d’approuver ces inepties, pourquoi les médecins continuent de les prescrire, pourquoi les pharmaciens continuent de les vendre et pourquoi certaines mutuelles continuent de les rembourser. Je comprends que les patients y croient. Tout a l’air ‘réel’.

C'est juste incroyable dans un cabinet médical privé. Un hôpital privé très connu à Casablanca se fait systématiquement payé AVANT toute consultation ou acte médical quelque soit sa nature. Moi, ce que je remarque après plus d'un demi-siècle de consultations diverses, c'est que les consultations deviennent de plus en plus courte au point que je me dit que le médecin doit probablement connaitre ma maladie avant même de me voir: c'est l'explication que je me suis trouvé pour me convaincre.

c'est malheureux mais pas étonnant c'est des marchands sans scrupules (pas tous bien sur et heureusement!) où est le contrôle?

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