Le thuya doit devenir une grande cause nationale

Fouad Laroui.

Fouad Laroui.

ChroniqueL’heure est grave. On surexploite le bois, on arrache les souches mortes, ce qui met en danger la survie de cette essence dont la régénération est très difficile. Il y aussi la marqueterie qui utilise de façon intensive le thuya…

Le 17/01/2024 à 11h12

Doukkali par mon père, je n’en suis pas moins d’Essaouira par ma mère. Pour autant, je ne prétends pas avoir poussé jadis la chansonnette avec Mick Jagger sous les remparts ni avoir fumé la mauvaise herbe avec Jimi Hendrix sur la plage, comme l’affirment avec aplomb tous les Souiris d’un certain âge.

- Et Orson Welles?

Non, non, lui non plus; je n’ai pas bu de l’eau d’Écosse avec le génial cinéaste lorsqu’il était venu à Essaouira tourner Othello. Mais tout cela n’empêche pas qu’il y ait quelque chose en moi de l’antique Mogador. Mieux: ce sont mes ascendants maternels qui ont inventé la marqueterie en bois de thuya qui fait la réputation de la ville. (Si je touchais ne serait-ce qu’un dirham de royalties sur chaque boîte odoriférante vendue à des touristes, ce ne serait pas avec un stylo Bic que je serais en train de rédiger ce billet mais avec -au moins- un Montblanc Meisterstück.)

Tout cela pour dire que tout ce qui touche à Essaouira et au thuya me concerne doublement.

Jugez alors de ma consternation quand une jeune femme s’approcha de moi, il y a quelques jours, à Essaouira, alors que je compulsais des livres chez l’érudit bouquiniste qui se trouve dans la petite rue à droite après avoir passé la poterne sous la fameuse horloge.

- Ah monsieur, me dit-elle, si vous pouviez laisser de côté les sujets frivoles que vous abordez chaque mercredi… Franchement, il y a plus sérieux, plus grave! Nous vivons une catastrophe et personne n’en sait rien.

La jeune femme se présenta -Hanane D., docteur en botanique, spécialiste de Tetraclinis articulata

- Pardon?

- C’est le nom scientifique du thuya de Berbérie.

- Ah oui, c’est marrant, c’est ma famille qui…

- Laissons cela, écoutez-moi, le temps presse. La superficie occupée par le thuya est d’environ 566.000 hectares, soit près de 11% de toute la forêt marocaine. Dans la région d’Essaouira, le pourcentage monte à 35%. La tétraclinaie…

- La quoi?

- Ça veut dire: la forêt de thuya. Celle d’Essaouira est l’unique exemple de tétraclinaie sur sable en bordure de mer.

- Dis donc.

- Et voilà où je voulais en venir, monsieur. Cette tétraclinaie est en danger de mort, en voie de disparition…

- Mon Dieu! ‘llah yehfedh.

- Mais oui. L’heure est grave. On surexploite le bois, on arrache les souches mortes, ce qui met en danger la survie de cette essence dont la régénération est très difficile. Il y aussi la marqueterie qui utilise de façon intensive le thuya…

- Justement, ma famille…

- Oui, je sais, je les connais, vos cousins, vos cousines, leurs enfants… Les maîtres du ‘ar’ar. Pas de quoi se vanter, monsieur.

- Je suis mortifié, madame. Toutes mes excuses à la botanique.

- Et puis, il y a la déforestation, la destruction des habitats, l’érosion, l’ensablement, la pollution…

- Oui, mais ça, ce n’est pas ma famille qui est responsable.

- … l’extension des centres urbains, le surpâturage, l’usage des pesticides…

- N’en jetez plus! Que peut-on faire, à part aller se pendre à une lanterne?

- D’abord, il faut réveiller les consciences. Parlez-en dans votre prochaine chronique! Promettez-le moi!

- Promis, juré.

- Et puis il faut que de haut lieu on nomme d’urgence un Monsieur Thuya dont l’unique mission serait de se battre comme un lion pour sauver la tétraclinaie.

- Et pourquoi pas une Madame Thuya? Qui se battrait comme une tigresse? Maintenant que j’y pense, pourquoi pas vous? J’ai rarement entendu un plaidoyer aussi passionné.

La dame se radoucit, je crois même qu’elle rosit un peu et baissa les yeux. Nous nous quittâmes bons amis, devant la poterne, sous l’horloge.

PS: Je tiens son nom et son contact à la disposition de notre estimé ministre de l’Agriculture.

Par Fouad Laroui
Le 17/01/2024 à 11h12

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Le Maroc il évolue il change aussi, pour le progrès et de meilleures animations familiales aussi

Le Maroc est malade de son mouton. C'est le titre d'un célèbre article des années 80, toujours disponible sur le net. Actuellement le Maroc souffre de sa chèvre (Mr Seguin n'y est pour rien), de son mouton et même de son dromadaire...a bon entendeur

j espere pour vous et pour nous tous que le ministre rniste de l agriculture prenne connaissance de votre cri d alarme et agisse en connaissance de cause pour stopper la desrtuction de cette richesse irremplacable pendant qu il est temps a bon entendeur salut

Bjr professeur!Vous me rappelez un texte de lecture paru dans l'un des livres produits par le ministère de l'éducation nationale.Ledit texte parlait de l'arbre qui donne tout:de la nourriture, de l'eau,du bois,de l'oxygène,de la fraîcheur,un sol fertile,etc...Le texte ajoutait que l'être humain a un comportement très paradoxal.Car tout en sachant que l'arbre est égal à la vie,cet humain inconscient continue de déboiser et court ainsi à sa perte et même à son extinction.A la fin,le fameux texte préconisait d'agir rapido en plantant des arbres et en arrêtant la déforêstation. Vous parlez aujourd'hui de la thuya,peut-être que demain vous parlerez de l'arganier ou de tout arbre qui risque de diparaître à jamais de notre patrimoine arboricol.Merci pour votre joli billet.Salut à tous.

Et encore si il n' y avait que le Thuya! Le marocain a un talent rare pour saboter et detruire son propre environnement. Quand va t-on enfin parler de denoncer l'elevage des chevres et moutons qui empêchent les arbres et les végétaux de repousser et qui participent à l'erosion et la desertification de nos sols deja arides? Et aussi du scandale du chauffage et de la combustion par le bois des hammams et autres fours communaux ou pas qui transforment le Maroc en desert ? Le marocain réussit même à cannibaliser nos plages en pillant le sable qui empêchent l’érosion aussi de nos côtes. Y à de quoi deprimer.

malheureusement cette dame a parfaitement raison mais ce n'est pas uniquement le thuya qui risque de disparaître de notre "beau" pays. plusieurs essences forestières vont subir le même sort dont notamment le chêne (voyer les dégâts dans la maamoura). les responsables de ce pays ne se réveillent qu'à l'occasion de journée mondiales de l'arbre, foret etc.. mais ne font aucun effort pour réglementer et veiller aux respects des règles qui existent déjà pour protéger nos forêts qui souffrent à la fois de la sécheresse et surtout des agissement irresponsables de nos concitoyens

Toutes mes excuses 🙏 et bonnes chances à Mme Thuya ! Merci

Cher Hamdaoui, Hanane Dounas est bel et bien une femme.

Êtes-vous sûr qu'il s'agit d'une Dame ?! ... Ce n'est pas du tout l'avis de Google !? ... Merci

Ce qui est surprenant, c'est l'indifférence des autorités concernées face à ces activités écologiques aux conséquences dévastatrices. Le manque de conscience environnementale et l’indifférence face à cette destruction programmée feront du Maroc un désert aride. Même si le boisement reste une méthode alternative pour réduire les pertes, il ne remplace pas une forêt naturelle qui s'est adaptée au climat depuis des millions d'années. Il faut donc des siècles pour que l’arbre atteigne sa maturité. Du coup elle constitue un patrimoine naturel irremplaçable et un trésor inestimable qu'il faut préserver en criminalisant toute activité qui menace son avenir.

Bonjour Monsieur Samir, j’habite à Sidi kaouki cela fait une vingtaine d’années, au début je ne pouvais pas ma faufiler entre les thuyas, maintenant c’est devenu apocalyptique ça me fait mal au cœur ♥️ entre les boulangers,les villageois qui coupe le bois pour le vendre au hôtel de Kaouki, et j’en passe, j’ai beau leurs dire que c’est pas bien, il sont près à me jeté une hache, et des menaces je vous en parle pas, c’est vraiment catastrophique, et tout les jours à la tombée du jour les haches commencent les travaux,

Bonjour M Laroui faites le premier pas n'attendez pas. Communiquer ses coordonnées. Elle vous en sera reconnaissante et moi aussi.

Je crois avoir reconnu mon ancienne collègue H. Dounas, qui se bat effectivement pour sauver la tétraclinaie.

Absolument d'accord avec vous Madame ! On comprend que l'auteur nous cache l'identité d'1 certain Bigleux tricheur ! ... Mais dans le cas de cette Professeur elle mérite d'être citée Nommément sur la Chronique ! Noble mission ! Bonnes Chances ! Merci

En tant qu’habitante d’Essaouira, je ne peux que vous remercier, monsieur Laroui.

Je vous fait confiance et on lance une pétition pour Madame De la thuya

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