Lecture dans la Lettre royale sur le Code de la famille

Karim Serraj.

ChroniqueUne petite révolution est en cours dans le modus operandi de la réforme du Code de la famille. Les associations féministes n’ont pas été retenues pour «peser» sur les propositions des réformes. Tout comme le Souverain a pointé du doigt l’absence de l’homme dans la réflexion menée sur le genre dans la Lettre royale transmise à Aziz Akhannouch.

Le 22/10/2023 à 10h59

C’est, à non point douter, un tournant majeur dans le modus operandi de la réforme du Code de la famille. Contrairement à la réforme de 2004, Sa Majesté le Roi n’a pas désiré aujourd’hui de commission consultative en charge de lui faire des propositions. Celle-ci était composée, il y a vingt ans, de douze hommes magistrats et oulémas, et de trois femmes représentantes du féminisme marocain (deux juristes et une biologiste). On se souvient du couac, de la maladresse discordante, des débats sans fin de cette commission qui, dans sa première mouture, a été incapable de présenter au Souverain, à la date prévue, un compromis de réforme des lois sur la famille. Le Premier président de la Cour suprême, Driss Dahak, président de cette commission royale, s’était présenté le jour J devant notre Roi avec zéro proposition et une demande très mal perçue de rallonge du délai de remise de la copie...

Le 22 janvier 2003, le président de la commission royale Driss Dahak est remplacé par feu M’hamed Boucetta, juriste et ancien Secrétaire général du parti de l’Istiqlal, connu pour son conservatisme en matière sociale et religieuse. Le rapport est finalement remis au Roi en septembre 2003, avec près d’un an de retard. La commission, voulue au départ équilibrée entre garants du droit positif et oulémas religieux musulmans, s’est révélée un nid de crabes d’où personne ne pouvait se relever. Une véritable scission entre modernistes et anciens est apparue empêchant la commission de finaliser ses propositions. Un blocage que seul un homme d’État comme Boucetta a pu solutionner par un tour de passe-passe magique demeuré secret.

Exit la commission, la réforme de 2024 est désormais confiée au gouvernement, et notamment à des hommes en charge du territoire juridique et judiciaire, le ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi, le Premier président de la Cour de Cassation Mohamed Abdennabaoui et le chef du Parquet Moulay El Hassan Daki. Cela implique que la réforme se fera en interne, et sera tributaire du gouvernement d’Akhannouch.

Par ailleurs, les grandes absentes de la réforme de 2024 sont les associations de lutte pour les droits de la femme. Bien qu’elles seront sollicitées pour avis, elles n’auront aucun rôle direct pour formuler les propositions de la réforme du nouveau Code de la famille. Pourquoi cette exclusion? Et bien la réponse, nous la trouverons dans la lettre royale adressée au chef du gouvernement en septembre dernier. Le Roi a souligné «la propension tenace d’une catégorie de fonctionnaires et d’hommes de justice à considérer que le Code est réservé aux femmes».

Décryptons. «Le Code n’est pas réservé aux femmes», dit notre Roi. De l’avis du Souverain, l’homme a été oublié et spolié de ses droits. Seule la femme marocaine a tiré un réel bénéfice de la réforme de 2004. Les progrès de la femme y sont indiscutables, mais il s’avère que l’homme n’a, à aucun moment, fait partie des discussions aboutissant à la réforme. De nombreuses lois ont grignoté le rôle paternel de l’homme ainsi que son statut de mari. Pour preuve s’il en faut, il est impossible de trouver une seule ligne sur l’homme dans la presse marocaine ou sur les pages officielles des associations garantes du discours sur le genre. Il n’y en a que pour la femme! Tout pour elle: les enfants et l’argent du mari.

Et c’est bien ce qui peut être reproché aux associations et communautés féministes: elles ont exclu l’homme de leur paysage d’action. Abandonnée, depuis des décennies, aux seules associations, la question du genre a été manipulée et utilisée sans jamais considérer l’homme comme partie prenante du couple. Ce même discours polyphonique sur un genre pied-bot et boiteux relayé par les médias, les colloques universitaires, les rencontres associatives, les déclarations officielles des différentes locataires du ministère de la Solidarité, de la Femme et de la Famille, etc. Résultat: ce discours névrotique a rempli les consciences et s’est répandu comme une vérité dans la société. L’effet est patent jusque dans les enceintes du tribunal, rappelle notre Souverain, car les hommes juristes aussi privilégient la femme et l’interprétation féminine exclusive des droits de la famille. Ce discours banalisé a plus une allure de revanche à l’endroit de l’homme. Il est si anxiogène pour la gent masculine, mais les femmes le comprennent-elles seulement? Il a, hélas, produit une pensée inégalitaire corrosive.

Le moins que l’on puisse dire, est que les associations féministes ont mal communiqué sur le genre, malgré les millions d’euros octroyés par l’UE, les États-Unis, les fondations occidentales et autres programmes d’aide à l’égalité du genre. Plus de 150 associations pour les femmes sont recensées au Maroc. Il n’existe pas une seule association pour les droits des hommes. Je ne parle pas de l’Association marocaine des Droits Humains (AMDH) qui défend les droits politiques des femmes et des hommes et lutte pour la pluralité démocratique. Partout dans le monde moderne, il y a des formations civiles pour les hommes en charge des sujets dont s’occupent ici exclusivement les femmes: le couple, la famille, les enfants.

Laissez-nous, nous les hommes, participer aussi au féminisme. Tenons la boutique ensemble. Les sujets sont protéiformes et transversaux. Ils touchent l’homme et la femme. L’unité fait la force.

Les associations ont focalisé leurs œillères sur le beurre et l’argent du beurre au bénéfice de la Marocaine, au détriment de l’autre genre, l’homme, le malheureux, le pitoyable écorché vif qui survit tant bien que mal avec sa masse de responsabilités financières s’il ose un jour tomber amoureux et fonder une famille. Le Roi a donc retiré aux associations féministes la légitimité et le monopole du discours sur le genre.

C’est tout le sens des chroniques de votre modeste serviteur sur Le360, dénoncer la mise à trépas de l’homme marocain, réhabiliter le rôle paternel, libérer le mari du carcan pécuniaire qui le lie aux lois de l’entretien de la femme, etc.

Aujourd’hui, ces associations sont acculées au mur. Elles doivent changer, ou disparaitre.

Par Karim Serraj
Le 22/10/2023 à 10h59