Une récente étude nous dit que 600 à 700 médecins marocains quittent annuellement le pays pour aller exercer ailleurs, en Europe principalement. Si ce chiffre est exact, il devient énorme, puisqu’il représente près de 30% des effectifs formés, tous les ans, par les facultés marocaines.
Pas besoin d’une enquête scientifique pour savoir pourquoi ils partent. Comme les ingénieurs, les footballeurs et les chômeurs, les médecins cherchent d’abord à gagner plus d’argent.
En termes plus délicats, ils désirent «s’épanouir». Ce qu’ils n’ont pas ici, ils vont le chercher ailleurs.
Ce problème est à prendre au sérieux, mais il ne s’agit pas de moraliser ni d’essentialiser les personnes. Au fond, chacun est libre d’aller où il veut et où il peut. Et ce mouvement qui mène les compétences marocaines vers le Nord, de l’autre côté de l’Atlantique et surtout de la Méditerranée, est bien complexe.
Quelqu’un qui veut partir, pour des raisons objectives ou personnelles, arrivera toujours à partir. Qu’on le comprenne ou pas, que l’on soit d’accord ou pas. Il a une offre ou une possibilité, il la saisit, c’est tout. Et c’est le propre du monde globalisé dans lequel nous vivons.
Vous avez 20, 30 ou 40 ans, et on vous dit que vous pouvez doubler, tripler ou quadrupler vos gains, avec des garanties et un cadre de vie attrayant: comment dire non ? Pour beaucoup de personnes, c’est le rêve d’une vie, le genre d’opportunité ou de train qui risque de ne passer qu’une fois…
Et la question ne s’arrête pas qu’aux compétences et à ces métiers à fort potentiel, comme les ingénieurs, les médecins, les financiers, les champions des NTIC ou les techniciens spécialisés. Ce n’est pas seulement la matière grise qui fuit, mais d’autres matières, d’autres catégories de personnes, et pas toujours pour des questions d’argent.
Pour revenir au domaine médical, la fuite ne concerne pas seulement les praticiens, mais aussi les «consommateurs», c’est-à-dire les malades. Beaucoup choisissent de se soigner à l’étranger. Aucune étude ne nous dit combien ils sont, mais le chiffre doit être intéressant.
Les malades qui «fuient» le font pour différentes raisons. Parfois, ils n’ont pas le choix, cas de certaines maladies rares ou de traitement difficiles à suivre au Maroc. Mais pour d’autres, les soins à l’étranger sont un choix personnel et totalement assumé. Ils vont se soigner à l’étranger parce qu’ils ne font pas confiance au système de santé de leur pays.
Il y en aura toujours un qui, parce que ses moyens le permettent, va soigner son rhume ou sa migraine en Europe. C’est sa liberté. Et c’est peut-être une habitude et un réflexe nés de ce manque de confiance dont on parlait plus haut.
Il est facile et inutile de cataloguer cette fuite dans le rayon «caprice de riches». Cherchez autre chose, intéressez-vous plutôt aux raisons qui coupent le lien entre le consommateur et le prescripteur, c’est-à-dire entre le malade et le médecin.
Cadre et conditions de pratique, capacité d’accueil, équipements, etc. Énumérez ces raisons et vous allez en épingler quelques-unes qui font fuir à la fois les médecins et les malades marocains!