Le 25 septembre 2022, Aïcha Ech-Chenna, figure emblématique du combat pour les droits des mères célibataires, s’est éteinte, laissant derrière elle un héritage inestimable. Pendant plus de cinquante ans, elle s’est battue avec une détermination inébranlable pour redonner dignité et espoir aux femmes rejetées par la société en raison de leur maternité hors mariage.
À travers l’Association Solidarité Féminine (ASF), créée en 1985, Aïcha Ech-Chenna, surnommée la «mère Teresa du Maroc», a œuvré sans relâche pour briser les tabous et ouvrir la voie à une prise de conscience collective sur la condition de ces femmes. Son combat visait à leur permettre d’accéder à l’autonomie à travers un accompagnement structuré mêlant formation professionnelle, alphabétisation et insertion socio-économique.
Plus de deux ans après la disparition de sa fondatrice, qu’en est-il de son héritage? Pour répondre à cette question, Le360 s’est rendu au siège de l’ASF, niché dans les ruelles du quartier Palmiers à Casablanca, où l’association poursuit son engagement sous la présidence de Naima Ame.
Chaque année, une cinquantaine de mères célibataires continuent d’être prises en charge par l’ASF, bénéficiant d’un suivi individualisé incluant apprentissage de la lecture, gestion budgétaire et formation professionnelle, notamment dans le domaine de la restauration.
Parallèlement, l’association apporte son soutien à plus de 1.000 enfants nés hors mariage, leur garantissant un cadre plus stable et un accès aux droits fondamentaux. Les restaurants de l’ASF tournent encore à plein régime et sont avant tout des ateliers de formation, où les mères célibataires apprennent les métiers de la cuisine, du service et de la gestion. Chaque repas servi contribue directement au fonctionnement de l’association et «permet d’accompagner de nouvelles bénéficiaires», explique la nouvelle présidente Naima Ame. En parallèle, les femmes y acquièrent des compétences concrètes qui leur ouvrent les portes du marché du travail.
Une autonomie financière multipliée par 3 en 2 ans
«C’est grâce à nos activités génératrices de revenus que nous assurons notre autofinancement», explique Naima Ame. C’est là le pilier du modèle économique de l’ASF: en plus d’offrir aux mères célibataires une formation qualifiante, elle assure sa propre pérennité financière. Pour preuve, ces activités ont permis à l’association d’atteindre une autonomie financière de 75% en deux ans.
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Pendant des années, le hammam a constitué un autre levier de financement important pour l’association. «Le hammam était ouvert de 2004 jusqu’à la crise du Covid-19, suite à laquelle nous avons été obligés de le fermer», déplore Naima Ame. La disparition de cette source de revenus a fragilisé l’association, d’autant plus que certaines subventions ont cessé après le décès de Aïcha Chenna.
21.715 mères célibataires accompagnées
L’ASF mise plus que jamais sur son modèle économique pour assurer sa continuité. «Comme le voulait Aïcha, la pérennité de l’association est surtout basée sur nos recettes, il faut voir plus loin et développer ces activités pour pouvoir intégrer de nouvelles mamans et leurs enfants», affirme la présidente. Aujourd’hui, alors que «les financements nationaux se font rares» et que l’association repose en grande partie sur des donateurs et bailleurs de fonds internationaux, le renforcement de ces initiatives reste une priorité absolue pour garantir l’accompagnement de ces mères célibataires.
Les résultats sont là. «De 2003 à 2024, nous avons accompagné 21.715 mères célibataires», explique-t-elle. La présidente, Naima Ame, indique par ailleurs que «100% des mères célibataires accompagnées par l’ASF gardent leur enfant», évitant ainsi l’abandon, l’un des objectifs majeurs de l’association. Cela est également assuré par l’intégration de ces dernières au programme socioprofessionnel qui assure que 100% de ces femmes trouvent un emploi à l’issue de leur formation, «leur permettant de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur enfant».
Les défis demeurent immenses. Malgré les avancées, les mères célibataires restent confrontées à une marginalisation sociale et juridique, et l’ASF poursuit son combat pour une reconnaissance officielle de leur statut en tant que familles monoparentales.
Ce plaidoyer s’inscrit dans une vision plus large visant à responsabiliser l’État et les collectivités, afin que la protection et l’accompagnement de ces femmes ne reposent pas uniquement sur le travail des associations. «L’ASF apporte une réponse, mais ce travail ne devrait pas reposer uniquement sur les associations», souligne Naima Ame, appelant à un engagement institutionnel plus fort pour garantir à ces femmes des droits, un cadre légal et des solutions pérennes.
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