Pour eux, c’est une «bénédiction»: le parcours hors du commun de trois parents d’enfants autistes

Karima Ayar, Imane Ait Lhaj et Hamid Reguigui, les parents que Le360 a rencontrés au siège du Collectif autisme Maroc, à Rabat. (S.Bouchrit/Le360)

Le 08/02/2025 à 19h02

VidéoÉlever un enfant autiste, c’est cheminer vers des découvertes insoupçonnées. Trois familles témoignent de cette relation hors du commun, où chaque obstacle devient une source d’apprentissage et d’émerveillement. Ces parents racontent pour Le360 comment cette expérience a bouleversé leurs certitudes et transformé leur rapport au monde.

Élever un enfant autiste est une expérience parsemée de défis, mais aussi de découvertes et de moments lumineux. Le360 est parti à la rencontre de trois parents, au siège du Collectif autisme Maroc (CAM), à Rabat, qui témoignent de leurs parcours: du diagnostic initial, souvent empreint d’angoisse et de doutes, aux petites victoires du quotidien, qui deviennent de grands pas dans l’insertion des autistes, donnant du sens à chaque effort des parents. Entre résilience et amour inconditionnel, ces derniers réapprennent à voir le monde à travers les yeux de leurs enfants, transformant chaque obstacle en une source de force et d’espoir.

Bien que l’autisme soit un défi à relever pour les familles (altération du langage, de la perception, des interactions sociales, de la motricité), il est aussi source de révélations atypiques sur ces enfants, qui ont des façons bien à eux de comprendre le monde, et d’interagir. Différentes certes des nôtres, mais chaque enfant autiste présente un profil unique et des compétences d’insertion. Karima Ayar, maman de quatre enfants, nous parle de son aînée, Yasmine, qui a aujourd’hui treize ans. Yasmine a été diagnostiquée autiste à l’âge de trois ans. «Elle faisait des crises de colère, elle n’arrivait pas à parler et n’était pas autonome, et on m’a fait comprendre qu’elle resterait comme ça toute sa vie», se souvient, émue, la maman. Mais cet avis s’est avéré erroné. Aujourd’hui, «Yasmine parle, elle est scolarisée, autonome et elle sait réguler ses émotions», ajoute-t-elle, le regard plein de fierté.

Yasmine a aussi poussé sa maman à s’émanciper. Pour beaucoup, découvrir qu’on a un enfant autiste est synonyme de transformation, à titre personnel, familial et même professionnel. Karima Ayar, qui travaillait jadis dans l’informatique, est aujourd’hui psychologue clinicienne et psychomotricienne. Sa fille, Yasmine, a impulsé sa reconversion professionnelle en plus d’avoir redéfini ses «priorités, principes, croyances et personnalité». Une belle histoire…

Une autre parente, Imane Ait Lhaj, maman de Mohamed Amine, qui a six ans, a découvert grâce à son fils l’amour et le don de soi que l’on doit aux autres. Elle s’est consacrée au bénévolat, jonglant désormais entre son travail associatif, ses responsabilités maternelles, conjugales et personnelles. Elle explique, le regard illuminé: «L’autisme de mon fils m’a permis de découvrir une nouvelle version de moi-même. Une version que jamais, je n’aurais imaginée exister.» Elle ajoute que c’est Mohamed Amine qui lui a également appris à organiser sa vie, à hiérarchiser les priorités, puisque face à toutes les tâches qu’elle devait réaliser, elle «n’avait plus le droit ni le choix de se tromper, et de mal gérer le temps» si elle voulait réussir. Chaque trouble est spécifique, on parle là d’un spectre qui rend les approches éducatives et thérapeutiques variées.

Si chaque parent vit l’autisme de son enfant selon sa propre sensibilité, nos trois intervenants s’accordent sur un point: au-delà des difficultés parfois assez éprouvantes, cette expérience a insufflé en eux une force insoupçonnée. Hamid Reguigui est un père qui ne jure que par l’amour qu’il porte à son fils, Bilal Mehdi, neuf ans. Cet amour est l’artisan des efforts qui lui ont permis, ainsi qu’à sa femme, de s’impliquer dans l’univers de son enfant. Il a appris, lentement, à «partager et communiquer avec lui dans son monde particulier». Plus que cela, il perçoit désormais Bilal Mehdi comme une bénédiction qui lui a montré «les vertus de la vie», comme la patience et la gratitude. C’est un ressenti qu’il partage avec Karima Ayar, la maman de Yasmine. Elle a développé, grâce à l’autisme de sa fille, des valeurs humaines comme la tolérance et l’acceptation de la différence, qui selon elle «font la richesse de ce monde».

Une existence sans préjugés ni faux-semblants

Les voix des parents s’animent lorsqu’ils évoquent les qualités qui rendent leurs enfants uniques. Une fierté sincère se reflète dans leurs regards, bien plus forte que les tracas du quotidien. Karima Ayar admire la mémoire prodigieuse et l’attention accordée aux détails par sa fille Yasmine, à qui rien n’échappe, «surtout pas les petites choses pertinentes», confie-t-elle, le sourire attendri. Tandis que le petit Bilal Mehdi, lui, est loué pour son intelligence et son ouïe «extrêmement développée». Et puis, peu à peu, Bilal Mehdi a montré qu’il pouvait structurer des phrases et parler avec confiance. C’était une grande lueur d’espoir pour ses parents. «Nous sommes convaincus que viendra un jour où Bilal Mehdi pourra avoir une vie presque normale, et grandir heureux avec nous. Tout est possible dans l’autisme», confie son papa Hamid.

Mais, ce qui touche le plus ces parents, c’est leur innocence rare, c’est le regard pur qu’ils posent sur l’existence, sans artifices ni faux-semblants. Leurs enfants ne connaissent ni le mensonge ni la malhonnêteté, ils avancent dans le monde avec une sincérité désarmante. Chaque émotion qu’ils ressentent est exprimée à leur manière et sans détour, chaque parole et geste dénués de calcul. «Ils apprennent comme une feuille blanche», explique Imane Ait Lhaj, et «lorsqu’ils découvrent quelque chose, c’est toujours de manière spontanée, sans intention cachée». Elle ajoute que si les enfants autistes ne font pas certaines choses, c’est uniquement «parce qu’ils ne savent pas encore comment, jamais par refus ou par défi».

Au fond, n’est-ce pas là une richesse inestimable? Une manière d’être au monde qui donne, chaque jour, à ces parents, une leçon silencieuse sur la beauté et la grandeur de la filiation.

Par Camilia Serraj et Said Bouchrit
Le 08/02/2025 à 19h02

Bienvenue dans l’espace commentaire

Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.

Lire notre charte

VOS RÉACTIONS

0/800