Pour répondre à l’augmentation constante de la demande en eau et anticiper les effets du changement climatique, le Maroc opte pour une politique de diversification de l’offre hydrique. Au cœur de cette stratégie: la mise en place d’infrastructures de transfert d’eau entre les bassins. Véritables «autoroutes de l’eau», ces projets s’inscrivent dans une logique de solidarité territoriale, avec un mot d’ordre: ne laisser aucun territoire à sec, résume d’emblée Younes Laabdi, chef de service de la gestion de l’eau à la direction générale de l’hydraulique.
«Le Maroc dispose aujourd’hui de 17 infrastructures de transfert, qui permettent d’acheminer les ressources des régions excédentaires vers les régions en pénurie. L’exemple le plus saisissant n’est autre que le projet de connexion entre les bassins hydrauliques de Loukkos, Sebou, Bouregreg et Oum Er-Rbia qui remonte à la période de préparation de la Stratégie nationale de l’eau, laquelle a été présentée devant le roi Mohammed VI à Fès en 2009», rappelle notre interlocuteur.
«Ce projet constitue la première opération d’une telle envergure et de ce type dans l’histoire du Maroc. Il vise une valorisation optimale des ressources en eau et la mise en œuvre d’un véritable solidarisme territorial entre les bassins excédentaires en ressources hydriques et les bassins déficitaires. Et suite à l’évolution de la situation hydrologique au niveau des bassins concernés, à la progression de la demande en eau, ainsi qu’aux avancées dans les études techniques du projet et des projets connexes, la version initiale du projet a été revue», ajoute Younes Laabdi.
À terme, ce projet permettra de transférer un excédent estimé à 1,2 milliard de mètres cubes (m³) d’eau par an, un volume considérable destiné à répondre à plusieurs besoins, comme le signale le responsable. «Il s’agit notamment du renforcement de l’approvisionnement en eau potable de la région de Marrakech et de l’axe Rabat-Casablanca, de l’amélioration de l’irrigation dans les périmètres agricoles de Doukkala, Beni Amr et Beni Moussa et de la préservation de la nappe phréatique de Berrechid, utilisée pour répondre aux besoins agricoles de la région», poursuit-il.
Première concrétisation de cette interconnexion: la liaison entre le bassin du Sebou et celui du Bouregreg, mise en service en août 2023. Cette phase visait à transférer l’excédent d’eau du barrage garde de Sebou vers le barrage Sidi Mohamed Ben Abdellah (Bouregreg), avec un débit de 15 m³/s, soit entre 350 et 470 millions de m³ par an.
Le projet d’interconnexion des bassins hydrauliques du Sebou et du Bouregreg pour sécuriser l’approvisionnement en eau de l’axe Rabat-Casablanca. . le360
Les travaux ont nécessité la pose de 66,5 km de conduites en acier de 3.200 mm de diamètre et la construction de deux stations de pompage. «Cette première phase a déjà permis de transférer plus de 600 millions de m³ d’eau, évitant ainsi une crise majeure d’approvisionnement en eau potable sur l’axe Rabat-Casablanca», note notre interlocuteur.
La deuxième phase prévoit le renforcement du transfert Sebou–Bouregreg avec un débit porté à 45 m³/s, soit environ 800 millions de m³ par an, puis la connexion avec le bassin de l’Oum Er-Rbia. Celle-ci sera rendue possible grâce à un acheminement d’eau sur 209,6 km, depuis le barrage Sidi Mohamed Ben Abdellah jusqu’au barrage Al Massira. Le projet, qui devrait s’appuyer sur un partenariat public-privé, est en phase d’études techniques qui devraient être finalisées d’ici fin 2026, avec un lancement de travaux prévu dans le cadre d’un partenariat public-privé, fait savoir Younes Laabdi.
Enfin, la troisième phase porte sur la connexion des bassins de Loukkos et Laou au bassin de Sebou, avec un débit de 20 à 30 m³/s. Les travaux incluent notamment le projet de connexion entre les barrages Oued El Makhazine et Dar Khrofa.
«La réalisation du projet de connexion entre les barrages Oued El Makhazine et Dar Khrofa a été lancée dans le but de sécuriser l’approvisionnement en eau potable, industrielle et touristique du pôle de Tanger, pour un coût global de 840 millions de dirhams. Un chantier qui vise également à réduire les pertes d’eau excédentaire observées en aval du barrage Oued El Makhazine durant les périodes pluvieuses», explique-t-il.
Les travaux prévus comprennent la pose de 40,3 km de conduites de 1.800 mm de diamètre et la construction d’une station de pompage d’un débit de 3,2 m³/s, permettant ainsi le transfert de 100 millions de m³ d’eau par an. Selon Younes Laabdi, la mise en service du projet est en cours de manière progressive, jusqu’à l’atteinte du débit nominal prévu.
Aperçu des travaux d'interconnexion des barrages Oued El Makhazine et Dar Khrofa.
Outre l’aspect technique, ces interconnexions répondent à des objectifs cruciaux, à savoir assurer un équilibre entre les régions en répartissant équitablement l’eau, renforcer la sécurité hydrique nationale, réduire la vulnérabilité face aux sécheresses, optimiser la gestion des ressources en eau et enfin, soutenir le développement économique durable, notamment en stabilisant l’activité agricole et industrielle, conclut Younes Laabdi.
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