Sommes-nous attractifs sur le marché mondial des compétences?

Fouad Laroui.

ChroniqueQuand nous discutons de l’évolution de notre législation en ce qui concerne les libertés fondamentales, n’oublions pas une chose: il ne s’agit pas de faire plaisir à quelques vieux turbans ou d’apaiser des politicards opportunistes. Il s’agit aussi de l’attractivité de notre pays sur le marché mondial des compétences.

Le 10/04/2024 à 12h04

Il y a une dizaine de jours, je me trouvais dans une réunion quadripartite, comme on dit dans les communiqués officiels… -en fait, soyons clairs, nous étions quatre amis, trois messieurs et une dame, dans un lieu calme et cozy de la capitale des Pays-Bas, pour voir comment nous pourrions inciter des professionnels d’élite maroco-néerlandais à rentrer œuvrer dans leur pays d’origine. Nous nous intéressions en priorité aux médecins, surtout aux spécialistes.

Nous étions donc quatre, comme les trois mousquetaires. Pour préserver notre anonymat, j’utiliserai par la suite les pseudonymes du film Reservoir dogs de Tarantino.

- L’un des meilleurs cardiologues de ce pays est d’origine marocaine, annonça fièrement mister Blue, qui vit aux Pays-Bas et que nous avions sollicité pour son expertise.

Mister Brown, venu de Casablanca pour prospecter, s’en réjouit:

- Contactons-le!

Miss Pink, experte locale de grande valeur, fit la moue:

- Les Pays-Bas manquent de spécialistes, on leur déroule le tapis rouge, on leur fait des ponts d’or, comment voulez-vous persuader ce brillant cardiologue de rentrer au Maroc?

- Déjà, il y fait plus beau qu’ici, répondit mister Yellow en tournant la tête vers la fenêtre.

Le ciel bas et lourd pesait tel un couvercle, merci Baudelaire, et un crachin persistant achevait de donner au décor l’ambiance sinistre d’un tableau de Munch.

- Certes, le climat est meilleur chez vous, mais ce ne sera pas suffisant, répliqua miss Pink. Il vous faudra imaginer autre chose.

Mister Brown:

- On pourrait jouer sur la fibre nationaliste. Contribuer au développement de son pays et au bien-être de ses concitoyens, c’est quand même une forte motivation, non?

Les trois autres firent la moue. Mister Yellow exprima le sentiment général:

- Oui, c’est une motivation, mais encore faut-il que les conditions générales d’accueil soient bonnes!

Miss Pink posa une question:

- Prenons le cas de mon amie Sara, ophtalmologue de renom. Elle mène ici une vie très libre, très indépendante, elle sort quand elle veut, rentre quand elle veut, sans rendre de compte à quiconque. Pourra-t-elle en faire de même chez vous?

Bref. Vous pouvez imaginer la suite de la conversation, qui n’a rien d’exceptionnel: de telles discussions ont lieu tous les jours un peu partout dans notre pays. N’est-ce pas ici qu’une promotion entière d’un Institut d’informatique s’envola vers d’autres cieux? D’ailleurs, juste quelques jours après cette rencontre d’Amsterdam, je lus dans la presse que la France allait recruter en urgence quelques milliers de médecins hors d’Europe…

Cependant, je voudrais noter ici quelque chose que beaucoup de nos compatriotes installés à l’étranger -et pas seulement messieurs Pink ou Yellow- disent. Il s’agit des droits et libertés des citoyens: la liberté de circuler, la liberté d’opinion, d’expression, le droit à la sûreté, le principe d’égalité entre hommes et femmes, le droit à l’éducation, le droit à la propriété, une justice rapide et impartiale, etc. Ces droits, ils les connaissent, ils ont grandi avec, ils n’y renonceront pas en revenant au Maroc.

Quand nous discutons de l’évolution de notre législation en ce qui concerne les libertés fondamentales, n’oublions pas une chose: il ne s’agit pas de faire plaisir à quelques vieux turbans ou d’apaiser des politicards opportunistes. Il s’agit aussi de l’attractivité de notre pays sur le marché mondial des compétences.

Le brillant cardiologue amstellodamois n’acceptera pas qu’un réceptionniste d’hôtel ou un condé en uniforme l’emmiellent quand, après avoir travaillé dur toute la semaine, il voudra passer un week-end relax à Essaouira avec son amie de cœur, face à l’Océan, un verre d’eau d’Écosse à la main.

Par Fouad Laroui
Le 10/04/2024 à 12h04