TikTok, la machine à glamouriser les haragas

Zineb Ibnouzahir.

Zineb Ibnouzahir. Le360

ChroniqueÀ peine arrivée, l’adolescente se filme en train de marcher pieds nus, de nuit, dans les rues de l’enclave espagnole. Les cheveux mouillés, encore vêtue d’une combinaison intégrale rose bonbon et gris clair, elle apparaît souriante, enjolivée par un filtre beauté, le pouce levé en signe de victoire.

Le 01/09/2024 à 13h58

Sur son compte TikTok, suivi par plus de 152.000 abonnés, Chaimae, 19 ans, partage depuis quelques jours quantité de vidéos de son quotidien. La jeune fille originaire de Martil, dans le nord du Maroc, est littéralement devenue une star sur ce réseau social. Son succès, elle le doit à un exploit bien particulier, admiré par certains, décrié par d’autres, celui d’avoir quitté clandestinement le Maroc, en nageant plus de cinq heures pour atteindre Sebta.

Malgré le froid, les courants forts, les vagues qui menacent de vous envoyer par le fond ou de vous déchirer sur les rochers, elle y est parvenue, grâce, explique-t-elle à un média local mais aussi sur les vidéos qu’elle partage abondamment, à sa bonne maîtrise de la natation. Il aura pourtant fallu à celle qui se rêve sauveteuse dans cette autre vie fantasmée, s’y reprendre à quatre reprises.

À peine arrivée, l’adolescente se filme en train de marcher pieds nus, de nuit, dans les rues de l’enclave espagnole. Les cheveux mouillés, encore vêtue d’une combinaison intégrale rose bonbon et gris clair, elle apparaît souriante, enjolivée par un filtre beauté, le pouce levé en signe de victoire. Depuis son arrivée, la jeune fille, prise en charge dans un centre, multiplie les vidéos dans lesquelles elle traduit ses sentiments en reprenant en playback des chansons de raï et de rap qui toutes parlent de Hrig, de la frustration qui pousse à quitter son pays et sa famille pour d’autres cieux, de nostalgie… Au fil de ces vidéos, sur lesquelles elle pose comme une touriste dans les rues de la ville, on ne peut qu’être marqué par l’impressionnant répertoire musical dédié à cette thématique. Se dire qu’une partie de notre jeunesse se retrouve dans ces paroles est un crève-cœur.

En commentaires des posts de Chaimae, beaucoup de réactions d’admiration, des demandes de conseils pour suivre son exemple, des messages de soutien, mais aussi, des critiques, car dans cette documentation de sa vie de clandestine prête à braver la mort, à seulement 19 ans, beaucoup voient une incitation des jeunes Marocains à imiter son exemple. Le phénomène a de quoi inquiéter au vu des millions de vues, que la jeune Marocaine totalise dans certaines de ses vidéos devenues dangereusement virales.

Plus inquiétant encore, sur ce réseau social, les hashtags Hrig et Haraga abondent. Des traversées en mer, des liasses de billets de banque que l’on exhibe, des partages d’expériences une fois arrivés à destination… la plateforme se fait le relais de ce nouveau type d’influenceurs qui glamourisent leur quotidien. Pour des jeunes frustrés et désespérés, rien de plus facile que de se projeter dans ces exemples de «réussite» apparente, de la même manière qu’aujourd’hui, les nouvelles idoles de la Gen Z prennent les traits d’influenceur(se)s qui tous prétendent vivre une vie de rêve, argentée et sans contraintes.

Autant de récits filmés diffusés sur des réseaux sociaux qui participent à la mystification de l’immigration clandestine et à conférer aux récits des rescapés la dimension d’une épopée héroïque.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 01/09/2024 à 13h58

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Je suis française, et j'ai recueilli chez moi un jeune ghanéen, 16 ans à son arrivée, qui est venu clandestinement à Paris. Il a traversé toutes les embûches possibles, et peine à en parler. Il a trouvé sur sa route des aides, de gens isolés, puis d'institutions comme la Croix-Rouge. Il est scolarisé, et dit qu'il est heureux d'être là, mais ne conseillerait à personne de faire le même trajet. Il a beaucoup d'amis dans son cas. Beaucoup de ceux qui tentent la traversée espèrent avoir la même chance.

Châpeau à ces personnes, pour le risque. Ils ne savent, malheureusement pas, ce qu'ils ratent en quittant Al Maghreb. S'aventurer pour venir à Europa pour mendier. Hchouma,

Les européens, entre autres, rêvent de venir au Maroc pour goûter à sa beauté et à la gentillesse de ses habitants. Ils repartent tristes et nostalgiques dans leurs banlieues grises avec quelques épices pour se souvenir. Et là-bas, ils n'entendent pas la bénédiction de l'appel à la prière, l'appel de leur Créateur pour venir L'adorer sur Ses terres bénies. S'ils savaient vraiment ce qu'est la vie là-bas et le risque pris pour leur noble Religion, ils seraient plutôt épouvantés d'avoir voulu suivre aveuglément le mauvais conseiller, le furtif, le Malin... Foi d'un étranger vivant au Maroc.

Zineb, c’est beaucoup plus complexe que ça! Ces jeunes qui rêvent de pouvoir quitter leur pays n’ont pas tout à fait tort. C’est à force de voir les injustices et disparités sociales partout que, désabusés et désespérés, ils se lancent dans ces aventures; au risque même de leurs vies. On s’entend très bien pour dire que le Maroc est loin d’être un pays pauvre. Il y a assez de richesses pour que tout marocain puisse vivre dans la dignité; sans avoir à penser échanger la vie dans son pays pour une autre inconnue et très souvent risquée. Malheureusement, en dépit de la «baraka» abondante qu’on connaît au bled, il y a l’impunité dont jouissent la majorité des responsables politiques et administratifs qui, dans une course frénétique à l’enrichissement personnel, s’acharnent à piller le pays!

La fameuse jeune fille en question se sentant être un exemple de "paradis artificiel" en ailleurs et eldorado surdimensionné et tant rêvé puisque fantasmé,aurait pris l'eau avec son téléphone portable submersible,en prouesse d'étanchéité,qui aurait fonctionné à peine le pied posé sur cette terre ferme devant contraster avec la Mère-Patrie,le Royaume du Maroc notre Roc non friable ?..

Les jeunes tentent de traverser surtout par envie de voyager. Les visas stricts imposés par les pays développés encouragent davantage l'immigration clandestine. Pour les jeunes européens, américains ou asiatiques, c'est différent : ils savent qu'ils peuvent se déplacer librement, ce qui les rassure. Mais ce n’est pas le cas pour nos jeunes du Maghreb.

Il est urgent d’interdire ce réseau social on n’a pas besoin de nourrir en continu l’abrutissement d’une jeunesse qui ne rêve que d’ailleurs,la solution n’est pas dans le sauve qui peut.

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