Trump, Sarkozy et la nation

Fouad Laroui.

ChroniqueOn peut dire exactement le contraire de ce que dit Sarko. Si on analyse les discours de Trump, on se rend compte qu’il a surtout parlé à une communauté et non à la nation.

Le 13/11/2024 à 10h59

Nicolas Sarkozy, avec ses qualités et ses défauts (qui n’en a pas?), est un ami du Maroc. En particulier, il défend, quand il en a l’occasion, la marocanité de nos provinces du Sud et il le fait avec conviction. Il n’est donc pas question de le malmener dans ces colonnes. Toutefois, nous adopterons l’attitude d’Aristote, qui disait «je suis l’ami de Platon, mais plus encore l’ami de la vérité», et nous nous permettrons de contredire gentiment sahibouna Nicolas.

Dans une vidéo que m’a fait parvenir mon frère, on entend l’ancien Président de la République livrer son analyse de la victoire de Trump et de la défaite de Kamala Harris. Selon lui -c’était sur BFM TV-, celle-ci aurait ‘parlé aux communautés’, alors que Donald aurait ‘parlé à la nation’. Et c’est pourquoi elle a perdu.

Pas d’accord.

On peut dire exactement le contraire de ce que dit Sarko. Si on analyse les discours de Trump, au-delà des mensonges, des exagérations, des métaphores tordues et des métonymies sans domicile fixe, on se rend compte qu’il a surtout parlé à une communauté (et non à la nation): la communauté des ‘petits Blancs’ qui se sentent menacés par la montée en puissance des autres communautés. D’où la promesse d’expulser des millions (oui: des millions) d’immigrés latinos ou africains ou ‘musulmans’…

(Petite parenthèse: c’est le moment de revoir Falling Down, ce film de Joel Schumacher sorti en 1993, avec Michael Douglas en vedette, et qui illustrait parfaitement, et de façon prémonitoire, l’état de peur paranoïaque de ces ‘petits Blancs’ qui ne reconnaissent plus l’Amérique que leurs ancêtres wasp (blancs, anglo-saxons et protestants) avaient bâtie sur le génocide des Peaux-Rouges et l’esclavage des Noirs.)

Revenons à Trump (encore un ami de notre pays, donc allons-y mollo…). Il n’y a qu’à voir qui était à ses meetings: que des Blancs (ouvriers, ruraux, classe moyenne…). La chance de Trump, c’est que des électeurs d’autres communautés (Latinos, Noirs, etc.) ont également voté pour lui en croyant naïvement entendre dans son message adressé aux Blancs quelque chose pour eux…

En fait, Sarkozy ne fait qu’instrumentaliser la victoire de Trump pour développer un argumentaire nationaliste en prévision de l’élection présidentielle française de 2027. Peut-être sera-t-il candidat? Peut-être rêve-t-il d’un come-back à la Trump? ‘Nationaliste modéré’ serait sans doute une bonne position entre le communautarisme supposé de la gauche et le nationalisme exacerbé de l’extrême droite.

Notre pote Nicolas devrait regarder de près le préambule de notre Constitution. Il verrait qu’on peut parfaitement ‘faire nation’ tout en reconnaissant des ‘composantes’ de cette nation (dans notre cas: arabo-islamique, amazighe, saharo-hassanie avec ses ‘affluents’ africain, andalou, hébraïque et méditerranéen). C’est bien Kamala Harris qui parlait de nation américaine en en reconnaissant les composantes et c’est l’autre qui ne parlait qu’à une communauté.

Mais bon, ce sont tous nos amis, donc je vais m’arrêter là.

Amicus Plato, sed magis amica veritas.

Par Fouad Laroui
Le 13/11/2024 à 10h59