D’année en année, les transferts d’argent des Marocains résidant à l’étranger ne cessent d’augmenter. Ces chiffres parlent et nous disent quelque chose d’important: le Marocain, où qu’il soit, là où il vit et travaille, en Europe, en Amérique ou même en Australie, a une bonne habitude: économiser pour envoyer à son pays natal ce qu’il peut mettre de côté. C’est une tradition.
Partout où je suis allé, j’ai rencontré des MRE de toutes conditions qui ont le Maroc au cœur. Je parle de l’ère de Mohammed VI, lequel a su les faire respecter, leur donner le statut qu’ils méritent, ce qui fait que leur accueil a énormément changé par rapport à des temps anciens. Ce ne sont pas que des citoyens qui ramènent de l’argent au pays; ce sont des citoyens qui ont dû émigrer pour garantir l’avenir de leurs enfants, et tiennent tous à investir dans la construction d’une maison où ils iront non seulement passer leurs vacances, mais où ils viendront aussi vivre tranquillement leur retraite. Ils méritent respect et considération.
Avoir le Maroc au cœur, l’attachement au pays, à sa prospérité et à sa réputation sont indiscutables. On critique tout ce qui ne va pas, on gueule, on proteste, mais on aime le pays. Cet amour s’exprime par la notion importante et efficace du transfert d’argent. C’est la preuve d’une confiance inébranlable.
Pour donner un exemple, d’après la Banque mondiale, les transferts de la communauté algérienne à l’étranger se situent autour de 1,7 milliard de dollars (ce qui correspond à 1,1 du Produit intérieur brut). Ceux des Marocains s’établissent à 11,8 milliards de dollars, et progressent de 4 à 5 points chaque année. L’amour du pays n’est pas contestable.
Il s’agit là des transferts de la communauté légalement installée à l’étranger et enregistrée aux consulats. L’autre partie des Marocains, installée clandestinement et dans des conditions dramatiques, fait ce qu’elle peut.
L’autre soir, en regardant un match de football comptant pour l’Euro, opposant l’Espagne à l’Allemagne, le commentateur ne cessait de faire l’éloge de Lamine Yamal, jeune virtuose du foot (il a moins de 17 ans), né en Espagne d’un père Marocain et d’une mère guinéenne et espagnole. Il se trouve que le père avait traversé le détroit de Gibraltar dans une barque la nuit et était entré clandestinement en Espagne en tant qu’immigré irrégulier. Le destin a fait que cet homme a fait sa vie, malgré toutes les difficultés, et est aujourd’hui le père d’une étoile du football, dont la valeur est estimée à plusieurs dizaines de millions d’euros. Lamine Yamal est devenu, en quelques mois, l’un des footballeurs les plus admirés et les plus recherchés, voué à un avenir vraiment radieux.
Le hic, dans cette jolie histoire, c’est que le Yamal en question (son vrai nom est Jamal Lamine) a refusé de faire partie de l’équipe nationale des Lions de l’Atlas et s’est rangé du côté espagnol. Ce qui n’empêche pas son père de faire comme l’ensemble des MRE: transférer annuellement une certaine somme d’argent.
Il y a le transfert d’argent, puis l’impact du comportement et des habitudes, surtout des jeunes sur la société marocaine. Cet apport, non comptabilisable, est important, notamment en ce qui concerne la condition de la femme. Ces jeunes Européennes qui viennent passer un mois par an dans le pays natal de leurs parents se conduisent sans faire de concessions par rapport à leurs acquis en ce qui concerne les libertés individuelles. Elles se sentent marocaines, mais n’admettent pas les interdits et les lois qui les empêchent de vivre comme elles le désirent. Ainsi, elles passent outre les articles de loi 489, et elles ont raison. Interdiction de relations sexuelles avant le mariage et interdiction de l’homosexualité. Quand on vient d’un pays où «le mariage pour tous» a été voté au parlement et a cours partout, elles ne comprennent pas l’attachement purement illusoire à ces articles ne correspondant en rien aux réalités ni à l’évolution des mœurs dans une société qui aspire à la modernité.
La belle histoire de Yamal n’est pas isolée. Nombre d’enfants de MRE, dans la plupart des pays européens, font des études brillantes et entament ensuite des carrières de très haut niveau. Ils témoignent tous que l’immigration, au lieu d’avoir été un désastre, a été plutôt une chance pour l’épanouissement de leurs capacités et de leurs ambitions. Évidemment, ils ne désirent pas s’installer au Maroc où préfèrent y venir de temps en temps passer des vacances comme ces Européens qui choisissent de plus en plus notre pays comme destination.
Dans les années quatre-vingt-dix, feu le roi Hassan II avait lancé une opération pour le retour des cerveaux marocains installés à l’étranger. Certains ont répondu favorablement, mais les conditions qu’on leur offrait ne les avaient pas satisfaits. Ils sont repartis pour la plupart. Aujourd’hui, pour que cette opération réussisse, il faut y mettre le prix et ne pas chipoter sur les salaires.