Dihiya la Kahina, la guerrière amazighe
Femme, fine stratège et cheffe de guerre berbère à la tête d’une armée d’hommes, Dihiya, alias la Kahina, est devenue une légende dont l’histoire a traversé les âges. Au VIIème siècle, sa réputation dans les rangs de l’ennemi arabe était telle qu’on la disait tour à tour sorcière, prêtresse et prophétesse, une femme qui devait sa puissance à des démons qui lui transmettaient leur savoir et le don de lire l’avenir.
C’est elle que les tribus berbères ont désignée à la tête de leur résistance contre les Omeyyades, dès 688. Issue de la tribu des Zenata, originaire de la région des Awras, Dihiya, outre le fait d’être une tireuse à l’arc émérite et une très bonne cavalière, est aussi une fine stratège et excelle dans l’art de la guerre. A la tête des tribus berbères, elle va réussir le tour de force de les fédérer contre l’envahisseur mais aussi de les mener au cœur d’une bataille de longue haleine.
L’un de ses principaux faits d’armes est d’avoir mis en déroute les troupes du général arabe Hassan Ibn Nouaman El Ghissani vers 693, en organisant une monumentale embuscade et en prenant par surprise l’ennemi. Les historiens musulmans surnommèrent le lieu de la bataille «Nahr Al Bala» (littéralement, la «rivière des épreuves»).
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La fougue de la Kahina, nom que lui donnèrent les Arabes, ne résistera pas à la force et au nombre des troupes ennemies, bientôt rejointe par ses propres hommes. La légende veut qu’elle ait été décapitée par son ennemi de toujours, le général arabe Hassan Ibn Nouaman El Ghissani, mais selon d’autres historiens, elle aurait préféré s’empoisonner plutôt que de se rendre.
Tin Hinan, la mère des Touaregs
Ancêtre des Touaregs nobles du Hoggar, cette reine du désert dont l’histoire retient tant sa beauté que son autorité est née dans la tribu amazighe des Bérêbers du Tafilalet, aux alentours du IVème siècle.
Elle quitte sa terre natale pour traverser le Sahara et s’établir à Abalessa, dans le Hoggar, où elle développe une vie sociale et instaure des relations commerciales avec les voyageurs.
On lui confère alors le titre de Tamenokalt, en sa qualité de souveraine d’une confédération touarègue, car à cette époque, c’est le matriarcat qui prédomine dans la société touarègue.
Zaynab Nefzaouia, la fondatrice de Marrakech
C’est à Zaynab Nefzaouia que l’on doit la création de la ville de Marrakech, cette femme de légende qui fut l’épouse de quatre hommes, parmi lesquels Youssef Ibn Tachfine, premier sultan de la dynastie des Almoravides. C’est ainsi à son épouse que le sultan doit les plans de fondation de la ville ocre, dessinés par ses soins en 1062, et sur la base desquels il fonda la ville de Marrakech.
Née à Aghmat dans l’Atlas marocain, en 1039, Zaynab Nefzaouia est devenue au fil du temps une femme d’une grande influence. Mariée en premières noces à Youssef Ibn Ali, un chef de tribu amazigh, elle se sépare de ce dernier et épouse l’émir Luqut Al Maghrawi. Devenue veuve après que son deuxième mari est mort au combat, elle hérite aussi de sa fortune et épouse ensuite Abu Bakr Ibn Omar, roi et fondateur du mouvement almoravide. Mais ce mariage ne durera pas non plus et elle épouse alors le cousin de son époux, Youssef Ibn Tachfine.
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Celle à qui on attribua le titre de reine, chose inédite à cette époque, ne se contentait pas d’être l’épouse du sultan, mais s’impliquait aussi dans les affaires diplomatiques, ouvrant la voie aux princesses de son époque pour participer à la vie politique.
Zaynab Nefzaouia régnait en effet aux côtés de son mari, le conseillait et l’aida à créer la dynastie des Almoravides et à étendre les frontières de son empire au-delà du Maroc, jusqu’en Espagne, où il s’empara de Grenade, Séville et Valence.
Sayyida Al Hurra, la reine-corsaire
L’histoire veut qu’elle soit née en 1493 à Chefchaouen, ville fondée par son père, Ali Ben Moussa Ben Rachid, en 1471. Rattachée du côté paternel au pôle mystique du soufi Moulay Abdeslam Ben Mchich, saint dont le sanctuaire se trouve sur le mont Allam, en pays Jbala, Sayyida Al Hurra est espagnole par sa mère, Zahra Fernandez.
Elle épouse à 16 ans le deuxième gouverneur de Tétouan, Mohamed Al-Mandari, un ami de son père, afin de sceller une alliance entre familles pour faire front commun contre l’occupation chrétienne. Rompue à la pratique de la diplomatie, elle succède à son mari au poste de gouverneur de Tétouan lorsqu’il décède en 1529.
A cette même période, elle s’allie à un guerrier redouté de tous, le célèbre corsaire ottoman, rattaché au dey d’Alger, Arudj Barberousse. Ce duo invraisemblable, chacun à la tête d’une armée, se partage alors le pouvoir. A elle, le trafic naval et les entreprises corsaires dans la partie ouest de la Méditerranée, à lui le contrôle de la partie orientale.
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Leur alliance s’avère fructueuse et leurs expéditions en mer leur permettent d’amasser une considérable fortune, notamment grâce aux rançons qu’ils réclament aux Espagnols et aux Portugais en contrepartie de la libération de leurs prisonniers.
Au sommet de sa gloire, elle épouse, en deuxièmes noces, en 1541, Ahmed Al Wattassi, roi du Maroc. Mais pour l’épouser, elle lui impose de faire le déplacement jusqu’à Tétouan, faisant ainsi une entorse à l’usage qui voulait que ce type de cérémonie se déroule à Fès, capitale royale. En acceptant de se rendre à Tétouan, son deuxième époux consent ainsi à la laisser gouverner cette ville à laquelle elle ne saurait renoncer. Même mariée, elle continuera d’y résider et sera d’ailleurs chargée par son époux de gérer les relations avec les Portugais.
C’est à Chefchaouen, sa ville natale, qu’elle s’éteint et où repose sa dépouille. Elle est inhumée dans la zaouïa Raïssouniya, où son tombeau est entretemps devenu un lieu de pèlerinage pour les femmes.