«Rabat, la ville nouvelle» est le titre d’un nouveau beau livre signé Abderhamane Chorfi. Cet ouvrage, financé par la BMCI et édité chez Bouillon de Culture, a été pensé sous forme de flânerie. Il s’agit d’un livre descriptif, parti du plan de sauvegarde réalisé par l’architecte qui a fondé et dirigé l’École nationale d’architecture (ENA) de Rabat.
Aussi discret que travailleur, Abderahmane Chorfi a, pendant de longues années, dirigé plusieurs agences urbaines et a été secrétaire général du ministère de l’Urbanisme.
Préfacé par Abdeljalil Lahjomri, le livre est accompagné d’un guide de poche que les visiteurs de la capitale peuvent facilement consulter et découvrir qui est par exemple Adrien Laforgue, l’architecte du bâtiment des Chèques et de l’hôtel Balima, entres autres.
Le360: Vous venez de publier le beau livre «Rabat: La ville nouvelle». Qu’est-ce qui a motivé la réalisation de cet ouvrage?
Abderrahmane Chorfi: C’est un livre sur Rabat, issu d’un travail que j’avais déja fait, à savoir le plan de sauvegarde de la ville nouvelle de Rabat. La ville nouvelle se trouve à l’intérieur de la muraille almohade délimitée par la muraille andalouse avec la médina, délimitée par la muraille alaouite avec Touarga, et enfin délimitée au nord-est par la muraille du Chellah. Cette zone est appelée ville nouvelle et le Maroc avait demandé qu’elle soit classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Pourquoi ce travail? Pour plusieurs raisons, dont la principale est qu’il y a un déficit très important en matière de connaissances du patrimoine bâti de la première moitié du 20ème siècle. Mais mon livre ne porte pas que sur la première moitié du 20ème siècle, parce qu’il va jusqu’en 1990.
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Si les gens de ma génération connaissent uniquement Henri Prost et Michel Écochard, il faut savoir que plusieurs architectes talentueux, inconnus du grand public, ont réalisé des bâtiments tout à fait exceptionnels. Le livre va d’une certaine manière pallier un tant soi peu ce manque. C’est un premier pas pour connaître le centre-ville de Rabat.
Lorsque les gens le liront, ils sauront qui est Adrien Laforgue, qui a fait pratiquement toute la zone centrale du boulevard Mohammed V: la poste, les Chèques postaux, la Trésorerie générale, le Palais de justice, la gare, l’hôtel Balima. Cet architecte était quasiment inconnu.
Ce livre a nécessité dix années de recherche. Comment avez-vous procédé?
J’ai impliqué deux jeunes étudiants pour effectuer des recherches dans les archives de la Commune urbaine de Rabat-Hassan. On a donc sorti plusieurs dossiers. Sur les 100 bâtiments que je présente, il y en a 70 dont on connaît le nom de l’architecte.
Qu’est-ce qui différencie, selon vous, votre ouvrage des autres livres sur Rabat?
C’est un livre de connaissance des édifices. Il est descriptif, j’y fais de l’analyse architecturale. C’est un livre très utile pour les étudiants et tous ceux qui aiment et s’intéressent à l’architecture. Les 100 bâtiments présentés dans le livre, nous les avons classés en quatre parties. J’ai appelé cela des flâneries. Le livre est aussi accompagné d’un dépliant, un flyer où on peut voir le nom de l’architecte et des détails de l’édifice et se rendre compte de l’intérêt du patrimoine.
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Ayant fondé l’École nationale d’architecture de Rabat et après avoir dirigé plusieurs agences urbaines, quel est votre avis sur l’architecture et son évolution?
Nous avons un urbanisme dit à la française parce qu’il est très pensé et maîtrise beaucoup les hauteurs, les reculs. Contrairement à des villes comme Los Angeles, où vous avez des tours partout, l’urbanisme à la marocaine est très maîtrisé dans ses dimensions principales. Cette considération continue d’exister. Je parle ici de tout ce qui est légal, je ne parle pas des constructions anarchiques. La ville ne doit pas être que fonctionnelle, elle doit être un lieu de rencontres sociales.
A notre époque actuelle, peut-on parler de cachet «Architecture marocaine»?
Durant mes multiples voyages, je suis toujours allé à la recherche de ce que les pays ont gardé de leur passé. Il y a des pays qui ont détruit les vestiges de leur patrimoine architectural, d’autres qui ont reconstruit. Il y a des pays qui n’ont jamais été colonisés, comme la Turquie ou la Chine, et si vous allez à Pékin, vous allez voir une série de tours.
L’urbanisme du 20ème siècle est partout le même, car beaucoup d’éléments s’imposent, comme ceux de la mobilité par exemple. Avec l’architecture du 21ème siècle, on passe à des tours et des autoroutes urbaines, donc on perd quelque chose de fondamental: le lien social. Mais n’empêche, cet urbanisme et cette architecture sont marocains. Tous les courants d’architecture cherchent obligatoirement des références dans la tradition, soit sous forme de moucharabiehs, de toitures-terrasses...