Confrérie et pouvoir politique au Sahara oriental: le cas de Tindouf

Jillali El Adnani.

Jillali El Adnani.

ChroniqueJillali El Adnani est un universitaire, spécialiste de l’histoire sociale et religieuse ainsi que des questions territoriales. Historien connu pour ses articles et ouvrages consacrés aux droits historiques du Maroc sur le Sahara atlantique, il inaugure une série de chroniques sur Le360. La première est dédiée au concept de l’a-frontière.

Le 08/09/2024 à 12h01

Pour faire face à l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, qui sert d’expédient à l’Algérie pour dénoncer «l’expansionnisme marocain», nous allons opter pour le concept de l’a-frontière, en vue de revisiter ces territoires qui furent pendant de longs siècles marocains. Les réalités socio-religieuses sont là pour témoigner d’une forte présence marocaine dans des régions considérées par l’Algérie comme des territoires convoités par le Maroc. Sans revenir aux siècles passés, notre but sera de faire un éclairage sur la période qui a précédé l’indépendance du Maroc et de l’Algérie.

Partons de ce constat établi dans un dossier secret sur Tindouf en 1956: «À l’ouest, le Rio de Oro espagnol, cette frontière ayant été délimitée par l’accord du 28 Avril 1902, ne correspond à aucune notion géographique ni ethnologique et pour le milieu nomade, elle n’a aucune valeur». Comment le nomade, qui ne considérait pas les frontières, est-il devenu un fervent défenseur du séparatisme? Le qsarde Tindouf comme ceux du Sahara marocain sont associés à l’appellation de Mouggar ou de moussem. C’est le cas du Mouggar d’Assa, Guelmim et Asrir. L’histoire du Maroc a enregistré lors de plusieurs siècles cette réalité historique, économique et sociologique. Mais comment et dans quelles circonstances est né le chouffan de Tindouf [1]? Comment ce centre commercial, véritable relais transsaharien, est devenu un lieu pour séquestrer les populations sahraouies? C’est à ce niveau que le concept de l’a-frontière fait ses preuves et dévoile le secret de la continuité des liens entre Tindouf-Akka-Assrir-Guelmin et Agadir de 1854 à 1955, date de la suppression du commandement des confins d’Agadir.

À travers ce qsar devenu ville, en l’occurrence Tindouf, on va faire un tour via les archives secrètes françaises pour lire ce que disent les officiers français et les populations marocaines annexées au profit de l’Algérie. L’influence marocaine notamment confrérique est très importante à Tindouf, notamment de la Tijaniyya comme le précise le rapport politique: «le Moqaddem de la Tijania Sidi Ahmed Ould Mohammed Salah est un vieillard aveugle, très pauvre mais souvent consulté pour son érudition qui serait très grande. L’ouerd ou l’affiliation lui a été donné par le Chérif Sidi Taieb Soufyani de Fès». Son influence s’étend jusqu’à Touzinin dans la région d’Akka. Sans parler de l’influence importante de la famille Mâ' al-Aynain dans la région depuis la construction de Smara en 1894-5. À Côté d’eux, il y a la puissante tribu des Tajakant et la famille Bella’mech et à laquelle appartient le caïd Ould Senhouri qui, à l’image du colonel Habbouha des Reguibat, a présenté son allégeance, bey’a, au sultan Mohammed Ben Youssef au lendemain de l’Indépendance du Maroc.

[1] Le mouggar est l’équivalent du moussem qui est un rassemblement annuel de groupements et de tribus ayant des affinités religieuses et sociales ou encore des intérêts économiques en commun. Le chouffane est un marché commercial auquel se rendent les marchands de Guelmim et d’Agadir et qui se tenait à Tindouf.

Par Jillali El Adnani
Le 08/09/2024 à 12h01