De Tafoughalt à Casablanca, sur les pas des premiers Hommes…

Mouna Hachim.

ChroniqueQui pourrait sous-estimer les retombées incommensurables de tels lieux sur le plan touristique et comme instruments de développement régional?

Le 09/11/2024 à 11h00

Nouvelle découverte archéologique d’importance effectuée par une équipe internationale dans la Grotte des pigeons à Tafoughalt, dans la région de l’Oriental, au cœur du massif boisé des Beni Snassen, attestant de la plus ancienne utilisation médicinale des plantes au monde, il y a de cela 15.000 ans, soit quelque 8.000 ans avant ce qui a été qualifié de «Révolution néolithique».

Ces trouvailles, dont les résultats ont été publiés le 2 novembre dans la revue scientifique Nature, viennent s’additionner aux résultats des fouilles effectuées dans cette même caverne d’environ 55 mètres de profondeur, bien connue de la communauté des préhistoriens, avec comme illustration une nécropole de plus d’une centaine d’individus appartenant au type mechtoïde; ou encore, ce crâne humain portant les traces d’une trépanation, première intervention neurochirurgicale connue de l’Histoire de l’humanité.

Il faut dire que ce site n’a pas cessé de livrer ses mystères, depuis les sondages du préhistorien André Ruhlmann entre 1944 et 1947, en passant par les importantes fouilles menées par l’Abbé Jean Roche entre 1951 et 1955, poursuivies plus tard par des équipes marocaines et internationales, dévoilant des vestiges captivants des industries paléolithiques, mais aussi des manifestations artistiques parmi les plus anciennes du genre.

«Le décapage qui n’a pas encore atteint le plancher, écrit Hassan Aouraghe, a mis en évidence les témoignages de la succession d’au moins quatre civilisations préhistoriques (moustérienne, atérienne, ibéro-maurassienne et mésolithique)», témoignant du rôle d’une région insérée dans les courants des civilisations depuis l’aube des temps.

Ce n’est pas la première fois que le Maroc s’illustre, du Nord au Sud et de l’Est au littoral atlantique, par ses trouvailles préhistoriques majeures.

Il y a deux mois encore, une étude publiée dans la revue scientifique britannique Antiquity, révélait l’existence sur le site d’Oued Beht, sur le plateau vallonné de Zemmour, du plus ancien et plus vaste complexe agricole en Afrique (en dehors de ceux précédemment identifiés dans la vallée du Nil) venant bousculer quelques certitudes et offrir un nouveau regard sur la préhistoire africaine et méditerranéenne, autant que sur les interactions entre le Nord-Ouest africain et la Péninsule ibère.

Une question s’impose dès lors: comment valoriser ces fascinantes «archives du sous-sol» à la fois par l’introduction des résultats de toutes ces recherches dans les manuels scolaires et par leur intégration dans une stratégie touristique globale, élaborée en collaboration avec les différents acteurs, dans un partage de compétences sans interventionnisme à outrance, pour offrir aux visiteurs des expériences immersives, respectueuses de l’environnement et de lieux forcément vulnérables, tout en contribuant au développement durable des communautés locales?

L’ambassadrice du Maroc au Vatican, Rajae Mekkaoui rappelait cette semaine à Salerno, au sud de l’Italie, lors de la Bourse Méditerranéenne du Tourisme archéologique, les récentes découvertes capitales qui ont permis d’écrire une nouvelle page de l’histoire préhistorique marocaine.

Qui pourrait sous-estimer les retombées incommensurables de tels lieux sur le plan touristique et comme instruments de développement régional?

Et pourquoi bouder notre plaisir et nous priver d’un voyage remontant le plus loin possible dans le temps, en imaginant des brochures et autres documents d’information étoffés, des guides avertis, des musées réels et virtuels, une animation réfléchie et encadrée, des circuits de visites inédits reliant plusieurs sites entre eux, en des pérégrinations enchantées mêlant découvertes historiques, visites ludiques, gîtes d’étapes authentiques et mise en valeur des produits du terroir…

C’est bien connu, le Maroc est le paradis de la paléontologie et constitue le plus grand cimetière de dinosaures au monde, hébergeant un foisonnant réservoir de fossiles dont certains représentent les premières formes de vie sur notre planète et témoignent des richesses géologiques dont recèle notre sol.

Nous n’avons que l’embarras du choix entre les régions d’Erfoud, de Tazouda près d’Ouarzazate, de l’incontournable Azilal en passant par Khouribga avec le site d’Oulad Abdoun, considérés tous comme des musées de fossiles à ciel ouvert.

Comment manquer le site de Jbel Ighoud, le nouveau «berceau de l’humanité» où vivaient, il y a environ 315.000 ans, les plus anciens représentants de l’espèce humaine! Le mégalithe de Mzora près de Larache dans une similitude marquante avec les sites mégalithiques en Europe, en révélant les mythologies associées, notamment celles liées aux légendes grecques autour des personnages d’Antée, de Tingis ou de Héraclès! Sans oublier les gravures rupestres du Haut Atlas ou des provinces de Guelmim, la grotte de Bizmoune au Jbel Hadid avec ses bijoux préhistoriques, les plus anciens jamais découverts dans le monde, jusqu’aux carrières de Casablanca ou de la région de Rabat, notamment la grotte des Contrebandiers, près de Témara.

Casablanca, à elle seule, offre un patrimoine préhistorique connu à l’échelle mondiale entre outils lithiques, restes fauniques, fossiles paléoanthropologiques…

Parmi les sites clés exploités: la carrière de Sidi Abderrahmane, rendue célèbre en 1955 par la découverte d’une mandibule fragmentaire de l’homo erectus de Sidi Abderrahmane, témoignant que l’être humain habitait en ces lieux depuis plus de deux cent mille ans. Les recherches et les fouilles sur le site ont également livré des milliers d’outils de pierre taillée caractéristiques de l’Acheuléen, ainsi qu’une riche faune fossile.

En 2007, une exposition archéologique dédiée au site fut organisée par la Direction du patrimoine culturel, préludant le projet de création d’un parc archéologique situé sur le site de l’ancienne carrière, avec pour objectif de mettre en valeur les vestiges et les découvertes des sites préhistoriques de Casablanca et de favoriser la recherche et les fouilles en cours.

Signe des temps: les travaux du parc archéologique ont été entamés en 2014 et devaient être achevés en août 2016!

Mais que représentent donc huit années de plus ou de moins dans l’histoire de l’humanité? L’homo sapiens moderne attendra!!!

Par Mouna Hachim
Le 09/11/2024 à 11h00