Dans le cadre du Festival International du Film de Marrakech, Patricia Arquette, actrice américaine et membre du jury de cette 21ème édition, a captivé l’audience de sa table ronde par une présence magnétique. Issue d’une illustre famille d’artistes, elle s’est imposée à Hollywood dès les années 1990 grâce à des rôles inoubliables, notamment dans «True Romance» et «Lost Highway».
Lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour «Boyhood», un film audacieux tourné sur 12 ans, elle a profondément marqué les esprits avec son interprétation poignante de la mère, Olivia Evans. Également couronnée de Golden Globes et d’Emmy Awards, notamment pour sa performance exceptionnelle dans la série «Escape at Dannemora», Arquette est reconnue pour ses choix artistiques mêlant audace et sensibilité, incarnant une carrière d’une richesse et d’une profondeur remarquables. Révélée au grand public par son talent d’actrice, elle s’est récemment lancée dans la réalisation avec «Gonzo Girl», témoignant d’une créativité débordante.
Dans cet entretien, elle partage sa vision du cinéma, son goût affirmé pour l’innovation et évoque sa complicité avec les membres du jury, ainsi que sa collaboration avec Tim Burton, également invité du FIFM.
Le360: quels sont vos critères pour évaluer un film, en particulier en compétition ici au festival de Marrakech?
Patricia Arquette: je n’ai pas de critères prédéfinis pour juger un film. Je préfère laisser chaque œuvre s’exprimer librement, sans chercher à l’enfermer dans une case. Je peux être touchée par des choses simples et émouvantes, tout comme fascinée par des projets complexes et audacieux. C’est là toute la richesse du cinéma. David Lynch, avec qui j’ai travaillé, m’a dit un jour: «Les gens pensent qu’un film a toujours un début et une fin, mais il n’y a rien de tout ça.» J’aime cette idée que le cinéma est avant tout une vision, celle du réalisateur, qui ne suit aucune règle figée.
Vous participez souvent à des projets qui sortent des sentiers battus. Prendre des risques, est-ce que ça vous effraie?
Oui, bien sûr, prendre des risques est effrayant. Mais c’est justement la nature même du risque, et je refuse de laisser cette peur m’arrêter. Au contraire, je vois cela comme une opportunité d’apprendre, même si cela implique parfois d’apprendre de manière difficile. Par exemple, à mes débuts, j’ai accepté un rôle dans «Human Nature» de Michel Gondry. Mon personnage était couvert de poils, et beaucoup me disaient: «Ce n’est pas glamour, tu es sûre?» Mais pour moi, c’était l’occasion de me libérer de l’étiquette d’ingénue, une image trop limitée à mon goût. Plus tard, j’ai aussi choisi de faire de la télévision avec «Medium», à une époque où le cinéma dominait tout. J’ai voulu prouver que l’on pouvait faire de la qualité à la télévision. C’était un choix audacieux, mais il reflétait mon esprit un peu rebelle, un peu punk, j’ai envie de dire, qui d’ailleurs m’accompagne encore aujourd’hui.
Vous avez travaillé avec de grands réalisateurs comme Tim Burton. Que pouvez-vous nous dire à son sujet?
Tim Burton est l’un des rares véritables visionnaires du cinéma. Quand vous voyez un de ses films, vous savez immédiatement que c’est de lui. Personne d’autre ne possède une signature visuelle et narrative aussi unique. Ses personnages principaux, souvent des outsiders, sont à la fois empreints de mélancolie, de fragilité, mais aussi d’une grande dose d’espoir. Quand nous avons travaillé ensemble sur «Ed Wood», j’ai découvert une autre facette de son talent: une capacité à mêler une grande innocence à une profonde poésie. C’est cette combinaison qui rend ses films si mémorables et intemporels.
Revenons au festival. Comment vivez-vous l’expérience d’être membre d’un jury aussi diversifié?
La dynamique est vraiment incroyable. Nous nous entendons tous très bien, et j’apprends beaucoup de leurs points de vue, qui sont souvent très enrichissants. Chaque membre du jury est exceptionnel dans son domaine, et j’ai une immense admiration pour eux. C’est une chance rare de travailler avec des esprits aussi brillants. C’est aussi ce que j’aime chez les grands créatifs: leur talent est toujours accompagné d’une véritable intelligence, et c’est fascinant d’être au cœur de ces échanges.