Le Maroc est-il est train de devenir une plaque tournante de la production de matériaux nécessaires à la fabrication des batteries pour véhicules électriques? On est tenté de répondre par l’affirmative, vu les projets d’investissement au Maroc de géants mondiaux de l’industrie automobile. Dernière en date, l’annonce de la création d’une usine de production d’hydroxyde de lithium, faite le 5 avril par le groupe coréen LG Energy Solution (LGES), deuxième fabricant mondial de batteries pour véhicules électriques.
Cette unité, qui sera érigée en partenariat avec le chinois Yahua Industrial Group, lui permettra de renforcer sa chaîne d’approvisionnement en hydroxyde de lithium, principalement à destination des Etats-Unis. Cette matière première, synthétisée avec du nickel, est un composant clé dans la fabrication de ces batteries.
Le 4 avril, le groupe canadien Elcora, spécialisé dans le traitement, le raffinage et la production de minéraux et métaux entrant dans la fabrication de batteries, avait annoncé la construction d’une usine pilote au Maroc pour y produire du pentoxyde de vanadium. Un projet dont la conception et la réalisation ont été confiées à Lab 4, un laboratoire de développement de matériaux et de processus pour la production primaire et le recyclage des matériaux de batteries.
Dans un communiqué publié le 14 mars, la société minière canadienne, déjà active au Maroc via sa filiale Ermazon, avait annoncé l’acquisition d’une concession de manganèse de 16 km² dans le Royaume sans dévoiler le montage financier. Quelques jours auparavant, elle avait révélé l’obtention d’une licence de production de manganèse dans la concession minière «Atlas Fox Deposit», située dans la région Béni Mellal-Khénifra. Un sésame qui lui permet d’extraire, de traiter et de vendre le minerai issu de ce gisement d’un taux de production d’environ 2.500 tonnes par mois. Selon Elcora, les deux concessions lui permettront de produire mensuellement plus de 5.000 tonnes de manganèse, un minerai utilisé dans la fabrication de batteries électriques.
Pour Fouad El Kohen, expert en efficacité énergétique et en énergies renouvelables et membre de l’Association intersectorielle pour la mobilité électrique au Maroc (APIME), ces investissements sont tout à fait compréhensibles. «Le Maroc connaît un important développement de l’industrie automobile avec un écosystème assez florissant, notamment dans le segment de la construction. Les annonces de découvertes de métaux entrant dans la fabrication des batteries, notamment le lithium à la frontière avec la Mauritanie, sont aussi un autre facteur attractif», indique-t-il dans une déclaration pour Le360.
La position géographique du Royaume constitue également un atout majeur pour les fabricants de batteries électriques, dans un contexte de décarbonation industrielle sur le marché européen, notamment symbolisé par la future entrée en vigueur de la loi sur les matières premières critiques (Critical Raw Materials Act), similaire à la législation américaine IRA, qui sera bientôt adoptée par l’Union européenne.
«La proximité avec l’Europe et surtout l’entrée en vigueur de la future taxe carbone début 2026 poussent les investisseurs à se tourner vers d’autres marchés comme le Maroc. A partir de cette date, une batterie fabriquée en Inde ou en Chine par exemple coûtera plus chère pour entrer sur le marché européen qu’une batterie faite à 14 km des frontières», explique notre interlocuteur.
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Outre le lithium et le manganèse, l’autre richesse du sous-sol marocain qui attire les constructeurs automobiles est le cobalt. Le Maroc en est d’ailleurs l’un de plus grands producteurs au monde. Début juin 2022, le groupe Managem a signé un accord avec Renault pour lui fournir 5.000 tonnes de sulfate de cobalt par an sur une période de sept ans, à partir de 2025. Une transformation du minerai qui se fera dans le complexe industriel de Guemassa, près de Marrakech. Ces volumes permettront à la marque au losange de produire 300.000 batteries de véhicules électriques. Les deux parties ont également évoqué des coopérations potentielles sur l’approvisionnement de sulfate de manganèse et de cuivre, et le recyclage de batteries électriques.
Fin janvier 2022, le géant anglo-suisse de négoce, de courtage et d’extraction de matières premières Glencore s’était allié avec Managem pour produire au Maroc du cobalt à partir de batteries recyclées à Guemassa, sur une durée de cinq ans. La production sera assurée par sa filiale, la Compagnie de Tifnout Tighanimine (CTT). «Le Royaume est l’un des rares pays à faire du raffinage de cobalt depuis longtemps. Nous préférons créer de la valeur ajoutée à travers ce minerai au lieu de l’exporter de manière brute comme le font certains pays producteurs. C’est une importante niche à explorer davantage», suggère Fouad El Kohen.
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Selon l’expert, le Royaume devrait aussi développer une industrie locale de fabrication de batteries électriques pour bénéficier des retombées de ce secteur en pleine croissance, porté par la transition énergétique. «Si on part du principe qu’à partir de 2035, la grande majorité des voitures seront électriques, le Maroc devrait développer une industrie locale de production de batteries pour être un acteur majeur de ce secteur», souligne-t-il.
Rappelons que dans une étude publiée le 31 août 2022, Fitch Solutions indiquait déjà que le Maroc deviendra une plaque tournante de la fabrication de véhicules électriques dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA). D’après le cabinet international, le Royaume développe rapidement une économie circulaire de la chaîne d’approvisionnement local en matériaux nécessaires à la fabrication de ces voitures vertes. Ces prédictions se confirment donc, et ça ne fait que commencer.