En l’espace de dix ans, la valeur du dinar algérien a subi une chute vertigineuse par rapport au dirham marocain. En 2014, le dirham valait dix fois plus que le dinar, tandis qu’en 2024, cette différence a doublé: un dirham équivaut désormais à vingt dinars algériens.
Le constat est du magazine Challenge qui explique que cette évolution n’est pas le fruit d’une appréciation du dirham, resté stable par rapport à l’euro et au dollar, mais bien d’une dévaluation continue du dinar, symptomatique des tensions économiques profondes que traverse ce pays.
«2014 marque le début d’une période cruciale pour l’économie algérienne. Face à la chute des prix des hydrocarbures sur le marché mondial, le gouvernement opte pour une politique monétaire expansionniste, en actionnant la planche à billets. Ce choix visait à compenser la baisse des revenus tirés des exportations de pétrole et de gaz, qui représentent une part prépondérante des recettes en devises du pays. Près de 1.000 milliards de dinars sont ainsi injectés dans l’économie, sans contrepartie réelle en termes de production ou de création de richesse», lit-on.
Pour comprendre cette chute du dinar et ses répercussions, il est essentiel de revenir à l’année 2011, au cœur des révolutions du «Printemps» arabe. Craignant une contagion de ces soulèvements populaires en Algérie, le gouvernement avait alors décidé d’augmenter massivement les salaires de la fonction publique. «Ces augmentations visaient à apaiser le mécontentement social et à garantir une certaine stabilité politique. Si elles ont permis de stimuler, à court terme, le pouvoir d’achat des Algériens, elles se sont rapidement avérées insoutenables dans un contexte de dépendance accrue aux importations», lit-on.
L’Algérie, dont l’économie repose massivement sur les hydrocarbures, dépend fortement des recettes tirées de leurs exportations. Avec la chute des prix du pétrole en 2014, la marge de manœuvre du gouvernement s’est réduite drastiquement, mettant en lumière la fragilité de l’économie algérienne face aux fluctuations des cours mondiaux.
La décision d’imprimer de la monnaie en 2014, sans contrepartie en termes de production nationale, enclenche alors un cercle vicieux. L’inflation commence à augmenter, érodant rapidement les gains de pouvoir d’achat obtenus par les hausses de salaires de 2011. En parallèle, la chute des prix des hydrocarbures continue de peser sur les réserves de change, forçant l’État à restreindre davantage les importations.
«Cependant, la réduction des importations n’est pas accompagnée par une politique industrielle capable de stimuler la production locale. Les Algériens se retrouvent ainsi confrontés à des pénuries de nombreux produits essentiels, notamment des denrées alimentaires, des médicaments et des équipements technologiques. Cette pénurie accroît la dépendance du pays à l’égard du marché parallèle des devises, où l’euro et le dollar commencent à prendre de plus en plus de valeur face au dinar», relate Challenge.
Depuis 2014, les Algériens ont vu leur pouvoir d’achat se réduire considérablement. En 2024, malgré des augmentations de salaires ponctuelles, la hausse continue des prix et la dévaluation du dinar ont conduit à une perte de pouvoir d’achat estimée à 50%. Résultat, le dinar ne vaut plus rien.