Pourquoi le Maroc séduit de plus en plus d’entreprises nippones, selon Masahide Honda, DG de JETRO Rabat

Masahide Honda, directeur général de JETRO Rabat.

Le 12/04/2023 à 20h30

VidéoLe Maroc et le Japon entretiennent un partenariat économique de longue date. Au cours des dix dernières années, le nombre des entreprises nippones installées dans le Royaume a plus que doublé à 70, faisant de l’empire du Soleil levant le premier employeur étranger. Pour Masahide Honda, directeur général de la JETRO Rabat, l’entrée en vigueur des nouveaux accords boostera les opportunités d’affaires entre les deux pays. Entretien.

Rabat et Tokyo ont les yeux rivés sur un objectif commun: donner un coup de boost à leur partenariat économique en lui insufflant un dynamisme sans précédent. Cette mission ambitieuse est au cœur des préoccupations de l’Organisation japonaise du commerce extérieur (JETRO), qui met déjà à la disposition des entreprises nippones une large gamme de services orientée business, notamment le consulting et le business matching avec les parties prenantes publiques et privées.

Dans cette interview, Masahide Honda, directeur général de JETRO Rabat, nous donne un aperçu sur les activités de cette organisation au Maroc, la teneur des protocoles d’accord signés avec l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE) et la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), et les secteurs dans lesquels opèrent les entreprises nippones au Maroc, entre autres.

Le360: Pouvez-vous nous donner un aperçu sur les activités de JETRO au Maroc?

Masahide Honda: JETRO (Japan External Trade Organization) est une organisation gouvernementale japonaise qui vise à promouvoir le commerce et l’investissement mutuels entre le Japon et le Maroc. Le bureau de JETRO Rabat a été inauguré en 2014 pour permettre aux entreprises japonaises de maximiser leur potentiel d’échange au Maroc et renforcer les investissements entre les entreprises marocaines et japonaises. Ce qui nous réjouit le plus dans notre mission, c’est de voir le dynamisme et, éventuellement, de nouveaux partenariats se développer.

En plus de lancer nos propres projets, tels que l’organisation de rencontres d’affaires au Japon et au Maroc, la promotion des produits japonais et marocains à travers nos différentes plateformes, une partie importante de notre travail consiste à réaliser des études de marché sectorielles et organiser des missions conjointes et des roadshows en étroite collaboration avec nos homologues marocains, tels que les ministères, l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), les institutions et fédérations des différents secteurs, etc.

Vous avez signé deux protocoles d’accord avec la CGEM et l’AMDIE. Quels sont les objectifs visés?

Nous avons signé, le 28 février 2023, lors du Forum économique maroco-japonais, co-organisé avec le ministère chargé de l’Investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques, la CGEM et l’AMDIE, deux protocoles d’accord visant à renforcer notre coopération. Ils visent à favoriser la mise en place d’actions concrètes en faveur de la promotion des investissements et co-investissements dans des secteurs stratégiques.

Une des mesures phares prévues est le partage d’informations sur les opportunités d’affaires, qui sera effectué tant au Maroc qu’au Japon. Si une mission commerciale est envisagée par l’AMDIE ou la CGEM, JETRO sera mis à contribution pour faciliter le processus.

De même, si une entreprise japonaise souhaite exporter ses produits, trouver un partenaire commercial au Maroc ou investir dans le secteur manufacturier, nos partenaires marocains apporteront leur soutien. L’objectif est de mettre en place les moyens nécessaires pour hisser les relations économiques entre le Maroc et le Japon à un plus haut niveau et de renforcer la présence des opérateurs nippons dans le Royaume.

Combien d’entreprises japonaises sont présentes au Maroc et dans quels secteurs opèrent-elles?

Au cours des 10 dernières années, le nombre d’entreprises japonaises opérant au Maroc a plus que doublé, pour atteindre plus de 70, dont 50% dans le secteur manufacturier, faisant ainsi du Maroc la deuxième destination des entreprises nippones en Afrique. Les autres secteurs sont l’énergie, la finance, les services et la logistique. Il va sans dire que malgré le contexte de la pandémie du Covid-19, plusieurs entreprises japonaises ont décidé de s’implanter ou de consolider leurs activités au Maroc.

Que pensent ces entreprises du climat des affaires du Royaume?

Il faut savoir que JETRO organise chaque année une enquête sur l’environnement des affaires auprès des sociétés japonaises basées à l’international, et notamment au Maroc. Cette enquête a, en effet, confirmé que les entreprises japonaises au Maroc bénéficient de la stabilité politique et sociale et des avantages géographiques du pays qui constituent des points d’attractivité importants.

Le Maroc s’est imposé en tant que hub incontournable vers les continents européen et africain, non seulement grâce à sa position géographique stratégique, mais également grâce à ses infrastructures de qualité, son climat d’investissement optimal ainsi que ses différents accords de libre-échange conclus notamment avec l’Union européenne et les États-Unis.

De plus, l’économie marocaine commence à devenir de plus en plus favorable aux sociétés japonaises. Rien qu’en 2022, quelque 71,4% des entreprises japonaises basées au Maroc ont dégagé un résultat d’exploitation positif marquant une augmentation de 11 points par rapport à 2017. Pour l’année 2023, 57% de ces sociétés ont fait état de perspectives d’amélioration. Elles mettent en avant l’augmentation des ventes due à la croissance des volumes exportés et l’assouplissement des mesures sanitaires de lutte contre le Covid-19.

Le Maroc est aussi parmi les premiers pays africains avec lesquels des traités tels que l’Accord pour la protection et la promotion des investissements et la Convention de non-double imposition entre le Japon et le Maroc ont été conclus (le 3e pays africain pour la Convention et le 5e pays africain pour l’Accord).

Quel a été l’impact de ces accords?

Ces accords entre le Japon et le Maroc, entrés en vigueur en avril 2022, viennent pour encadrer les échanges économiques entre les acteurs des deux pays et cela ne fera que renforcer le partenariat maroco-japonais en encourageant davantage les entreprises japonaises déjà basées au Maroc à agrandir leur investissement et attirer de nouvelles sociétés japonaises vers le Royaume.

D’ailleurs, en 2022, 54% des entreprises japonaises sondées ont exprimé leur ambition de développer leurs activités au Maroc dans les années à venir. Les consultations sur l’expansion au Maroc que nous recevons à notre bureau de JETRO Rabat se sont également multipliées ces dernières années. On parle de plus de 700 requêtes, ce qui montre l’intérêt accru des sociétés japonaises pour le Maroc.

La raison la plus fréquemment avancée est le potentiel de croissance élevé. Selon les sociétés japonaises, le Maroc présente des perspectives intéressantes avec un environnement politique et commercial stable, une demande croissante en matière d’infrastructures (portuaires et sociales), d’énergies renouvelables et technologies vertes, avec également de nouvelles opportunités dans les secteurs de l’alimentation, du tourisme, des machines agricoles, de l’industrie manufacturière, et du dessalement.

Quel est le niveau des échanges commerciaux entre le Maroc et le Japon?

Les échanges commerciaux entre le Maroc et le Japon ont considérablement augmenté ces trois dernières années, que ce soit au niveau des exportations du Maroc vers le Japon qui concernent principalement les «poissons et crustacés» et les «engrais» ou celles du Japon vers le Maroc qui sont dominés par les «véhicules».

Le Maroc est le 2e partenaire commercial du Japon en Afrique. Les échanges commerciaux entre les deux pays représentent 4,5% du volume des échanges entre le Maroc et l’Asie et 2,7% des échanges entre le Japon et l’Afrique. L’ambition est désormais de faire du Maroc le premier partenaire commercial du Japon en Afrique.

Au niveau de l’investissement, le Maroc se place en 3e position en termes de nombre de sociétés en Afrique. J’aimerais inviter les entreprises japonaises à profiter des avantages concurrentiels offerts par le Maroc en tant que plateforme d’investissement, à travers son infrastructure, sa stabilité politique et ses nombreuses incitations fiscales et financières, mais aussi de par sa position géographique qui lui confère le rôle de hub vers les marchés africain et européen.

Le Maroc, un pays clé pour le Japon en Afrique?

Le Maroc, de par ses liens séculaires avec les pays africains, se positionne en tant que hub fondamental de la coopération triangulaire Japon-Maroc-Afrique. Ce rapprochement revêt une importance capitale, compte tenu des possibilités qu’il offre en matières d’échange de savoirs, de partage de compétences et d’exploration de pistes potentielles d’une coopération Sud-Sud.

L’Afrique représente un partenaire important pour le Japon, qui lui apporte des solutions pour ses besoins d’emplois et de développement. Pour sa part, le Japon a besoin de l’Afrique pour améliorer sa compétitivité et accéder à un marché de plus d’un milliard de consommateurs. Le Maroc, de par sa position stratégique en Afrique et son partenariat avec le Japon, contribuera naturellement à l’essor d’une collaboration durable et mutuellement bénéfique.

Par Hajar Kharroubi et Anas Zaidaoui
Le 12/04/2023 à 20h30