Alors qu’il ne devait s’agir que de l’adoption du texte d’application d’un article de la Constitution, le régime d’Alger a forcé le trait sur le concept de «mobilisation générale», afin d’alimenter une nouvelle manœuvre visant à empêcher toute mobilisation populaire contre le pouvoir, plus que jamais contesté autant à l’intérieur que sur le plan international. Il est clair que le régime d’Alger se sent actuellement dénudé face à son opinion publique qui ne peut que lui reprocher, entre autres, la cascade de crises diplomatiques qu’il a fait éclater, l’une après l’autre, avec de nombreux pays, dont la France et surtout des pays du voisinage immédiat.
Cette manœuvre autour de la «mobilisation générale» a pris naissance dans l’institution militaire, détentrice réelle du pouvoir en Algérie, au sein de laquelle de nouvelles tensions ont commencé à se faire jour, comme le prouve la récente et brutale éviction du commandant de la Gendarmerie, le général Yahia Ali Oulhadj. Le samedi 19 avril, le général Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’armée algérienne, a profité de cette énième purge pour brandir devant un parterre d’officiers de la Gendarmerie -qu’il vient de doter d’un nouveau commandant en chef-, son arme de prédilection: la prétendue menace extérieure qui ciblerait l’Algérie.
Selon lui, «l’Algérie, et pour plusieurs considérations, reste ciblée et les ennemis du peuple algérien (…) n’ont pas du tout digéré l’indépendance de notre pays, ni jamais supporté sa résilience, sa force, son unité, sa cohésion sociale et sa fusion avec son armée». Servant de fusible au chef de l’armée et non moins membre du gouvernement, un Conseil des ministres, tenu moins de 24 heures plus tard, a adopté une loi sur la «mobilisation générale».
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Cette allusion à une situation de péril faite par ladite loi, donnant les pleins pouvoirs au chef de l’État, et donc à l’armée, n’a d’autre objectif que de susciter la peur, voire la psychose, chez les Algériens. Certains médias français, dont le pays est en profonde crise avec l’Algérie, expliquent que le régime algérien «a adopté un projet de loi autorisant la prise de mesures exceptionnelles par le chef de l’État, en cas de guerre ou de catastrophe naturelle».
C’est du moins ainsi qu’a commenté Le Journal du Dimanche, dans un article paru le mardi 22 avril sur son site. Outre la France, ce dernier énumère les crises que l’Algérie a également créées avec le Maroc, la Libye, le Mali, le Niger ou encore le Burkina Faso. Le Figaro estime pour sa part que «le timing» choisi par le régime algérien pour sortir la loi sur la mobilisation générale des tiroirs suscite des interrogations en France.
Mise à jour subite de «la mobilisation générale»
Il est vrai que la Constitution algérienne, dans ses articles 97 à 102, prévoit les cas extrêmes d’état d’urgence, d’état de siège, d’état d’exception ou de guerre, mis en œuvre provisoirement en cas de grave menace contre le pays. Or, jamais un texte d’application de ces articles n’a été adopté. Car, à part le régime algérien lui-même, aucune autre menace, ni réelle, ni supposée, ne pèse sur l’Algérie. Pourquoi alors cette subite mise à jour de la mobilisation générale à laquelle une réunion du Haut Conseil de sécurité a été également consacrée?
Ce qui est certain, c’est que le régime algérien a échoué à susciter chez les Algériens un élan de soutien à sa démarche. Ceux-ci ont plutôt rapidement compris que la guerre avec un État tiers n’est qu’une diversion… à moins que le régime en place ne commette lui-même l’irréparable en se lançant dans un acte suicidaire. Ainsi, sur les réseaux sociaux, des internautes algériens ont appelé à la mobilisation pour arracher la libération des centaines de détenus politiques qui croupissent actuellement dans les geôles.
De leur côté, les militaires retraités et autres réservistes ont laissé entendre que même en cas de guerre, ils ne répondront pas à la mobilisation générale, car, en tant que laissés-pour-compte, ils ont déjà expérimenté, à leur corps défendant, l’ingratitude du régime à leur égard. Face à ce tollé, le pouvoir a chargé certains de ses porte-voix de communiquer, en adoucissant le sens à donner à la «mobilisation générale».
Opération de communication
Ainsi, le général à la retraite Abdelaziz Medjahed, connu pour les atrocités qu’il a commises durant la décennie noire des années 90, aujourd’hui parachuté directeur général de l’Institut national d’études de stratégie globale, a affirmé sur les ondes de la Radio nationale algérienne que «la mobilisation générale n’est pas synonyme de guerre, mais d’organisation collective, de solidarité et de résilience face à toutes sortes de défis».
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Même son de cloche chez Ibtissam Hamlaoui, présidente de l’Observatoire national de la société civile, poste qu’elle cumule avec celui de présidente du Croissant rouge algérien. Elle a déclaré, le lundi 21 avril, que «la mobilisation générale n’a rien à voir avec les hostilités militaires, mais qu’il s’agit en l’espèce d’une mobilisation en vue de faire face aux attaques médiatiques dont l’Algérie est actuellement la cible».
Elle a ainsi repris à son compte les récentes déclarations du patron des renseignements extérieurs algériens, le général Fethi Rochdi Moussaoui, et celles du ministre de la Communication, Mohamed Meziane, qui ont fait de la guerre médiatique le plus grand danger qui menacerait l’Algérie.
Reste à savoir si un régime illégitime, avec à sa tête un président boudé par 90% de l’électorat algérien, comme l’ont confirmé les résultats réels de la présidentielle anticipée de septembre dernier, a le courage de décréter une mobilisation générale, face au risque de la vaste désobéissance civile qui lui sera opposée. D’ailleurs, il est illogique de décréter une mobilisation générale du moment que l’Algérie vit depuis 2020 sous un état de siège ou d’exception, certes non déclaré expressément, mais qui constitue une réalité amère vécue au quotidien par les Algériens, soumis au Code pénal le plus liberticide du monde, qui a fait de «l’Algérie nouvelle» une prison à ciel ouvert.
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