En moins d’un mois et demi, le ministère algérien des Affaires étrangères a été brutalement et doublement décimé. Après le énième renvoi sans ménagement de Ramtane Lamamra le 16 mars dernier, c’est au tour de son secrétaire général, Amar Belani, d’être mis au placard en Turquie, où il a été nommé ambassadeur, le dimanche 29 mai.
Dans un communiqué laconique, publié par le ministère algérien des Affaires étrangères, on apprend que «le président de la république, Abdelmadjid Tebboune a procédé ce dimanche à la nomination du secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Amar Belani en qualité d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en Turquie».
Comme pour signifier qu’il s’agit là d’une information relevant de la rubrique «chien écrasé», les médias algériens ne se sont pas attardés sur cette nomination, a fortiori sur les raisons de la chute d’Amar Belani.
Pourtant, il y a matière à questionnements et commentaires, tant les rumeurs ont circulé à foison ces dernières semaines sur l’avenir d’Amar Belani, tantôt désigné comme remplaçant de Lamamra, tantôt comme futur ambassadeur permanent de l’Algérie à l’ONU…
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Mais c’est vraisemblablement le nouveau ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, qui n’a plus voulu de Belani à la «maison», ce dernier étant également tombé en disgrâce aux yeux de l’armée qui lui en veut d’avoir «comploté» avec Tebboune contre Ramtane Lamamra, un moment lorgné par les généraux comme un «potentiel présidentiable», corvéable et malléable à merci.
Ce qui a précipité cette descente aux enfers de Belani, c’est probablement le fiasco des visites officielles, effectuées ou programmées, de Tebboune en Europe. Belani, qui se voulait aussi le «Monsieur Europe» de la diplomatie algérienne, paie aujourd’hui la mauvaise préparation de la récente virée du président algérien au Portugal, sans parler des nombreux obstacles qui hypothèquent toujours son prochain déplacement, tant désiré mais déjà reporté, à Paris.
Pour ce qui est du Portugal, la visite de Tebboune a été un fiasco. Cette visite n’a même pas été couronnée par un communiqué conjoint entre Lisbonne et Alger. Ce qui en atteste la vacuité. Mieux: dix jours avant le déplacement de Tebboune, une déclaration conjointe entre Lisbonne et Rabat lie le plan d’autonomie à une solution au différend du Sahara atlantique. Est-ce que Belani a vendu aux conseillers de Tebboune une nouvelle déclaration du Portugal qui effacerait celle saluant le plan d’autonomie? En tout état de cause, sa disgrâce, volontairement humiliante, sent la sanction qui fait suite à une colère.
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A cela, il faut ajouter la gifle douloureuse qu’a constituée la résolution du parlement de Strasbourg du 13 mai courant, qui a fermement condamné, à une écrasante majorité des députés européens, les atteintes à la liberté de presse et d’expression en Algérie, tout en exigeant l’ouverture du pays aux médias internationaux et la garantie qu’ils puissent travailler librement sur place.
Cette cascade d’échecs a dévoilé la face trompeuse d’Amar Belani, un plumitif dont les écrits cachent mal son ignorance totale des ficelles de la diplomatie. Car durant les 7 années (2013-2020) qu’il a passées à Bruxelles en tant qu’ambassadeur en Belgique et auprès de l’Union européenne, Belani n’y a jamais défendu les intérêts de son pays. Il s’adonnait surtout, durant le peu de temps que lui laissent ses longues séances de traitement de sa maladie chronique dans les hôpitaux belges, à des écrits et propos haineux contre le Maroc, démontrant, malgré lui, que l’Algérie est la véritable partie prenante dans le conflit du Sahara.
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C’est grâce à ce background anti-marocain, qu’Amar Belani va rapidement sortir d’une première disgrâce marquée par une année de chômage (septembre 2020-septembre 2021), et assister, voire participer à une série de mesures inamicales qui vont conduire à la rupture totale de toutes les relations de son pays avec le Maroc.
Dans ce cadre, Belani se voit créer la prétendue fonction d’«envoyé spécial chargé du Sahara occidental et des pays du Maghreb» le 5 septembre 2021, soit deux mois seulement après le retour de Ramtane Lamamra aux Affaires étrangères et un mois après la décision unilatérale d’Alger de rompre ses relations diplomatiques avec Rabat, mesure suivie par l’arrêt du Gazoduc Maghreb-Europe pour priver le Maroc de gaz algérien, ainsi que la fermeture de l’espace aérien devant les avions marocains ralliant pour la plupart les autres pays arabes.
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Une année, plus tard, pour gommer le fiasco et le non-sens de sa fonction relative au Sahara, Belani est promu secrétaire général du ministère des Affaires étrangères au début de septembre 2022. En fait, il a été parachuté comme numéro deux du MAE, juste pour devenir l’œil des proches de Tebboune dans un ministère où Lamamra prenait trop de poids et se taillait le costume d’un présidentiable. Belani a bien rempli sa mission de gêner Lamamra, étant sûr que Tebboune allait le nommer à sa place. Il a même annoncé la «bonne nouvelle» à son confrère Ignacio Cembrero qui a immédiatement tweeté qu’Amar Belani a été nommé ministre des Affaires étrangères et que l’annonce officielle allait être faite le lendemain.
Le lendemain, Amar Belani a été douché froidement: Ahmed Attaf est nommé chef de la diplomatie algérienne.
A Ankara, Amar Belani, à la santé physique et mentale chancelante, trouvera tout de même une consolation. Quand on sait que ce faux diplomate faisait valoir les avantages d’une bonne prise en charge dans les hôpitaux belges pour rester en poste à Bruxelles, on peut lui souhaiter un fructueux tourisme médical en Turquie, un pays réputé pour la qualité des soins dispensés dans ses établissements de santé.