Algérie: le patron des renseignements militaires renvoyé six mois seulement après sa nomination

La valse des généraux se poursuit dans l'armée algérienne.

Le pouvoir politico-militaire en Algérie a beau tenter de cacher une instabilité structurelle, les incessantes purges à la tête des services de renseignements et l’inévitable chemin du pénitencier de Blida dévoilent d’âpres et interminables luttes intestines. Le week-end dernier, le général Abdelaziz Nouiouet Chouiter a été éjecté de la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DGSA), qu’il dirigeait depuis septembre dernier.

Le 07/03/2023 à 10h45

Six mois seulement et s’en va. Le général Abdelaziz Nouiouet Chouiter, installé le 11 septembre 2022 à la tête de la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA), qui fait office de police et de services de renseignements internes de l’armée algérienne, vient d’être limogé. L’information a été relayée par plusieurs sources algériennes concordantes, même si, comme d’habitude dans ce genre de situation, elle n’a toujours pas été confirmée officiellement.

Le général Abdelaziz Chouiter avait repris du service dans les renseignements en septembre dernier, alors qu’il était à la retraite depuis 2018. Il a ainsi profité du renvoi du général Sid Ali Ould Zmirli, à la tête de la DCSA depuis mars 2020, mais qui, gravement malade, avait laissé la gestion de cette boîte sensible à son frère, le colonel Omar Ould Zmirli, actuellement en prison. Les deux frères ont été accusés de «fautes graves», dont la divulgation de secrets d’État et complot contre l’armée.

En attendant donc que les médias publics annoncent incessamment que par décret présidentiel, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a nommé un nouveau patron à la tête des renseignements militaires et que le général Said Chengriha, chef d’État-major de l’armée, a présidé la cérémonie d’installation dans ses fonctions du nouveau venu, nombre de questions se posent d’ores et déjà sur les raisons de cette instabilité chronique qui ne cesse de secouer les hautes sphères du pouvoir militaire en Algérie, coupant des têtes et fragilisant celles qui ne sont pas encore tombées.

Instabilité

En effet, en moins de dix mois seulement, tous les services de renseignements algériens ont changé, au moins à deux reprises chacun, de patron.

Début mai 2022, le général-major Noureddine Mekri, alias «Mahfoud», après 16 mois passés à la tête de la Direction de la documentation et de la sécurité extérieure (DDSE, renseignements extérieurs), est limogé. Il est allé augmenter les rangs des pensionnaires, hauts gradés, de la prison de Blida et peut-être échanger sur la vanité des choses avec son prédécesseur direct, le général Mohamed Bouzit, alias Youcef, limogé en janvier 2021 de la DDSE.

«Mahfoud» a été remplacé par un revenant de la retraite, le général Djamel Kehal Medjdoub. Mais pas pour longtemps, puisque le 20 juillet 2022, ce même Medjdoub hérite à nouveau de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), que dirigeait le général-major Abdelghani Rachedi depuis avril 2020. Ce dernier est parachuté provisoirement à la tête de la DDSE, car le 7 septembre 2022, il est définitivement mis à l’écart et remplacé par le général Djebbar M’henna, un «affreux» de la décennie noire des années 90, qui a une grande part de responsabilité dans la mort de plus de 200.000 algériens et la disparition de dizaines de milliers d’autres.

Disgrâces

Le sort réservé à Rachedi, subitement tombé en disgrâce aux yeux du général Said Chengriha, est plus que troublant et symptomatique de la lâcheté de l’actuel chef de l’armée algérienne. Car c’est bien Rachedi qui a largement contribué, en avril 2020, à la chute violente du général Wassini Bouazza, ancien homme fort de la DGSI et ennemi juré, juste après l’ancien chef d’État-major de l’armée algérienne, feu Gaid Salah, du clan des généraux Toufik Mediène, Khaled Nezzar et Said Chengriha. D’ailleurs, c’est la chute du général Wassini qui va marquer le début de la purge contre des dizaines de généraux proches de Gaid Salah et le retour en force sur la scène politico-militaire algérienne des généraux sanguinaires de l’ex-DRS (Département du renseignement et de la sécurité), démantelé à partir de 2013 et dont les figures de proue ont été emprisonnées quand elles n’ont pas été contraintes à la fuite hors du pays.

Bien que les raisons du limogeage du général Chouiter ne soient pas connues, il est très probable que son renvoi express soit lié à des rumeurs insistantes ces derniers jours en Algérie, faisant état d’une grève de la faim de nombreux généraux et officiers supérieurs actuellement détenus. Ces pensionnaires de la prison militaire, dont certains n’ont jamais été jugés, dénoncent ainsi les règlements de comptes personnels dont ils sont victimes depuis plusieurs années. Ont-ils eu une oreille attentive auprès du général Chouiter, lui-même ancien officier du DRS et ancien numéro 2 de Djebbar M’Henna à la DCSA, mais qui n’oublie pas qu’il a été épargné par Gaid Salah quand il a décimé le clan de Toufik-Nezzar? Peut-être. En tout état de cause, les hauts officiers de l’armée algérienne savent que le chemin qui conduit de leur maison à la prison est extrêmement court. Et cela impacte à la fois le moral des troupes et répand la terreur dans les centres de commandement.

Par Mohammed Ould Boah
Le 07/03/2023 à 10h45