La junte algérienne au pouvoir est consciente qu’elle est assise sur un volcan. Elle a tellement peur de voir la rue gronder à nouveau et à tout moment, qu’elle s’empresse de prendre les devants pour renvoyer cette peur dans l’autre camp.
C’est ainsi que le trio Khaled Nezzar, Toufik Mediène et Saïd Chengriha, trois généraux qui ont en commun de maintenir l’Algérie sous leur joug après l’avoir engagée, il y a plus de 30 ans, dans une guerre civile ayant fait quelque 250.000 morts et des milliers de disparus, menace les Algériens en leur faisant croire que tous les ingrédients qui ont déclenché la sanglante «décennie noire» sont à nouveau réunis aujourd’hui. Ils arborent très haut l’épouvantail d’un remake des années 90.
Agiter le spectre du «terrorisme»
En agitant le spectre du «terrorisme» et son corollaire -une guerre civile sanglante-, la junte algérienne démontre que rien n’a changé dans le pays, non pas depuis trois décennies, mais depuis l’indépendance de l’Algérie, où une loi martiale non écrite interdit formellement de contester la primauté de l’armée dans la politique, la mainmise sur la rente des hydrocarbures et les autres secteurs de la vie publique du pays.
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La junte a d’abord essayé de diaboliser des journalistes et activistes algériens établis à l’étranger. Leur condamnation à des peines maximales pour «terrorisme» n’ont visiblement pas créé l’onde de choc espérée dans la population. De même, les invariables accusations et condamnations pour «terrorisme» à l’encontre de dirigeants indépendantistes du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) et du mouvement islamiste Rachad n’ont pas produit l’effet escompté. Reste alors la carte de la terreur, jouée avec cynisme par le trio Nezzar, Toufik et Chengriha.
Un crime de sang froid
Ce dernier, qui était colonel en 1994, a commis un crime, de sang-froid, devant ses hommes. Il a sans raison exécuté un homme, un civil désarmé, d’une balle dans la tête. Ce crime a été décrit par l’un des témoins oculaires de la scène, l’ancien officier parachutiste Habib Souaidia, actuellement exilé en France, dans son livre, publié en 2001, «La sale guerre. Le témoignage d’un ancien officier des Forces spéciales de l’armée algérienne». La date de parution de ce livre, bien antérieure aux postes de responsabilité qu’occupera ensuite Chengriha, rend très crédible les faits rapportés.
Ce même Chengriha a choisi le dernier jour de ramadan, un mois marqué par une très forte affluence dans les mosquées en Algérie, le 20 avril dernier, pour dénoncer ce qu’il qualifie de «sinistres tentatives visant la sécurité et la stabilité de la nation». Selon lui, «ces vaines tentatives se sont manifestées dernièrement par le retour des activités de certains intégristes connus pour leurs discours religieux extrémiste, qui rappelle les années 90 du dernier siècle». Il s’agit là d’une allusion claire aux sorties politiques anti-régime de l’opposant islamiste Ali Belhadj, très actif sur les réseaux sociaux et médias étrangers, malgré sa réclusion à domicile.
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Interrogé par El Magharibiya, chaîne de télévision algérienne en exil, Ali Belhadj a réagi aux propos de Chengriha en scandant indirectement le slogan-phare du Hirak, «État civil et non militaire», tout en expliquant qu’«il n’appartient pas aux militaires de faire de la politique, même si les intellectuels et les hommes politiques algériens sont soit en prison, soit en exil, soit réduits au silence».
Interner l’opposant Ali Belhadj?
Cette sortie médiatique a valu au numéro 2 de l’ex-FIS d’être kidnappé par la police, présenté devant un juge avant de se voir interdire d’aller à la mosquée ou de quitter sa commune de résidence. Il lui a été aussi interdit de s’exprimer en public ou via les réseaux sociaux. Un youtubeur au service de Khaled Nezzar a même annoncé le futur internement d’Ali Belhadj dans un hôpital psychiatrique, synonyme en Algérie de Goulag, voire pire.
Pour amplifier cette prétendue montée de l’extrémisme islamiste, le porte-voix de l’armée algérienne, le mensuel El Djeich consacre dans son numéro du mois de mai 2023, paru lundi dernier, un dossier de plus 20 pages au «terrorisme», avec un éditorial intitulé «Le peuple algérien ne se laissera pas leurrer par deux fois».
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Ce texte ne fait que reprendre mot à mot la phraséologie débitée ces dernières semaines par Chengriha tout au long de ses pérégrinations dans les différentes casernes militaires du pays, transformées à l’occasion en cellules de parti politique de l’ombre.
On y lit que «des milieux hostiles tentent, comme à l’accoutumée, de porter atteinte à la sécurité et à la stabilité du pays à travers des activités publiques suspectes et tendancieuses de fondamentalistes qui veulent, en vain, reproduire les mêmes méthodes barbares qui ont été la cause de la tragédie nationale dont notre pays a subi les affres au cours des années 1990, y compris la diffusion de discours extrémistes».
L’éditorial d’El Djeich, repris immédiatement, à travers de larges extraits, par le média de Khaled Nezzar en dit long sur l’identité et les desseins de ses commanditaires: Toufik, Nezzar et Chengriha veulent terroriser les Algériens et tuer en eux toute velléité de contester le régime militaro-politique.
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Cette réactualisation de la menace des massacres des années 90 intervient aussi à l’orée des élections présidentielles, prévues en 2024. Alors que Tebboune fait campagne pour un deuxième mandat, les généraux semblent lui signifier qu’ils peuvent à tout moment, au nom de la sécurité nationale, siffler la fin de la partie et nommer un «comité de transition» pour diriger le pays. Nezzar et Toufik, tous deux largement octogénaires et dont la grille de lecture du monde ne peut aller au-delà du 20ème siècle, avaient poussé à la démission l’ancien président Chadli Bendjedid… justement pour lutter contre l’extrémisme religieux.
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L’actuel chef d’état-major de l’armée algérienne, le général Saïd Chengriha, serait bel et bien un criminel de guerre. Il est aujourd’hui rattrapé par son passé d’assassin durant la décennie noire (1991-2001) qui a ensanglanté l’Algérie. Le témoignage de l’un de ses ex-subalternes donne froid dans le dos.