Parmi les conséquences majeures de la possible exclusion de Marine Le Pen de la prochaine présidentielle française, l’ouverture devant l’actuel ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, d’un grand boulevard vers l’Élysée. Il est vrai que ce chemin ne sera pas pavé de roses. Il n’en demeure pas moins que l’opportunité est réelle, tant la droite classique, l’extrême droite orpheline et le centre sont à la recherche d’une incarnation qu’ils pourraient trouver chez l’actuel locataire de la place Beauvau.
Pour parvenir à cet objectif, Bruno Retailleau se doit de réussir une véritable épreuve de haies. À commercer par celle de remporter dans les semaines à venir une victoire au congrès du parti Les Républicains (LR). La meilleure manière de se mettre sur orbite avec un parti solide derrière lui. Au jour d’aujourd’hui, ce n’est pas partie gagnée, tant les appétits de la concurrence sont aiguisés. Des hommes comme Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand, sans compter ceux tapis dans l’ombre, attendant depuis longtemps leur heure, sont à l’affût: vont-ils lui faciliter la construction de cette rampe de lancement vers la présidentielle? Rien n’est moins sûr.
Bruno Retailleau appartient à l’aile très droitière des Républicains, très proche idéologiquement de l’extrême droite, avec laquelle elle partage de nombreux cousinages. Ce n’est donc pas un hasard si les flibustiers de cette extrême droite ciblent Bruno Retailleau en le qualifiant de porte-parole des idées de Marine Le Pen et de Jordan Bardella au sein du gouvernement de François Bayrou. Venant de l’extrême droite, il s’agit moins d’un compliment que d’une accusation de captation d’idées et d’héritage politique.
L’autre défi pour Bruno Retailleau est de durer le plus longtemps possible au poste de ministre de l’Intérieur. Cela lui procure une énorme visibilité et lui permet de jouer les premiers rôles sur des enjeux régaliens qui font partie des préoccupations des Français, comme la sécurité, la crise migratoire, le vivre ensemble.
Bruno Retailleau fait partie de cette droite républicaine qui ne veut pas laisser les questions et les préoccupations de la question migratoire exclusivement traitées par l’extrême droite. Il pense qu’en s’attaquant de manière ferme et déterminée à la lutte contre l’immigration clandestine, il tirerait le tapis sous les pieds de l’extrême droite et annulerait les raisons de son expansion politique. Et il n’est pas exclu qu’en validant la première nomination puis la seconde de Bruno Retailleau, Emmanuel Macron avait cette approche en tête.
«C’est autour de la crise avec l’Algérie que Bruno Retailleau a su créer sa fortune politique et sa renommée.»
Mais c’est autour de la crise avec l’Algérie que Bruno Retailleau a su créer sa fortune politique et sa renommée. Ami personnel de l’écrivain Boualem Sansal, emprisonné arbitrairement par les autorités algériennes, il fait partie des membres du gouvernement français prêts à aller au rapport de force avec Alger pour obtenir sa libération. Alerté sur l’activisme de nombreux influenceurs algériens sur les réseaux sociaux, qui incitent à la haine et appellent à la violence sur le territoire français, il en a arrêté quelques-uns et les a présentés devant la justice. Il a poussé la détermination jusqu’à expulser l’un de ces influenceurs, pourtant muni d’un passeport biométrique valide. En refusant de l’accueillir, les autorités algériennes ont donné à la crise avec Paris une dimension inédite. Bruno Retailleau parle alors de volonté algérienne «d’humilier» la France, quand Emmanuel Macron évoque «le déshonneur» de l’Algérie si elle ne libère pas Boualem Sansal.
Le bras de fer entre Alger et Paris, porté de main de fer par Bruno Retailleau, a atteint de nouvelles perspectives. Comme cette enquête lancée en direction de la Grande Mosquée de Paris, dirigée par un agent d’influence algérienne, Chems-Eddine Hafez. Avec la complicité de la présidence algérienne, ce dernier a mis en place une entourloupe comptable pour faire payer aux entreprises françaises désireuses d’exporter vers l’Algérie une «taxe Halal». Ses recettes sont estimées à près de cinq millions d’euros sur une seule année, dont la gestion reste opaque et la destination inconnue.
Sur instructions de Bruno Retailleau, la Grande Mosquée de Paris, considérée comme une officine de propagande algérienne sur le sol français, est sous pression du gouvernement et des services de l’État pour clarifier son rôle et son mode de financement. Signe qui ne trompe pas: Bruno Retailleau avait décliné récemment l’invitation à un Iftar pour la fin du ramadan, justement pour ne pas figurer sur la même photo que Chems-Eddine Hafez, le sulfureux recteur de la Grande Mosquée de Paris.
Ce n’est donc pas un hasard si Bruno Retailleau est devenu la bête noire du gouvernement algérien, l’homme à abattre politiquement. D’où cette campagne lancée contre lui. Mais ces attaques ne font en réalité que renforcer sa stature et le rapprocher de toutes les ambitions, y compris celle de porter les couleurs de la droite républicaine dans la prochaine course à la présidence.
Et c’est cette personnalité, avec ses charges politiques et ses ambitions, qui est attendue pour une visite très importante au Maroc le 14 avril, avec pour objectif de participer à consacrer l’excellence d’une relation entre Paris et Rabat qui se renforce au fil des jours.
Bienvenue dans l’espace commentaire
Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.
Lire notre charte