Que le président algérien Abdelmadjid Tebboune assiste à des activités militaires, cela n’a rien de surprenant, du moment que la constitution du pays lui confère également les titres de Chef suprême des forces armées et de ministre de la Défense.
Mais sachant que cette haute main présidentielle sur l’institution militaire est trompeuse, les observateurs ne se sont pas empêchés de poser moult questions quant aux raisons de la présence inédite, dimanche 25 juin, du président algérien à un exercice militaire, organisé dans la wilaya de Djelfa, relevant comme Alger, Tizi Ouzou et Blida de la 1ère région militaire, la plus grande du pays.
Faire campagne avec le costume de «chef de l’armée»
Historiquement, et durant ses quelque 20 ans de pouvoir, Abdelaziz Bouteflika, premier président civil élu, n’a jamais assisté au moindre exercice de l’armée. Quand bien même il est connu pour avoir été extirpé d’un long exil par de puissants généraux qui l’ont installé à la Mouradia, Bouteflika a toujours cherché à s’émanciper de ces hauts gradés corrompus et sanguinaires et à asseoir une autorité présidentielle. Il a eu le mérite, en tant que chef suprême de l’armée et ministre de la Défense, de réduire leurs voilures.
C’est dans ce cadre qu’il a voyagé à deux reprises à Moscou en vue de négocier personnellement et signer des contrats d’armement, tout en donnant son aval au démantèlement de certaines officines militaires hégémoniques, comme le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) qui tenait sans partage les rênes de l’ensemble des pouvoirs en Algérie.
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Avec son successeur, Abdelmadjid Tebboune, arrivé à la faveur d’une succession rapide d’événements imprévus (Hirak populaire, coup d’État médical contre Bouteflika, mort subite du général Gaïd Salah…), c’est une tout autre paire de manches, donnant à voir un président servile, impopulaire, ne faisant qu’exécuter les ordres des généraux qui l’ont «hérité» de l’ancien chef d’état-major, honni parmi les clans instigateurs de la décennie noire, et dont il espère avoir la confiance pour briguer la présidentielle de 2024.
C’est sous ce prisme-là qu’il faut surtout interpréter la présence inédite de Tebboune, en costume-cravate, à l’exercice militaire de dimanche. Le candidat Abdelmadjid Tebboune à un second mandat présidentiel fait campagne en revêtant le costume en papier de «Chef suprême des forces armées et ministre de la Défense».
Cacher les profondes dissensions
Reste à savoir quel message a voulu passer le général Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’armée algérienne, en invitant et accueillant en grande pompe Abdelmadjid Tebboune sur les lieux de ces manœuvres militaires, à Djelfa. Les profondes dissensions entre les deux hommes sont un secret de polichinelle, et ce malgré cette complicité à vouloir montrer médiatiquement le contraire.
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Dimanche, chacun des deux a tenté, derrière ses lunettes noires ou fumées, de tirer la couverture à soi et montrer que le patron de l’armée, et donc de l’État algérien, c’est lui. D’habitude, lors des nombreux exercices militaires initiés ces trois dernières années, c’est Chengriha qui avait le monopole des discours, plus politiques que militaires, et le plus souvent au ton trop belliqueux. Cette fois-ci, et peut-être pour la seule et dernière fois, l’initiative a été laissée à Tebboune.
Dans un champ de fumées, de poussières, de détonations et de sifflements assourdissants d’armes lourdes et légères, retransmis par les télévisons algériennes, Tebboune a déclaré qu’il «félicite avec fierté tous les officiers, sous-officiers et hommes de rang pour le succès de l’exercice tactique», qualifiant son pays de «bastion de paix», qui n’a jamais été, selon lui, une «source de menace ou d’agression contre quiconque». Quid alors des séparatistes du Polisario hébergés à Tindouf, financés et armés par l’Algérie contre son voisin de l’ouest?
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A contrario, Tebboune s’est plaint de ce qu’il appelle des «tentatives de déstabilisation sécuritaire» relevant d’«agendas étrangers» en vue de «s’approprier les ressources, particulièrement les ressources énergétiques, et ce, au détriment de la sécurité des peuples de notre région». Une allusion à la prétendue réunion à Tel-Aviv entre le Maroc, la France et Israël visant à réveiller le Hirak populaire dans les grandes villes algériennes.
Obsédé par sa réélection pour un 2ème mandat, et ne pouvant aller à la rencontre des électeurs à travers les wilayas, comme le ferait tout homme politique qui se respecte, Tebboune est allé faire campagne chez l’armée. Il n’ignore pas que celle-ci est traversée par de nombreux clans, dont aucun, y compris celui de Saïd Chengriha, n’est favorable à son maintien pour un autre mandat.
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Pourquoi Tebboune ressent le besoin de proclamer qu’il est le chef de l’armée? Son prédécesseur, Abdelaziz Bouteflika, sûr de son pouvoir, n’a jamais eu à manifester ostensiblement qu’il est le patron de l’armée, parce qu’il a semé les divisions dans les rangs des généraux et gagné la gratitude de Gaïd Salah qui a décapité les services de renseignement.
En arborant le costume du chef de l’armée, Tebboune a fourni une piètre prestation théâtrale. Son numéro va davantage irriter les généraux hostiles à sa réélection. L’exercice «Fadjr 2023» (Fadjr signifie «Aurore» en arabe) sonne davantage comme le crépuscule inéluctable de Tebboune à la tête de l’Algérie. L’année 2024, année des présidentielles en Algérie, sera celle de tous les dangers pour Tebboune et ses enfants prédateurs (Khaled, Mohamed et Salaheddine Ilyes). Si Tebboune rate sa réélection à la tête de l’Algérie, c’est la prison qui l’attend avec sa famille.