Dans la matinée du mercredi 9 avril, alertés par des rafales nourries de coups de feu, les habitants du camp sahraoui de Tindouf, dit El Argoub, majoritairement des femmes et des enfants, ont assisté en direct à l’assassinat de deux Sahraouis abattus par des éléments de l’armée algérienne. Les deux victimes ainsi que neuf autres personnes blessées à des degrés divers appartiennent à un groupe d’orpailleurs sahraouis qui avaient été pris en chasse par une unité militaire algérienne. Celle-ci les a poursuivis jusqu’à l’intérieur même du camp El Argoub.
Ce carnage constitue une humiliation pour le Polisario, impuissant face à la violation flagrante d’un modus vivendi conclu avec ses protecteurs algériens. Selon cet accord, le rayon d’action des milices du Polisario s’étend à une distance de 5 kilomètres autour des différents camps sahraouis; au-delà, l’armée algérienne prend le relais. Toute intervention éventuelle des forces algériennes à l’intérieur des camps de Tindouf doit obligatoirement faire l’objet d’une coordination préalable entre les deux parties, conformément aux termes de ce véritable contrat de dupes.
Or, les malheureux orpailleurs sahraouis tués ou blessés hier, et qui croyaient avoir sauvé leur peau en semant les soldats algériens pour entrer dans une zone prétendue sous protection du Polisario, ont été massacrés sous les yeux mêmes des leurs et en présence de miliciens, impuissants, du Polisario. Toutes les victimes sont de jeunes orpailleurs qui se sont retrouvés nez à nez avec une patrouille militaire alors que le régime d’Alger leur interdit cette activité. En général, les orpailleurs sahraouis sont, au mieux, arrêtés et leur matériel intégralement confisqué.
Au pire, ils se font en général, et sans la moindre sommation, tirer dessus à balles réelles ou brûlés vifs. Ainsi, en octobre 2020, deux orpailleurs sahraouis ont été brûlés vifs par une unité de l’armée algérienne au moment où ils procédaient à un forage à la recherche d’éventuelles pépites d’or dont la vente leur permettrait un tant soit peu de subsister dans les camps où les conditions de vie sont difficiles, surtout en pleine période de pandémie de Covid-19. Ce scandale avait fait à l’époque le tour du monde après avoir été dénoncé par de nombreuses ONG devant les instances internationales des droits de l’Homme.
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Cela n’a pas empêché le régime algérien de continuer à tuer les Sahraouis, qu’il présente par ailleurs comme des hôtes réfugiés sur son territoire et dont il est le garant, à ce titre, de la protection. Mais la réalité est autre, puisque chaque année, de nombreux Sahraouis des camps sont abattus par l’armée algérienne, rien que pour s’être aventurés hors des camps qu’ils ne doivent quitter que munis d’une autorisation formelle.
De l’intérieur de l’Algérie, aucune voix n’a dénoncé cet acte criminel commis hier contre des orpailleurs désarmés. Les médias algériens, pourtant très prompts à transformer les bavures de l’armée algérienne en hauts faits patriotiques, ont passé sous silence ce crime.
Ahmed Barikalla, premier secrétaire du Mouvement sahraoui pour la paix (MSP), un mouvement dissident du Polisario, a vivement fustigé ce crime de l’armée algérienne dans une lettre adressée à l’envoyé spécial du SG de l’ONU au Sahara, qui se prépare à un briefing devant le Conseil de sécurité de l’ONU.
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En parallèle à cette affaire, l’Algérie et le Polisario sont actuellement sur la sellette en Mauritanie, où les autorités locales les soupçonnent d’avoir kidnappé cinq ressortissants mauritaniens qui travaillaient dans une zone d’orpaillage en plein territoire mauritanien. Ces cinq otages auraient été transférés à Tindouf où ils sont retenus depuis plusieurs semaines, selon un média mauritanien, qui a révélé leur identité.
Cette affaire aurait fait l’objet d’une rencontre, lundi dernier, entre le chef de la diplomatie mauritanienne, Mohamed Salem ould Merzoug, qui a reçu le chef de la mission diplomatique algérienne à Nouakchott, Aymen Said. Par le passé, l’armée algérienne a tué de nombreux orpailleurs mauritaniens sous prétexte qu’ils sont entrés illégalement sur son territoire, mais de là à les kidnapper dans leur pays constituerait un précédent grave qui ne restera pas sans suites. Alger a donc tout intérêt à régler rapidement cette affaire d’orpailleurs kidnappés sur le territoire mauritanien.
Au vu de la crise avec ses voisins de l’Alliance des États du Sahel (AES), le régime algérien ne peut se permettre une crise de trop avec son voisin mauritanien, dont le territoire est désormais la seule voie de passage (aérien et terrestre) de l’Algérie vers les rares pays d’Afrique subsaharienne avec lesquels elle entretient encore des relations.
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