Chili: divisé, le pays commémore le cinquantenaire du coup d’État de Pinochet

La phrase La Moneda est reconstituée dans son intégralité" est projetée sur la façade du palais présidentiel de La Moneda à Santiago le 11 septembre 2023, à l'occasion du 50ème anniversaire du coup d'État qui a porté Augusto Pinochet au pouvoir.. AFP or licensors

Le Chili a clos lundi par une veillée aux chandelles dans un ancien centre de torture les cérémonies du 50ème anniversaire du coup d’État militaire d’Augusto Pinochet et la chute du gouvernement de Salvador Allende, sur fond de divisions sociale et politique sur l’héritage de sa propre histoire.

Le 12/09/2023 à 09h09

Depuis le Palais de La Moneda, bombardé par l’armée de l’air chilienne le 11 septembre 1973, le président chilien Gabriel Boric a présidé aux commémorations, placées sous le slogan «Démocratie toujours», en présence de chefs d’État actuels ou anciens d’Amérique latine.

«Quelle que soit la couleur du régime qui viole les droits de l’Homme, qu’il soit rouge, bleu ou noir, les droits de l’Homme doivent toujours être respectés et leur violation condamnée sans aucune nuance», a lancé le président Boric. «Le coup d’État» du général Pinochet «est indissociable de ce qui s’en est suivi, les droits de l’Homme ont été violés dès le début», a ajouté le dirigeant de gauche de 37 ans, premier président du Chili à être né après le coup d’État militaire.

La voix sanglotante, la sénatrice socialiste Isabel Allende, fille du président défunt qui s’est suicidé ce jour-là, a ému l’assistance en contant sa journée du 11 septembre 1973. Face à elle, au premier rang, Maya Fernandez, ministre de la Défense et petite-fille de Salvador Allende. «Aujourd’hui, alors que la démocratie dans le monde est confrontée à de nouvelles menaces autoritaires, il est plus que jamais nécessaire de renouveler l’engagement de chacun d’entre nous en faveur de la démocratie», a-t-elle dit.

Une minute de silence a été respectée à 11H52, l’heure où La Moneda a été bombardée, ouvrant la voie à 17 années de dictature durant laquelle 1.747 personnes ont été tuées et 1.469 ont disparu. Mais un demi-siècle plus tard, le Chili est toujours divisé sur le sens à donner à cette commémoration.

Selon une récente enquête réalisée par l’institut Activa Research, 40% des Chiliens estiment qu’Allende est responsable d’avoir conduit le Chili vers le coup d’État, tandis que 50% abhorrent le régime imposé par le général. Par ailleurs, dans un pays où 79% des 20 millions d’habitants sont nés après 1973 et où la principale préoccupation reste l’économie et l’insécurité, ces commémorations suscitent peu d’intérêt.

«L’histoire jugera»

Les héritiers politiques du président Allende gouvernent aujourd’hui, mais le Parti républicain, parti d’extrême droite ouvertement nostalgique de Pinochet, est arrivé en tête en mai de l’élection du Conseil chargé de rédiger une nouvelle Constitution, censée amender celle rédigée sous la dictature (1973-1990). L’UDI, un autre parti d’extrême droite, a publié en début de journée un communiqué affirmant que le renversement d’Allende était «inévitable» en raison de la «situation extrême» dans laquelle se trouvait le pays.

Aucun représentant de l’opposition de droite n’a assisté à la cérémonie à La Moneda ni ne s’est joint à l’engagement de «défendre la démocratie contre les menaces autoritaires» promu par le président. «C’est très douloureux. L’histoire jugera», a réagit Isabel Allende, déplorant les «reculs» constatés selon elle au cours de ces commémorations.

Dans la nuit de lundi, une veillée aux chandelles a drainé des milliers de personnes au stade de Santiago qui avait été converti en centre de détention et de torture pendant la dictature. Aux portes de la ville, des manifestants ont également empêché le passage de véhicules. Un caméraman d’une chaîne de télévision locale a notamment reçu une balle au visage lors de ces troubles, et un policier a été blessé. Leur pronostic vital n’est toutefois pas engagé, ont indiqué les autorités.

Sans avoir jamais mis les pieds dans une prison et encore moins dans un tribunal, Augusto Pinochet est mort d’une crise cardiaque en 2006 à l’âge de 91 ans.

Par Le360 (avec AFP)
Le 12/09/2023 à 09h09