Après dépouillement de plus de 99% des suffrages, le Parti Populaire (PP) de son rival conservateur Alberto Núñez Feijóo totalisait 136 sièges sur un total de 350 au congrès des députés et le parti d’extrême droite Vox, son seul allié potentiel, 33 sièges.
Le PP gagnait donc 47 sièges de plus que lors des précédentes élections, en 2019, mais était loin des 150 sièges que visait M. Feijóo. Surtout, le PP et Vox, qui a perdu du terrain par rapport au dernier scrutin, ne totalisent que 169 sièges, alors que la majorité absolue est fixée à 176.
Le Parti socialiste de M. Sánchez est, lui, crédité de seulement 122 députés et Sumar, son allié de gauche radicale, de 31.
Mais M. Sánchez, au pouvoir depuis cinq ans, se trouve paradoxalement dans une meilleure position que son rival conservateur et peut espérer se maintenir au pouvoir, car il a la possibilité d’obtenir le soutien des partis basques et catalans, pour qui Vox est un épouvantail.
«Le bloc rétrograde du Parti populaire et de Vox a été battu», a-t-il lancé aux militants socialistes réunis devant le siège de son parti. «Nous qui voulons que l’Espagne continue à avancer sommes beaucoup plus nombreux», a-t-il poursuivi.
M. Feijóo a toutefois revendiqué la victoire. Le PP «a gagné les élections», a-t-il lancé depuis le balcon du siège du parti, affirmant son intention de «former un gouvernement» et demandant aux socialistes de ne pas «bloquer» un tel gouvernement.
«Vraie surprise»
«C’est une vraie surprise, le Parti socialiste a résisté beaucoup mieux que prévu. Il y a deux scénarios: (le maintien de) Sánchez (au pouvoir) ou de nouvelles élections», a déclaré à l’AFP Antonio Barroso, analyste du cabinet Teneo.
Les sondages réalisés au cours des cinq derniers jours, et dont les résultats ont été publiés à la fermeture des bureaux de vote à 18H00 GMT, comme l’exige la loi, prédisaient tous une large victoire du PP et même la possibilité d’une majorité absolue avec l’appui de Vox.
M. Feijóo veut gouverner en tant que vainqueur des élections, mais sans majorité absolue, il aurait besoin de l’abstention, lors d’un vote d’investiture au Parlement, des socialistes, qui «ne le lui donneront pas», poursuit M. Barroso.
Car au vu des résultats, M. Sánchez semble en mesure de rassembler sur son nom 172 députés, soit plus que le chef du PP, et pourrait donc être reconduit au pouvoir, à condition que le parti de l’indépendantiste catalan Carles Puigdemont ne vote pas contre lui.
Dans le cas contraire, l’Espagne, qui a déjà connu quatre élections générales entre 2015 et 2019, se retrouverait dans une nouvelle situation de blocage politique et pourrait être condamnée à un nouveau scrutin.
Coup de poker
Habitué des coups de poker, M. Sánchez conserve donc des chances de réussir son dernier pari.
Voulant reprendre l’initiative après la déroute de la gauche aux élections locales de la fin mai, il a convoqué ce scrutin anticipé et fait campagne sur la peur d’une entrée au gouvernement de Vox, qui dirige déjà avec le PP trois régions sur les 17 que compte le pays, afin de mobiliser l’électorat de gauche.
Une stratégie qui semble avoir payé, la participation ayant atteint près de 70%, soit 3,5 points de plus que lors du dernier scrutin, en novembre de 2019.
Plebiscité l’an dernier à la tête du PP, M. Feijóo a, lui, raté son coup.
Cet ancien président de la Galice (nord-ouest) a fait campagne sur «l’abrogation du sanchisme», néologisme faisant référence au nom de M. Sánchez, que la droite accuse d’avoir franchi des lignes rouges, notamment en graciant les indépendantistes catalans condamnés pour la tentative de sécession de 2017 ou en négociant au Parlement le soutien du parti basque Bildu, héritier de la vitrine politique de l’ETA, pour faire adopter ses réformes.
Au siège du PP à Madrid, Carmen Rodríguez de la Cruz, affichait sa déception. «Je ne m’y attendais pas, je vais devoir supporter Sánchez quatre ans de plus», a-t-elle dit à l’AFP.
Ce scrutin a suscité un intérêt inhabituel à l’étranger en raison de l’éventualité de l’arrivée au pouvoir d’une coalition PP/Vox dans un pays considéré comme pionnier en matière de droits des femmes ou de ceux de la communauté LGBT+.
Un tel scénario, qui apparaît désormais improbable, aurait marqué le retour au pouvoir de l’extrême droite en Espagne pour la première fois depuis la fin de la dictature franquiste en 1975, il y a près d’un demi-siècle.