Rien ne va plus entre l’Algérie et le Mali, dont les relations ne cessent d’aller de mal en pis depuis maintenant plusieurs mois, dans le sillage de l’abrogation définitive, par les autorités maliennes, de l’Accord d’Alger de 2015. Censé rétablir la paix entre le gouvernement central de Bamako et les rebelles touaregs, cet accord, dont les objectifs n’ont jamais été atteints, s’est révélé a contrario comme un outil d’ingérence algérienne dans les affaires intérieures du Mali. Son abrogation a déclenché une crise ouverte entre les deux pays voisins, aggravée par la succession d’actes inamicaux manigancés par le régime algérien à l’encontre du pouvoir malien.
Le dernier acte de cette crise algéro-malienne vient de se dérouler du haut de la tribune des Nations unies, à partir de laquelle le vice-Premier ministre et ministre d’État malien, Abdoulaye Maïga, a accusé l’Algérie, son voisin du nord, de servir de base arrière aux terroristes qui ensanglantent son pays. Une accusation d’autant plus lourde qu’Abdoulaye Maïga n’est autre que le ministre de l’AES (Alliance des États du Sahel) chargé de l’Administration territoriale et de la décentralisation, et qui est donc à ce titre le porte-voix sécuritaire des autres pays du Sahel que sont le Niger et le Burkina Faso, eux aussi aux prises avec les bandes terroristes.
Le chef de la délégation malienne à la 79ème session de l’Assemblée générale de l’ONU avait tout le loisir de donner des preuves encore plus tangibles quant à l’implication de l’Algérie, via des groupuscules terroristes, dans la déstabilisation des pays voisins. Maïga aurait ainsi pu décliner la longue liste des «émirs algériens» qui ont dirigé par le passé, ou qui dirigent toujours, les différents groupes terroristes actifs au Sahel. Ces émirs algériens sont tous sortis de la matrice de l’ex-Département du renseignement et de la sécurité (DRS) algérien qui les utilisait dans les massacres d’Algériens lors de la décennie noire des années 90, provoquant délibérément un climat de terreur avec le fameux «qui tue qui?»
C’est face au déni de cette réalité par le régime algérien, qu’Abdoulaye Maïga a traité, samedi dernier, d’«énergumènes diplomatiques», le chef de la diplomatie algérienne, Ahmed Attaf, et le représentant d’Alger à l’ONU, Amar Bendjama, auxquels il est surtout reproché d’avoir tenté d’éluder l’implication directe de l’Algérie dans les derniers accrochages meurtriers qui ont opposé, en juillet et août derniers, l’armée malienne à des groupes rebelles et/ou terroristes à la frontière entre les deux pays.«Le Mali exige de ces deux énergumènes diplomatiques qu’ils cessent d’entrer dans l’histoire à reculons. Manifestement, ils ignorent à la fois l’histoire entre les peuples frères du Mali et de l’Algérie, ainsi que la contribution exceptionnelle du Mali à la guerre de libération algérienne, et certainement la géographie, puisqu’ils considèrent à tort le Mali comme une wilaya, c’est-à-dire une province algérienne», a affirmé Maïga, avant d’accuser ouvertement Alger de soutenir les rebelles maliens et les terroristes en leur «servant le gîte et le couvert».
Une allusion claire au chef terroriste malien, Iyad Ag Ghali, patron du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), établi et protégé dans le sud algérien, malgré un mandat d’arrêt international émis par la Cour pénale internationale. Maïga a même dénoncé les violations des principes de bon voisinage en tournant en dérision, mais de façon plus diplomatique, les propos tenus par le candidat à sa propre succession, Abdelmadjid Tebboune, lors de son ultime discours de campagne, le 29 août 2024 à Djanet. En effet, devant un auditoire formé en majorité de notables touaregs algériens, Tebboune a prétendu que les relations (plus que jamais exécrables) entre l’Algérie, le Niger, la Libye et le Mali sont marquées par la fraternité et le bon voisinage! C’est ce discours à l’envers que le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a tenté d’opposer au discours de vérité du vice-Premier ministre malien et ministre de l’AES.
Dans sa réponse, lors d’un discours prononcé le lundi 30 septembre à la tribune de l’ONU, Attaf a complètement éludé les accusations maliennes sur le parrainage par Alger du terrorisme au Sahel. C’est pourtant cela le fond du sujet: le régime parraine le terrorisme en Afrique du Nord et au Sahel. Étant visiblement embarrassé par la crudité de l’accusation du représentant malien, le régime d’Alger a préféré jouer la carte d’une fausse main tendue au lieu de se défendre d’une accusation extrêmement grave. Attaf a d’abord choisi de jouer aux vierges effarouchées en qualifiant les propos d’Abdoulaye Maïga d’«insolents», tout en affirmant en même temps que la réponse de l’Algérie aux descendants du prestigieux empire du Mali sera «civilisée».
Restés silencieux pendant deux jours sur les accusations égrenées par le vice-Premier ministre malien à la tribune de l’ONU, les médias algériens sont sortis du bois, lundi, pour reprendre la non-réponse d’Ahmed Attaf, mais sans citer nommément le Mali, désigné par «État voisin». Ils ont surtout mis l’accent sur «la main tendue» de l’Algérie aux pays du Sahel. Une façon pour le régime algérien de jouer la carte de l’apaisement, malgré cette douloureuse et retentissante claque reçue à l’ONU.
Cette main tendue s’explique certainement par l’autre claque, non moins douloureuse, reçue par Alger, à savoir le succès diplomatique réalisé par le Maroc à cette 79ème session de l’AG de l’ONU, en marge de laquelle il a réuni quatre pays du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad) dans le cadre de la mise en œuvre de l’Initiative Atlantique prônée par le Maroc en vue de désenclaver et développer le Sahel.
Isolé comme il ne l’a jamais été depuis 1962, le très jeune État algérien découvre qu’il n’a pas de liens enracinés dans l’Histoire avec les États voisins. Ce manque de profondeur historique est la pire tare à dépasser pour cet artefact, honni par tous les pays de son voisinage à l’exception de la Tunisie que l’autocrate Kaïs Saïed a vassalisée.