Les Algériens n’ont jamais vu Abdelmadjid Tebboune prier depuis son accession à la présidence de la République, le 12 décembre 2019, notamment lors des activités officielles organisées à l’occasion des fêtes religieuses, où il se faisait chaque fois représenter par ses Premiers ministres successifs. Cet absentéisme religieux, anormal pour le dirigeant d’un pays musulman, a suscité inquiétude, soupçons et questionnements des Algériens, dont la majorité a fini par se convaincre que leur président «ne prie pas».
Et ce n’est pas la retransmission par les chaînes de télévision et autres médias publics de la présence de Abdelmadjid Tebboune et des piliers de son régime, le mercredi 10 avril, à la prière de Aïd Al-Fitr, qui a changé la conviction, ancrée chez les Algériens, que leur président est un non-pratiquant des préceptes de base de l’Islam.
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C’est pour cette raison qu’ils ont été non seulement surpris par son apparition subite et inédite à la mosquée, mais également choqués par la manière étrange avec laquelle lui et les pontes du régime algérien ont accompli un rituel religieux aussi ancré que la prière de l’Aïd.
Piètre imitation des rituels royaux
Tous ceux qui ont vu les images du président algérien effectuant la prière de Aïd Al-Fitr y ont clairement décelé une tentative, très maladroite de la part du régime algérien, d’imiter le roi Mohammed VI lors de l’accomplissement des rituels religieux. Ainsi, pour la première fois, la télévision publique algérienne a utilisé des techniques de diffusion en direct par drone afin de suivre l’itinéraire du cortège de Abdelmadjid Tebboune se rendant à la mosquée d’Alger, alors que les Algériens ont été jusqu’ici habitués aux retransmissions en différé des activités officielles de leurs dirigeants.
Sur les réseaux sociaux, les Algériens ont largement commenté l’inauguration par Abdelmadjid Tebboune de sa «première prière» à la mosquée et ont salué «l’exploit» réalisé par le président en s’affichant pour la première fois devant le peuple dans une prière de l’Aïd. Ainsi, une citoyenne algérienne, répondant au nom de Saadia Gedi, fut parmi les rares internautes à se féliciter que le président algérien ait décidé d’accomplir la prière de l’Aïd pour réfuter, dit-elle, les allégations de ceux qui prétendent qu’il ne prie pas. «Ceux qui disaient que Tebboune ne prie pas n’ont qu’à bien regarder (les images, NDLR)», écrit-elle.
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En revanche, la majorité des internautes algériens ont choisi le sarcasme pour tourner en dérision la première apparition de leur président qui a attendu, selon eux, «la fin de son premier mandat» pour aller prier. «Dieu soit loué, enfin nous l’avons vu prier», écrit sur sa page Facebook un Algérien du nom de Nabil Nibo, exprimant de la sorte la longue attente des Algériens de voir Tebboune accomplir ce rite religieux.
Une prière derrière deux imams
Sauf que pour un autre internaute algérien, cette première prière officielle n’est autre que de la pure tartufferie. «La prière du second mandat..., nous ne l’avons jamais vu prier auparavant..., l’hypocrisie de la politique», écrit le dénommé Sami Menikh.
Mais ce qui a surpris tous ceux qui ont suivi la prière du président algérien ce jour de Aïd Al-Fitr ou y ont assisté, c’est la présence de deux imams devant les fidèles, une pratique inhabituelle dans les pays sunnites, notamment ceux suivant le rite malikite dont se proclame officiellement l’Algérie.
Commentant la posture du président et son entourage priant derrière deux imams, l’internaute Ahmed Abou Ayoub a écrit: «Prier derrière deux imams? Où avez-vous trouvé ce genre de prière pour lequel Dieu n’a fait descendre aucun messager? Il n’y a de pouvoir que celui de Dieu Tout-Puissant. L’Algérie est un pays de désastres en toute chose».
Un autre internaute algérien, Hamdi, s’interroge: «Pourquoi y a-t-il deux imams devant les fidèles? Je n’ai jamais vu cela qu’en Algérie. Y a-t-il une explication à cela?». Ce à quoi un autre internaute, Redouane Abou Bakr, a répondu fermement : «Jamais je n’ai vu une prière avec deux imams».
Comme les Algériens, des Marocains ont contribué au débat sur cette bizarrerie algérienne en enquêtant sur la validité ou non d’une prière conduite par deux imams. Ainsi, un youtubeur marocain, propriétaire de la chaîne Anas Tube, lui a consacré une série d’épisodes dans lesquels il clarifie que de nombreux hadiths prophétiques montrent «l’inadmissibilité» de la prière de Abdelmadjid Tebboune derrière deux imams.
Pour sa part, le youtubeur marocain Mohamed Sbaï a diffusé une vidéo intitulée «Le scandale de la prière de Tebboune», dans laquelle il estime que l’Algérie a tout simplement commencé à devenir «un État chiite», affilié aux Mollahs de Téhéran. Il a ainsi rappelé la récente visite du président iranien en Algérie, où il a prié avec des responsables algériens, cette fois-ci… sans un seul imam! Mohamed Sbaï en conclut que l’Algérie «se dirige tout droit vers l’adoption de l’islam chiite».
Nombre de commentateurs ont également moqué l’accoutrement et surtout l’attitude du chef d’état-major de l’armée algérienne Saïd Chengriha lors de cette activité religieuse. La détresse et l’ennui qui apparaissaient sur son visage, comme pour se plaindre de «l’interminable» sermon de l’imam, n’ont échappé à personne. Et à maintes reprises, les caméras l’ont surpris en train de regarder sa montre-bracelet. Normal, expliquent les internautes: Chengriha n’a pas, lui non plus, l’habitude d’assister à de tels événements religieux.
D’ailleurs, la scène qui a suscité le plus la risée des internautes est celle où le chef de l’armée algérienne s’était complètement endormi, et ce durant une bonne partie du prêche de l’imam.
Le président Abdelmadjid Tebboune (78 ans), le chef d’état-major de l’armée Saïd Chengriha (78 ans) et le président du Conseil de la nation Salah Goudjil (93 ans) sont apparus assis sur des chaises lors de la prière de Aïd Al-Fitr, ce qui a fini par convaincre les Algériens que leur pays se dirige vers l’inconnu, car entre les mains de personnes quasi infirmes.
La manie des télévisions publiques qui ont zappé le plan de «prosternation» du trio, pour ne les montrer qu’en position debout, vise à falsifier la réalité en faisant croire que les dirigeants algériens sont toujours en bonne santé et mènent une vie normale, comme tout le monde.
Mais le peuple algérien est désormais certain que ceux qui le dirigent sont un groupe de personnes infirmes, incapables d’effectuer normalement une prière, et a fortiori de mener à bien les affaires d’un pays embourbé dans les crises.