On le disait très proche du président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui l’avait nommé directeur général de la sûreté nationale en mars 2021, en remplacement de Khelifa Ounissi. Mais Farid Zineddine Bencheikh n’a finalement pas survécu au grave scandale des nombreuses et récentes instruisons de harraga dans le tarmac des aéroports, d’où ils embarquent dans des vols d’Air Algérie à destination de l’Europe en se cachant dans les soutes ou les trains d’atterrissage des avions.
Selon les médias algériens, le limogeage de Bencheikh, officiellement acté ce lundi, «semble être lié à l’affaire de l’intrusion d’un jeune homme dans un avion d’Air Algérie à l’aéroport international d’Oran, aux fins de migration clandestine».
Ce scandale, qui a éclaté le 28 décembre dernier dans un vol Oran-Orly, avec la découverte d’un jeune clandestin dans le train d’atterrissage d’un avion d’Air Algérie, et qui s’est soldé par l’hospitalisation à Paris du passager clandestin pour «hypothermie sévère», a également conduit au placement en détention provisoire, dimanche 7 janvier à Oran, de dix officiers et agents de la police algérienne. Ils seront jugés pour avoir «mis en péril la vie des personnes à bord de l’avion et celle d’autrui, ainsi que la sécurité de l’avion», selon un communiqué du parquet de la cour pénale d’Oran.
C’est le troisième «hrig» -que le régime n’a pas pu cacher- par avion enregistré durant les 34 mois que Farid Bencheik a passés à la tête de la police algérienne. En mars 2022, un mineur de 16 ans a déjoué la vigilance de la police pour un voyage sans encombre dans la soute d’un avion reliant Constantine à Paris. En juin de la même année, les cadavres de deux jeunes Algériens âgés de 20 et 23 ans ont été découverts à l’aéroport international Houari Boumediène dans le train d’atterrissage d’un avion qui venait d’opérer un vol aller-retour entre Alger et Barcelone. Des têtes étaient tombées à chaque fois, mais Farid Bencheikh n’a jamais été inquiété.
Cette fois-ci, il n’a pas échappé au coup de balai au sein de la haute hiérarchie de la police algérienne, qui intervient suite à l’enquête sur l’incident de l’aéroport Ahmed Ben Bella d’Oran, menée par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), officine qui travaille sous les ordres directs du chef d’état-major de l’armée algérienne, le général Saïd Chengriha. Or, ce dernier attendait patiemment la première occasion pour se débarrasser de Farid Bencheikh.
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En effet, l’ex-chef de la police était embourbé dans la nasse des complots permanents qui déchirent en sourdine le système algérien, où les luttes d’influence opposent, d’une part, le clan de la Mouradia, dont le noyau dur est actuellement formé de Boualem Boualem, directeur de cabinet et conseiller très écouté du président algérien, du vieux général de corps d’armée Ben Ali Ben Ali, commandant de la Garde républicaine, et du sortant Farid Bencheikh, et, d’autre part, le très puissant clan des généraux de la décennie noire où l’on compte le chef d’état-major de l’armée, le chef de la gendarmerie, les généraux dirigeant les différents services de renseignement, ainsi que le général de l’ombre, Mohamed Mediène, dit Toufik. Si ce dernier clan vient de perdre un élément de poids en la personne du criminel de guerre Khaled Nezzar, le clan présidentiel perd aujourd’hui Farid Bencheikh.
L’animosité des généraux à l’égard de Bencheikh s’explique aussi par son implication dans le scandale des écoutes téléphoniques ordonnées par la présidence algérienne et ciblant les principaux généraux de l’armée. En effet, en mai dernier, les enquêteurs de la Direction centrale de la sécurité de l’armée ont établi que l’ex-officier de gendarmerie et informaticien Chawki Boukhazani, patron de Mobilis, opérateur public de téléphonie mobile, espionnait les téléphones de Saïd Chengriha et ceux d’autres généraux pour le compte de la présidence algérienne. Un coup bas que Bencheikh est accusé d’avoir orchestré sur instructions du conseiller spécial de Tebboune, Boualem Boualem, qui était justement le premier responsable, du temps du défunt Gaïd Salah, des écoutes téléphoniques en Algérie. Il a visiblement conservé intactes ses anciennes pratiques quand Tebboune en a fait son bras droit.
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Mais les scandales dans lesquels Farid Bencheikh est mouillé jusqu’au cou ne s’arrêtent pas là. Bien que ce criminologue bardé de diplômes ait travaillé un certain temps pour le compte du ministère français de l’Intérieur, cela ne l’a pas empêché d’user de méthodes tortueuses, voire mafieuses, en vue d’obtenir un titre de résidence en France. Ainsi, en 2015, il a contracté un mariage blanc avec une Néerlandaise à Paris et obtenu une carte de séjour en France valable pour 10 ans. Mais ce faux mariage n’a pas tardé à être dévoilé quatre ans après, ce qui a conduit à l’annulation dudit titre de séjour du désormais ex-patron de la police algérienne, aujourd’hui interdit d’entrée sur le territoire français. Pourtant, il est propriétaire à Paris d’un imposant bien immobilier, nommé L’Étoile et constitué d’un hôtel, avec bar et restaurant, acquis en 2017, soit deux ans avant l’annulation de son titre de séjour en France.