Le régime d’Alger ébranlé par la chute de son allié syrien Bachar al-Assad

le président algérien Abdelmadjid Tebboune et le président syrien déchu Bachar al-Assad.

Le régime de Bachar al-Assad a été jeté aux oubliettes de l’Histoire ce dimanche 8 décembre, après la prise de Damas par la rébellion armée sans la moindre résistance. L’Algérie, seul pays au monde à avoir exprimé officiellement son soutien «absolu» et sa «solidarité» avec le régime syrien, dont il a qualifié les opposants de «terroristes», perd son dernier allié arabe du Moyen-Orient et voit s’accentuer son isolement sur la scène régionale et internationale.

Le 08/12/2024 à 15h28

C’est une évidence que le régime de Bachar al-Assad était en sursis depuis le début de la guerre civile en Syrie, en 2011, déclenchée dans le sillage du «Printemps arabe». Mais l’Algérie, qui estimait, à tort ou à raison, que son régime pourrait connaître le même sort qui sera réservé à celui de Damas, a été l’un des rares pays à soutenir ce dernier. Exactement comme on empêche un rempart ou une digue de céder à un raz-de-marée. Certes, la Russie, autre allié d’Alger, était intervenue militairement en Syrie pour secourir son régime, mais c’était surtout pour y défendre une position stratégique en Méditerranée, au niveau de sa base aéronavale de Tartous. Deux autres alliés d’Alger, le Hezbollah libanais et l’Iran ont provisoirement assuré le maintien, à bout de bras, du pouvoir de Bachar al-Assad, avant de connaître leur récente débâcle militaire qui a, à son tour et par un effet domino, précipité la chute du régime syrien.

En effet, il n’a fallu qu’une douzaine de jours à la coalition hétéroclite des rebelles syriens (islamistes, kurdes, libéraux, druzes…), soit du 27 novembre, jour du déclenchement de leur offensive fulgurante, à ce dimanche 8 décembre, pour chasser Bachar al-Assad de Damas, où lui et son père ont exercé successivement un pouvoir absolu un demi-siècle durant.

À contre-courant des événements

Dépourvu de toute vision anticipative, cramponné à des principes d’un autre âge, Alger a, une nouvelle fois, et jusqu’aux derniers soubresauts du régime syrien, ramé à contre-courant des événements en cours au Moyen-Orient. Pourtant, il était clair que Bachar al-Assad n’avait plus aucune chance de se maintenir au pouvoir face à l’avancée des rebelles qui prenaient une à une les grandes villes syriennes (Alep, Hama…). Cela n’a pas empêché le régime algérien de s’empresser de publier à chaud un communiqué officiel, le mardi 3 décembre courant, dans lequel il annonçait son soutien absolu au pouvoir syrien, confronté selon Alger à une «agression terroriste».

Dans ce communiqué, le ministère algérien des Affaires étrangères rapporte que le chef de la diplomatie algérienne, Ahmed Attaf, a eu, le même mardi 3 décembre, «un entretien téléphonique avec le ministre des Affaires étrangères et des Expatriés de la République arabe syrienne, Bassam Sabbagh». Et d’ajouter que les échanges ont permis au chef de la diplomatie algérienne «de prendre connaissance des derniers développements de la situation dans le nord de la Syrie et de réaffirmer la position constante de l’Algérie, gouvernement et peuple, et sa solidarité absolue avec la République arabe syrienne, pays frère, face aux menaces terroristes qui guettent sa souveraineté, son unité, son intégrité territoriale, sa sécurité et sa stabilité».

Par ailleurs, l’Algérie a promis à la Syrie la tenue d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies, en vue d’examiner ce que les médias algériens ont qualifié d’«agression terroriste», ainsi qu’une réunion d’urgence du Conseil de la Ligue arabe au niveau ministériel pour aborder la situation.

Ces gesticulations vaines ne sont pas sans rappeler le camouflet infligé par la Ligue arabe à l’Algérie, qui lui avait refusé catégoriquement d’inviter la Syrie au 31ème sommet arabe organisé le 1er novembre 2022 à Alger. Avant d’accorder cette «initiative» à l’Arabie saoudite, lors du sommet arabe suivant.

Même le timing du communiqué officiel algérien soutenant le régime syrien était irréfléchi, puisqu’il a été publié au moment où Bachar al-Assad avait probablement déjà décidé de quitter le pays. Cela montre combien le régime algérien a fait preuve, comme à son habitude, d’aveuglement dans son évaluation des données géopolitiques. En s’agrippant à un allié moribond, il a donné la preuve au monde entier qu’il est forgé dans la même argile que le régime de Bachar al-Assad. La chute de ce dernier et sa fuite honteuse doivent donner des sueurs froides au tandem Tebboune-Chengriha. La Syrie d’al-Assad présente, en effet, plusieurs similitudes avec le régime d’Alger. Et ce socle commun augure probablement d’une communauté de destin.

Par Mohammed Ould Boah
Le 08/12/2024 à 15h28