Le Sahel: une avant-garde de l’émancipation africaine

Rachid Achachi.

Rachid Achachi.. LE360

ChroniqueDésormais, le Sahel n’a plus de suzerains, mais des partenaires stratégiques, sérieux et crédibles, comme la Russie, la Chine et le Maroc. Pour le Mali, le Burkina Faso et le Niger, la longue période des ingérences occidentales et même régionales, comme pour le cas de l’Algérie, prend graduellement fin.

Le 11/07/2024 à 11h01

Dans une chronique que j’ai rédigée et publiée il y a près de six mois, j’analysais les implications géopolitiques possibles pour la région du Sahel, à la suite de la mise en place d’une alliance militaire, nommée l’Alliance des États du Sahel (AES), par le Mali, le Burkina Faso et le Niger. De même, à cette époque, il s’agissait de la sortie effective de ces trois pays de la CEDEAO.

Dans cette même chronique, j’avais écrit, dans un élan prémonitoire, mais pour être plus sérieux, prospectiviste, concernant cette alliance:

«Elle ambitionne à terme de créer une nouvelle monnaie qui sera baptisée “Sahel”, un espace économique commun et, pourquoi pas si affinités, une confédération sahélienne regroupant les trois pays, voire quatre si le Bénin venait à les rejoindre».

Le temps m’a donné raison, car samedi dernier, jour historique pour le Sahel, les chefs d’État de ces trois pays ont annoncé la création de la «Confédération des États du Sahel».

Cette dernière, comme son nom le stipule, va au-delà d’une simple alliance militaire. Le projet vise à poser les jalons d’une intégration régionale plus poussée et surtout souveraine, qui ne se fera sous les auspices ni de la France, ni d’ailleurs de l’Algérie, pays avec lequel le Mali semble être depuis plusieurs mois en opposition frontale.

La longue période des ingérences occidentales et même régionales, comme pour le cas de l’Algérie, prend graduellement fin.

Désormais, le Sahel n’a plus de suzerains, mais des partenaires stratégiques, sérieux et crédibles, comme la Russie, la Chine et le Maroc, qui a récemment proposé à ces mêmes pays de les intégrer économiquement et infrastructurellement à sa côte atlantique, au potentiel encore largement sous-exploité.

Cependant, dès qu’il est question d’intégration régionale ou continentale, il est légitime de se poser la question suivante: qu’ont ces pays en commun? Les seuls intérêts et défis du moment ne suffisent pas pour fonder un bloc géopolitique. C’est plus profondément qu’il faut creuser pour trouver les fondements d’une telle union. Au niveau culturel et au niveau de l’imaginaire.

Une certaine presse française n’a pas hésité, et il n’y a rien d’étonnant à cela, à moquer cette dynamique à travers des articles qui affirment, entre autres, que la seule chose que ces pays ont en commun, c’est leurs indices de pauvreté.

Je propose à ces journalistes de les mettre en contact avec Bernard Lugan, pour un petit stage de rééducation culturelle et historique concernant l’Afrique. Mais ce mépris cache au fond autant une ignorance qu’une crainte. Celle de voir la France définitivement éjectée de cette immense région au potentiel colossal.

Oui, cette région souffre d’une grave pauvreté, en grande partie due aux différents potentats mis en place ou soutenus et protégés pendant des décennies par l’État français, qui n’a jamais hésité, dès lors que sa volonté était bafouée, à intervenir militairement comme en Côte d’Ivoire, entre 2002 et 2011.

Et ces pays ont en commun des choses qui vont au-delà de simples indicateurs économiques. Ils partagent un passé colonial commun, une histoire séculière, des cultures, des ethnies injustement séparées par le découpage colonial des frontières, mais surtout, ils partagent une même soif de souveraineté et d’émancipation. Et c’est dans ce vitalisme que résident leur force et les fondements d’une réussite future.

Une dynamique irréversible est en marche, portée par une nouvelle élite et soutenue massivement par les peuples, toutes générations confondues, et qui commence déjà à se matérialiser à travers des mesures très concrètes, comme une alliance militaire, la création annoncée d’un parlement commun aux trois pays, la constitution d’un espace économique et de sécurité, et la création d’une nouvelle monnaie, synonyme de la fin du franc CFA.

Ces mesures visent à mettre en place les institutions qui permettront à ces pays de mutualiser leurs moyens et leurs efforts pour relever les défis stratégiques communs.

Désormais, c’est avec un nouveau bloc régional que le continent doit composer, l’Algérie la première. Pour conclure, je citerais là encore un passage d’une de mes précédentes chroniques, publiée là encore il y a près de six mois, où j’annonçais que:

«… Désormais, c’est avec un bloc, commercial dans un premier temps et, pourquoi pas à l’avenir, sécuritaire, que l’Algérie devra composer. D’autant plus que l’alliance implicite entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger offre déjà à Bamako la profondeur stratégique nécessaire pour tenir tête à Alger et à la remettre à sa place, dans un contexte de tensions diplomatiques entre ces deux pays

Par Rachid Achachi
Le 11/07/2024 à 11h01