Les communiqués démentant des propos exprimés ou des décisions prises par les hautes autorités algériennes font florès ces derniers temps. Rien qu’en ce début du mois de novembre, on a eu droit à deux communiqués successifs de ce genre. Le premier a émané de la primature algérienne, le jeudi 7 novembre, pour démentir la suspension des échanges commerciaux entre l’Algérie et la France. La primature, suivie par tous les médias algériens publics et privés, a attaqué violemment Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie, à qui ils ont attribué la paternité de cette information.
Pourtant, Xavier Driencourt n’avait fait que relayer la décision communiquée le 4 novembre aux opérateurs économiques locaux par l’Association algérienne des banques et établissements financiers (ABEF), celle-là même qui avait pris la même décision contre l’Espagne durant l’été 2022, après que Madrid a reconnu la marocanité du Sahara.
Après le psychodrame lié à la suspension des échanges commerciaux entre l’Algérie et la France, et le rétropédalage tonitruant qui a suivi, ce fut au tour du ministère algérien des Affaires étrangères de démentir, le mercredi 13 novembre, les informations parues dans un quotidien local. Ce dernier a été accusé d’avoir créé de toutes pièces des propos attribués à Abdelmadjid Tebboune dans le discours lu en son nom par son ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, devant le sommet arabo-islamique, tenu le lundi 11 novembre à Riyad, en Arabie saoudite.
Lire aussi : Les lamentations de «l’énergumène diplomatique» algérien suite à la décision de la CJUE sur les accords Maroc-UE
«Dans un mélange indu du commentaire et de la déclaration officielle établie, un organe de la presse privée a, abusivement, attribué au président de la République des propos sans fondement. Ces propos auraient été, selon cet organe, tenus par le ministre des Affaires étrangères au nom du président de la République à l’occasion du dernier Sommet arabo-islamique de Riyad», lit-on dans le communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères.
Il est vrai qu’à l’écoute de ce qu’a dit Ahmed Attaf, des sanctions multiformes ont été exigées contre le seul Israël, sans référence à ses soutiens, alors que l’article incriminé, paru en Une du quotidien francophone, L’Expression, laisse entendre que le président algérien a aussi appelé à instaurer un nouvel embargo pétrolier contre l’Occident afin de le sanctionner pour son soutien à Israël. «Comme en font foi la version écrite (dont aucun fac-similé n’a été publié en guise de preuve, NDLR), autant qu’audiovisuelle, la déclaration algérienne au Sommet de Riyad n’appelle, en aucune manière et sous quelque forme que ce soit, à une réédition de l’embargo arabe de 1973», se défend le communiqué de la diplomatie algérienne.
Or, il semble que le prétendu «commentaire» sur l’embargo pétrolier de 1973 n’est pas une pure création de l’auteur dudit article. Tout laisse en effet croire que ce média -dont le nom n’a pas été mentionné dans le communiqué du ministère- aurait reçu une copie du discours d’Abdelmadjid Tebboune, venue tout droit de la présidence algérienne, qui aurait voulu ainsi faire d’une pierre deux coups. Surtout que le quotidien L’Expression est connu pour être l’un des porte-voix du régime et que son directeur, très proche de Tebboune, reçoit ses instructions de la présidence algérienne.
L’appel à des sanctions pétrolières et gazières contre l’Occident a un double objectif. D’une part, il s’agit d’affirmer que le président algérien, dans le discours lu en son nom par Ahmed Attaf, a lancé un appel à la réédition de l’embargo pétrolier de 1973 contre les pays occidentaux qui soutiennent Israël militairement, économiquement et diplomatiquement.
Sachant que, faute de légitimité populaire, Abdelmadjid Tebboune s’est érigé, par populisme, en héraut de la «cause palestinienne», que le quotidien L’Expression est entièrement aux ordres, et que son impression est rigoureusement contrôlée en amont, il est impossible qu’il se lance de lui-même dans le commentaire et l’interprétation des propos du président. S’il les a publiés de la sorte, c’est qu’il en a reçu le feu vert, et qu’ils étaient destinés à la consommation locale.
D’autre part, la peur que cet appel soit enregistré par l’administration du président américain élu, Donald Trump, et rappelé au régime hâbleur, a vraisemblablement poussé d’autres clans à réclamer dare-dare son démenti. Manifestement, la cacophonie et le désordre sont les maîtres-mots de la gouvernance en Algérie, et une telle confusion n’est qu’une marque patente supplémentaire de la déstructuration de l’État.