Mauvaise semaine pour Alger

Xavier Driencourt.

ChroniqueEt pour couronner le tout, à la veille du 1er novembre, fête nationale algérienne, le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé de soutenir le plan marocain sur le Sahara occidental. L’Algérie, pourtant membre du Conseil de sécurité n’a pas réussi à empêcher le vote de la résolution… Au total, le 1er novembre 2025 en Algérie a été le symbole d’une double défaite.

Le 11/11/2025 à 16h00

La semaine qui s’est achevée a vu une double défaite pour l’Algérie, jeudi 30 octobre le vote à l’assemblée nationale française recommandant l’abrogation de l’accord franco-algérien de 1968 et vendredi 31, le vote au Conseil de sécurité de l’ONU soutenant le plan marocain sur le Sahara Occidental.

On a suffisamment parlé en France du caractère explosif du vote le 30 octobre à l’Assemblée nationale française de la résolution du Rassemblement national concernant l’abrogation de l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Les lecteurs de Le360 connaissent maintenant bien ce texte original, établi dans la foulée des Accords d’Evian: en gros, l’accord franco-algérien, en contrepartie de l’abandon de la libre circulation prévue en mars 1962 par les négociateurs français et algériens accordait aux Algériens un régime dérogatoire par rapport aux autres étrangers. Ces dérogations et ces avantages constituaient «l’exception algérienne» qui, elle-même, illustrait la spécificité de l’histoire de la France en Algérie.

Que s’est-il passé jeudi 30 octobre à l’Assemblée nationale?

Le Rassemblement national avait une journée consacrée à ses propres propositions de lois et de résolutions. Parmi ses propositions figurait un projet de résolution demandant l’abrogation de l’Accord franco-algérien de 1968. Le RN ne s’attendait pas à faire passer son texte, car plusieurs groupes politiques appelaient à voter contre. Or, c’est exactement l’inverse qui s’est produit: le texte du RN a été adopté à une voix de majorité.

Quelles conséquences et quelles leçons?

Le texte voté n’est qu’une résolution et non une loi, ce qui veut dire que cette résolution invite en quelque sorte le gouvernement à dénoncer l’accord migratoire avec l’Algérie. De ce fait, le texte a surtout une portée symbolique et n’a pas de valeur contraignante. Le gouvernement peut ne rien faire et faire «le dos rond» en attendant que l’orage passe.

Mais cela devient difficile pour au moins deux raisons.

«Les relations avec l’Algérie étant au plus bas depuis l’été 2024, je dirais à première vue que ce vote, curieusement, ne changera pas grand-chose. Il ajoute une crise à la crise, il met un peu plus de sel sur la plaie, mais évidemment, le gouvernement ne manquera pas d’expliquer qu’il n’y est pour rien et que tout cela est la faute des députés, de l’extrême droite et des «nostalgiques de l’Algérie française!»»

—  Xavier Driencourt

Sur le plan interne, le «coup de tonnerre» du 30 octobre a valeur d’avertissement pour le gouvernement. Pour ma part, j’y vois trois choses:

- D’abord, une victoire symbolique pour Marine Le Pen et son groupe politique; on l’a assez dit, c’est la première fois que ce parti réussit à faire voter un texte et qu’il obtienne une majorité.

- Ensuite, le RN a réussi à faire «l’union des droites» sur un sujet explosif, l’Algérie et l’immigration. Le sujet algérien fait de plus en plus l’objet d’un consensus.

- Enfin, on ne peut que relever une certaine ambiguïté de la classe politique: les mêmes qui recommandaient l’abrogation de cet accord bilatéral, étaient, le jour du vote aux abonnés absents et leurs troupes se sont abstenues ou ont parfois voté contre… Décidément, l’Algérie et tout ce qui touche à ce pays est sensible…

Sur le plan des relations bilatérales avec Alger, quelles peuvent être les conséquences?

Les relations avec l’Algérie étant au plus bas depuis l’été 2024, je dirais à première vue que ce vote, curieusement, ne changera pas grand-chose. Il ajoute une crise à la crise, il met un peu plus de sel sur la plaie, mais évidemment, le gouvernement ne manquera pas d’expliquer qu’il n’y est pour rien et que tout cela est la faute des députés, de l’extrême droite et des «nostalgiques de l’Algérie française!»

En outre, l’attitude de l’Algérie est parfaitement contradictoire sur ce dossier: en décembre 2022, dans une interview au Figaro, le chef de l’État algérien indiquait que cet accord était absolument essentiel, car il se situait dans la lignée des Accords d’Evian et qu’en raison de cette force symbolique, l’Algérie avait droit à «132 années de visas»! 132 années, c’est-à-dire la durée équivalente à celle de la colonisation française en Algérie! Mais sans être à une contradiction près, le même président Tebboune, disait deux mois plus tard dans une longue interview au journal l’Opinion, que cet accord de 1968 n’avait plus aucun intérêt, que Paris l’avait dénaturé et que, tout compte fait, la France pouvait dénoncer cet accord. On ne saurait mieux dire…

En un mot, l’escalade dans la crise continue. L’Algérie tient toujours en otage, au terme d’un simulacre de procès, deux ressortissants français, Boualem Sansal et le journaliste Christophe Gleizes. Au nom de quoi, Paris devrait-il s’excuser, faire marche arrière, et accepter tout ce qu’Alger souhaite? Le fait est que la France, depuis un an, s’y est très mal prise et se trouve empêtrée dans ce dossier franco-algérien. Le fiasco diplomatique dans lequel s’est mis Paris sera à coup sûr, dans les annales diplomatiques, un exemple à ne pas suivre.

Et pour couronner le tout, à la veille du 1er novembre, fête nationale algérienne, le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé de soutenir le plan marocain sur le Sahara occidental. L’Algérie, pourtant membre du Conseil de sécurité n’a pas réussi à empêcher le vote d’une résolution adoptée par 11 voix pour et 3 abstentions, résolution qui valide le plan d’autonomie marocain sur le territoire comme référence centrale. La donne avait notablement changé depuis quelques années, avec l’adoption d’abord des accords d’Abraham, puis le ralliement aux thèses marocaines des principaux pays concernés, Espagne, France, Royaume-Uni, Allemagne. C’est donc pour le Maroc, une victoire incontestable, même si le travail n’est pas achevé et si les obstacles restent nombreux.

Au total, le 1er novembre 2025 en Algérie a été le symbole d’une double défaite.

Par Xavier Driencourt
Le 11/11/2025 à 16h00