Depuis quelques jours, la ville d’Oran est en émoi. L’enseigne américaine Starbucks Coffee y aurait ouvert ses portes. Sur les réseaux sociaux, les vidéos pullulent et attestent de l’ouverture du célèbre café. Tout y est: du logo à la sirène couronnée, dotée de deux queues de poisson, aux célèbres gobelets où les serveurs affairés inscrivent les prénoms des clients, en passant par les différents types de cafés et de thés du groupe basé à Seattle, jusqu’au design de la boutique qui emprunte tous les codes de la plus grande chaîne de cafés au monde.
Mais plusieurs ombres planent au-dessus de ce tableau presque parfait. Non seulement l’enseigne américaine n’a fait aucun communiqué pour annoncer cette nouvelle implantation sur le continent africain, de surcroît dans un nouveau pays, mais l’ouverture chaotique de ce Starbucks Coffee oranais éveille les soupçons.
Et pour cause, témoigne la Toile algérienne, dès son ouverture, ledit Starbucks a baissé son rideau trois heures avant l’heure de fermeture, durant deux jours consécutifs, visiblement débordé par le nombre de clients qui y afflue. «Il y a une heure de queue et beaucoup n’ont pas pu commander, car après quelques heures, tout a été vendu!», indiquent ainsi des commentaires sur les réseaux sociaux, accompagnés de vidéos qui témoignent de cette originalité. Autre point de discorde, les prix exorbitants appliqués par l’enseigne oranaise.
Alors, copie ou original? s’interrogent les Algériens, visiblement pas convaincus, habitués qu’ils sont à ce type de tour de passe-passe dans un pays où on ne s’embarrasse pas d’appliquer les règles internationales de la propriété intellectuelle. «La maison mère est-elle au courant?», ironise un internaute algérien, tandis qu’un autre suggère qu’ils «ont pris les recettes sur YouTube». Des doutes d’autant plus permis que sur le site officiel de Starbucks, il n’est fait mention d’aucune ouverture en Algérie.
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Pourtant, du côté des gérants de ce Starbucks oranais, on n’en démord pas! Ceux-ci «se vantent d’appartenir à la grande chaîne, tout en gardant secrète la date d’ouverture, pour éviter une avalanche de clients», rapporte un média local.
Mais la réponse à la question qui taraude l’Algérie a finalement trouvé réponse avec une déclaration officielle du groupe à la chaîne TV britannique BBC. Le responsable Europe, Moyen-Orient et Afrique au siège du groupe Starbucks à Londres a ainsi déclaré sans détour: «Starbucks n’a pas ouvert de succursale à Oran, en Algérie».
Une information également confirmée par Starbucks sur X (anciennement Twitter), en réponse à une question posée à ce sujet par un internaute, le 19 septembre. «Bonjour Starbucks, je voudrais savoir si vous avez ouvert un Starbucks dans la ville d’Oran en Algérie?», interroge ainsi l’internaute, qui se voit répondre par l’enseigne: «Bonjour, merci d’avoir pris contact avec nous! Starbucks n’a pas ouvert à cet emplacement».
Qu’à cela ne tienne! Il en faut beaucoup plus que cela pour déstabiliser un pays où la communication se fait dans un entre-soi qui ne laisse place à aucune autre version que celle que choisissent les autorités, et dont les médias se font l’écho. Ainsi, malgré le revers retentissant que représente le démenti de la chaîne américaine, des médias algériens continuent de l’affirmer mordicus: il s’agit bien du Starbucks original!
Un média local va même jusqu’à affirmer qu’«après enquête, il a été confirmé que le Starbucks d’Oran est bel et bien une franchise autorisée par la maison mère» et que «Starbucks a donné son aval à son implantation en Algérie». Et d’annoncer déjà «une autre ouverture de Starbucks prévue prochainement au centre commercial Garden City à Alger, renforçant ainsi la présence de la chaine de café en Algérie».
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Une telle entorse au respect des lois qui encadrent la propriété intellectuelle, associée à une pratique en toute impunité de la contrefaçon, n’est qu’un rappel de plus d’une autre pratique généralisée en Algérie, celle de l’appropriation culturelle à laquelle s’adonne le pays dès lors qu’il s’agit de tenter de s’accaparer des éléments du patrimoine culturel marocain. Du caftan traditionnel à la gastronomie du pays, en passant par son architecture et les éléments de son artisanat... Jusqu’aux artisans marocains que l’on fait passer pour des Algériens dans les médias locaux, ou au vol d’images prises au Maroc.