On aura rarement lu un aussi grand condensé de paranoïa et de fabulations dans si peu de mots. Réagissant au véritable coup de maître opéré par les services français –qui ont brillamment exfiltré, lundi 6 février 2023 depuis la Tunisie, la journaliste franco-algérienne Amira Bouraoui, objet d’une interdiction de quitter le territoire algérien–, APS a fait fort. Alors qu’il s’agit d’une affaire purement franco-algérienne, la très officielle agence d’information, tenue à un minimum de rigueur et de retenue, s’est lâchée… contre le Maroc.
Dans une courte, mais abracadabrante, dépêche d’à peine 189 mots publiée jeudi 9 février, l’APS aligne coup sur coup insultes à l’égard d’Amira Bouraoui, «qui n’est ni journaliste, ni militante, et qui n’est rien du tout», et accusations contre les «khabardji» (agents de renseignement pour les néophytes) français et, naturellement, contre le Maroc. Et pour cause: «Certains responsables au niveau de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure en France, NDLR), du quai d’Orsay et certains conseillers franco-algériens (qui) ne cachent pas leur amour et leur vénération pour le makhzen» sont derrière cette affaire, écrit l’APS. Ceci, alors que le Royaume n’est concerné ni de près ni de loin par une affaire ayant au moins le mérite de montrer au monde la grande fragilité d’un régime que même son vassal tunisien n’hésite pas à «trahir».
Toujours dans le style fort de café, l’APS compare une simple (bien qu’ingénieuse) exfiltration d’une ressortissante française au «débarquement de la baie des Cochons», soit la tentative d’invasion militaire de Cuba par des exilés cubains soutenus par les États-Unis en avril 1961. Et de sonner, partant, la fin de la parenthèse enchantée entre Paris et Alger. «Il est désolant que tout ce qui a été construit entre les Présidents Tebboune et Macron, pour ouvrir une nouvelle page entre les deux pays, tombe en ruine et la rupture ne semble pas loin», lit-on. C’était trop intense pour durer, serait-on tenté de commenter.
Les faits confortent le chagrin algérien et la junte opère, comme elle seule sait le faire, une radicale marche-arrière sur tous les récents efforts de rapprochement entre les deux pays. On retiendra, comme on peut le lire dans un article d’Africa Intelligence, que le patron des services de renseignement algériens M’henna Djebbar, a annulé une rencontre avec son homologue français Bernard Emié, patron de la DGSE. Celle-ci devait avoir lieu hier jeudi à Paris. Le même jour, l’ambassadeur d’Algérie en France, Saïd Moussi, s’est envolé pour Alger puisque rappelé la veille «pour consultations». Également incertaine, la visite d’Etat que devait effectuer le président Abdelmadjid Tebboune en mai prochain en France, comme convenu avec son «ami» le président français Emmanuel Macron.
«Alger souhaite désormais suspendre sa coopération militaire et économique avec la France, nous apprend Africa Intelligence. Pour commencer, il faudra faire sans le Comité mixte algéro-français de coopération économique (COMEFA) programmé le 16 février, repoussé au mois de mars et désormais écarté de l’agenda des deux pays. Idem pour la visite en France du président du patronat algérien (Crea) qui devait finaliser ce premier trimestre 2023 un accord avec le Medef. Des projets économiques et militaires majeurs, comme l’attribution au français TotalEnergies de nouveaux champs pétroliers et gaziers, sont compromis. Idem pour les négociations concernant l’exploitation de minerai stratégique par des groupes français. Autant dire que le château de cartes de l’idylle nouvelle entre Paris et Alger n’a pas tenu longtemps. Ainsi va l’Algérie qui est dirigée par des chibanis séniles et paranoïaques.