Il fut un temps où le jeu était légèrement plus subtil et, surtout, intelligent et intelligible. Vu d’ici, on en viendrait presque à le regretter. Disposant encore de quelques relais et autres alliances, le régime d’Alger nous a par le passé habitué à des coups réfléchis, en activant des «militants» victimaires du Polisario, en servant des passes sympathiques à l’Afrique du Sud ou en confiant des aspects techniques à des lobbies et autres ONG grassement payés et rigoureusement briefés. Le tout pour se garder le beau rôle: se réclamer soutien de la libération des peuples et «Mecque des révolutionnaires» et, surtout, se dire «non concerné» par le différend autour du Sahara occidental. C’était certes hypertrophié à souhait, un brin caricatural et franchement ridicule par moments, mais, au moins, le régime algérien y mettait un semblant de forme, tout en s’abstenant de jouer à découvert.
Mais ce temps-là semble définitivement révolu. C’est désormais directement et brutalement -le mot étant faible- que la machine «diplomatique» algérienne s’agite, hurle, ceinture et s’affole. Et de quelle manière! Fraude qualifiée, violences verbales et physiques en tout genre, castings douteux de représentants incompétents… et la liste est longue. Le tout sur fond d’une mécanique en roue libre, où le triste spectacle prend le dessus sur l’objectif ou la finalité.
Il en va ainsi du récent virage pris par la diplomatie algérienne s’agissant de son positionnement sur le dossier du Sahara. Au point que le principal intéressé, du moins théoriquement, est totalement invisibilisé. Le Polisario, mort et enterré à l’international, c’est Alger qui prend, voire force la main. En véritable adolescent politique, c’est à coups de cris stridents, de fâcheries avec des pays souverains, de sanctions à l’encontre d’États qui ne lui ont rien fait, d’insultes envers le Maroc (mais pas que) et de pirouettes de catcheurs amateurs que l’Algérie fait parler d’elle sur la scène internationale.
La masseuse de hammam
Les exemples sont aussi nombreux que symptomatiques d’un régime en perte de repères. Pas plus tard que le mardi 8 à New York, lors du débat général de la quatrième Commission de l’ONU en charge des questions politiques spéciales et de la décolonisation, l’Algérie a brillé. Pendant que la représentante du Maroc, la ministre plénipotentiaire à la Mission permanente du Maroc à l’ONU, Majda Moutchou, prenait solennellement la parole, elle s’est vue interrompre sans raison par une pétitionnaire algérienne.
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Censée s’exprimer au nom de l’Union nationale des femmes algériennes qu’elle préside, Nouria Hafsi s’est mue en cheffe de la diplomatie de son pays, chantant la gloire du régime, bifurquant avec force synonymes sur «le droit légitime du peuple sahraoui» et s’attaquant vertement au Maroc et à ses institutions. Retenez le doux qualificatif de «monarchie coloniale». Le tout dans un français à faire se retourner Molière plusieurs fois dans sa tombe. Il y a aussi l’attitude digne non pas d’une militante des droits des femmes -dont elle a omis de parler au demeurant-, mais d’un crieur public ou, mieux encore, d’une masseuse de hammam traditionnel.
C’en fut assez pour que la cheffe de la délégation marocaine interpelle la présidente de la séance. En voulant rétablir l’ordre dans la salle, cette dernière, et toute présidente qu’elle soit, n’a pas échappé à la colère de la pétitionnaire algérienne, qui a fini par être sanctionnée et jetée hors des lieux.
La pleureuse professionnelle
À ajouter à la longue liste des trophées diplomatiques algériens, la sortie épique du ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf. La joie hystérique du régime d’Alger de voir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) enterrer les accords de pêche et agricole Maroc-UE aura été de courte durée. À peine a-t-il senti le piège se refermer sur lui que le régime voisin s’est mis dans tous ses états. Dans un discours prononcé mardi, le chef de la diplomatie algérienne s’est ainsi attaqué aux pays de l’UE, auxquels il reproche de s’en tenir fermement à leur partenariat stratégique avec le Maroc, au détriment de la première cause nationale en Algérie: le Sahara atlantique.
«L’énergumène diplomatique», sobriquet dont l’a affublé le ministre d’État et vice-Premier ministre malien Abdoulaye Maïga, a, au bord des larmes, moult fois répété le principe des obligations en matière de contrats civils (entre personnes privées) selon lequel «les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites».
Épelant, ou presque, chaque mot lors de cette sortie, comme pour en signifier la grande importance, le diplomate en chef a oublié qu’il confondait contrats civils et conventions internationales. Tout ceci pour dire que l’UE a violé le droit international, pour s’en tenir à son seul «commerce» avec le Maroc.
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Le spectacle n’était pas près de s’achever. Le chef de la diplomatie algérienne a affirmé que, sur instructions du président Abdelmadjid Tebboune, la diplomatie algérienne mettra à profit sa qualité de membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU pour demander des réunions d’urgence de cette instance, afin de débattre de la situation en Palestine et (surtout) du Sahara. Chaud devant!
La sortie face caméra d’Ahmed Attaf a eu néanmoins le mérite de montrer ô combien la question du Sahara est primordiale pour un régime qui ne cesse de se dérober à ses responsabilités dans le conflit puisque, jusqu’ici, il ne s’estimait pas concerné. Bien qu’il abrite, finance, arme et mobilise toute sa diplomatie pour le Polisario. Maintenant, la bête est lâchée.
Le catcheur (guère) diplomate
À ce propos, on rappellera le cirque livré les 23 et 24 août dernier par le régime algérien à Tokyo, lors des travaux préparatoires de la 9ème Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD9). Au menu, la fraude avérée d’une délégation algérienne venue flanquée de certains protégés du Polisario, pour lesquels elle avait au préalable assuré passeports, visas, chambres d’hôtel et accréditations en tant que membres de la représentation… algérienne. Deux jours de suite, le manège frauduleux des Algériens était de dénicher une place libre autour de la table, de s’y installer et de placer la pancarte bricolée par leurs propres soins, portant l’inscription «Sahrawi Republic».
Le pitoyable show n’a servi qu’à démontrer publiquement l’idiotie de la méthode et l’engagement proprement physique de l’Algérie dans le conflit autour du Sahara. Une responsabilité aussi directe que l’agression d’un diplomate marocain, qui a légitimement tenté de retirer la pancarte de la RASD, par un catcheur algérien. En fait, il s’agissait d’Abdennour Khelifi, qui occupe, tenez-vous bien, le poste de «directeur Afrique» au sein du ministère algérien des Affaires étrangères. C’est ce même haut (et fort) responsable algérien qui a violemment ceinturé de dos le jeune diplomate marocain avant de le plaquer au sol.
Le Japon, pays organisateur de la réunion, a dû, là encore, intervenir pour remettre de l’ordre… et rappeler qu’il ne reconnaissait absolument pas la RASD, et qu’aucune organisation qui y est affilée ne faisait partie des invités. Mais ce n’était visiblement que le début d’une longue série de manifestations d’une violence inouïe, désormais la seule caractéristique d’un régime qui s’agite de toutes ses forces. Avant de couler. Dans les eaux sahariennes marocaines, inch Allah.