Alors que le deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron (2022-2027) est à peine entamé, la France est déjà plongée dans une crise profonde, à cause d’une réforme, portant sur le report de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, considérée comme «injuste et brutale, notamment pour les femmes et ceux qui exercent des métiers pénibles».
Macron, qui n’a qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale, a voulu faire l’économie du vote parlementaire. Il s’en est suivi une motion de censure votée par 288 députés. Il a fallu seulement neuf voix de plus pour que le gouvernement soit renversé.
Un président impopulaire rétif au «dialogue social»
Le baromètre mensuel de l’Ifop, publié le dimanche 19 mars 2023, a montré que la popularité de Macron s’est écroulée. Pas moins de 70 % des personnes interrogées se disent mécontentes de sa gouvernance. La mobilisation se renforce et la France se dirige vers le blocage.
La rupture entre l’Élysée et la société française est telle que les quatre ans qui restent du quinquennat seront définitivement marqués par cette réforme. Elle a de nouveau illustré les pratiques d’un président isolé, rétif au «dialogue social» et en décalage avec les attentes réelles des Français.
Dominique de Villepin dresse un constat sévère: «Il y a aujourd’hui un pari d’Emmanuel Macron qui pense que, quel que soit le coût de cette réforme, elle lui permettra de continuer à réformer pendant 4 ans (…) La colère du pays sera telle que, non seulement cette réforme sera mise à mal, mais en plus le pays sera bloqué pendant les 4 prochaines années (...) L’expérience me conduit à penser que comme Jacques Chirac jadis, il fallait prendre en compte la réalité de la société française qu’il ne fallait pas brutaliser».
L’accusation de «brutaliser» la société française peut aussi être appliquée à d’autres domaines de gouvernance de Macron. Les observateurs s’interrogent sur les leviers et ressorts du jeune président qui ont mené aujourd’hui la France à l’impasse, y compris en politique étrangère.
Le jeune candidat séduisant, porteur d’un projet moderniste et prometteur en 2017, est devenu aujourd’hui un manœuvrier politique amer et acariâtre.
Les médias français qui ont pu garder une certaine distance d’Emmanuel Macron ont examiné minutieusement son bilan: désindustrialisation de la France, bilan économique surévalué, près de 5,65 millions de personnes en recherche d’emploi, près de 9,2 millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté monétaire en 2019, inaction climatique et passivité face au lobbying des industriels, violences policières disproportionnées désormais coutumières et qui ont connu leur summum lors du mouvement des gilets jaunes (2018-2019)…
En politique étrangère, position confuse en Ukraine et échec face à Poutine. Dans la crise ukrainienne, Macron a été dernier de la classe en Europe, pensant avec son narcissisme naïf qu’il était capable de peser sur le cours des choses.
La guerre en Ukraine montre d’ailleurs combien le président français établit des diagnostics et des pronostics hors cadre. Ses propos immatures en 2019 sur la «mort cérébrale» de l’OTAN prêtent à rire aujourd’hui. Ils dévitalisent la parole de la France de tout poids et encouragent même certains pays à ne pas respecter des contrats dûment signés. L’Australie ne s’est pas gênée pour annuler un stratosphérique contrat d’achat de sous-marins français, au profit de submersibles américains. Aurait-elle agi avec autant de désinvolture si un autre président français était aux commandes?
En Afrique, la politique de Macron est un désastre. À Bamako, à Ouagadougou et même à Rabat (pourtant allié traditionnel de la France), Macron a abîmé les acquis.
Un tropisme algérien stérile
Pour en rester à ce qui nous intéresse de près, la politique macronienne au Maghreb a été marquée par une «fausse lecture» qui l’a orienté vers un chemin tortueux où aucun de ses prédécesseurs ne s’est jamais fourvoyé.
Notamment, cette relation aventuriste et aventureuse avec le régime algérien. Et quand bien même cette relation aurait été mûrement réfléchie et calculée par l’Élysée, elle repose sur des hypothèses fausses.
Emmanuel Macron est le seul président français, après Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande à ne pas vouloir comprendre la nature réelle de la junte algérienne.
Ses prédécesseurs, après avoir «testé» tous les paravents civils du pouvoir militaire en embuscade, ont décidé de prendre leur distance. Ils ont définitivement admis que le système politico-militaire algérien ne survit que grâce au double langage, à la manipulation, au mensonge, à la désinformation, aux slogans vides et surtout à la rente mémorielle qui est consubstantielle à son existence.
Or, après un bref moment de lucidité ou d’égarement (c’est selon), le jeune président français a changé d’avis. Il est devenu laudateur du pouvoir algérien qui n’investit que sur les haines pour exister: celle de la France, du Maroc, des religions, des races et des juifs.
Lors de sa visite en Algérie en août 2022, Macron a pensé «amadouer et domestiquer» les généraux, mais il s’est planté. Les chibanis en uniforme n’ont rien à fiche de son lyrisme surréaliste et décalé.
Macron est devenu encore plus illisible lorsqu’il a reçu à l’Élysée, le 23 janvier, le pyromane fou du Maghreb, le général Saïd Chengriha, chef de l’armée algérienne contre qui pèsent de graves accusations de violations de droits humains.
L’accueil intrigant réservé à ce sinistre individu, avec qui il n’y a rien à discuter ou négocier, et qui cherche opiniâtrement à déclencher une guerre entre le Maroc et l’Algérie, reste une énigme ou, dans le meilleur des cas, une erreur. Le timing de cet accueil, alors que le régime algérien multiplie les actes d’hostilité contre le Maroc, est un acte éminemment inamical contre le Royaume.
Il est troublant que Macron persiste dans son tropisme algérien improductif et stérile malgré les camouflets réguliers que lui font subir les généraux. L’hypothèse qu’il y aurait une hostilité commune et partagée entre Macron et Alger contre le Maroc serait une grave dérive du pouvoir actuel français.
Une relation déroutante avec le Maroc
Contrairement à ses prédécesseurs, Macron méconnaît ou feint de méconnaître les singularités et particularités du Maroc, une vieille Nation qu’il a tenu à aligner sur un pays, créé par la France et semi-indépendant depuis 1962, toujours en rodage, et dont l’exclusif projet monomaniaque est de nuire à son voisin.
Macron n’est ni fin analyste, ni imprégné de profondeur historique pour attendre de lui d’être un «grand ami» du Maroc comme le fut jacques Chirac. Ou tout simplement un «ami» comme Giscard d’ Estaing ou Sarkozy… ou tout du moins entretenir une «relation de respect mutuel» comme l’a fait François Hollande.
Le Maroc serait devenu aux yeux de Macron un «antagoniste» parce qu’il cherche à défendre son unité territoriale, consolider son émergence et diversifier souverainement l’éventail de ses amitiés et ses alliances.
Macron n’aurait pas apprécié la demande légitime et fondée de Rabat que la France clarifie sa position sur l’unité territoriale du Maroc, qui a été outrageusement amputée par la France coloniale. Le Maroc veut clore définitivement ce dossier préfabriqué pour se concentrer sur son développement et sa prospérité.
Le Maroc serait-il devenu une menace pour ce statu quo délétère au Maghreb que la France juge conforme à ses intérêts stratégiques? Si les généraux sont défaillants, sur tous les plans, en quoi cette volonté absurde de brider et freiner le dynamisme marocain, serait-elle une solution à l’incurie politique, sociale et économique de l’Algérie?
Dans une incompréhension totale des véritables enjeux géopolitiques, Macron a décidé de surfer sur les allégations, les rumeurs, la désinformation, le chantage, le bras de fer et les oukases pour les substituer au respect mutuel qui marquait les relations entre nos deux pays.
Emmanuel Macron restera aussi dans la mémoire des Marocains comme le premier président français qui a mobilisé, par le biais des eurodéputés de son groupe «Renew», le Parlement européen contre le Maroc, sous prétexte d’accusations non fondées.
D’ailleurs cette démarche, déshonorante pour la septième puissance mondiale, relève d’un mimétisme mesquin des pratiques de la junte algérienne qui instrumentalise toutes les institutions européennes dans l’espoir, vain, de faire plier le Maroc.