«Notre pays deviendra bientôt un puissant producteur de phosphate et se hissera au premier rang en Afrique, voire dans le monde où il est assuré d’occuper au moins la 2ème ou 3ème place.» C’est en ces termes pompeux que le président algérien Abdelmadjid Tebboune s’est exprimé devant des dizaines d’entrepreneurs algériens, pour les inciter à commencer dès à présent à diversifier les investissements avant l’épuisement des réserves d’énergies fossiles, la seule mamelle dont se nourrit actuellement, et très inégalement, l’Algérie.
Voulant leur prouver que l’État a déjà pris les devants à travers de prétendus fructueux projets miniers, Tebboune a fait des déclarations un peu trop «conversation de café», puisque sa propension feinte à vouloir évincer le Maroc de son leadership africain et mondial en matière de production et de commercialisation de phosphate et de ses dérivés est tout simplement hilarante.
Comment l’Algérie, qui ne dispose que de 2 milliards de tonnes de réserves en roches phosphatées dont la teneur en minerai ne dépasse pas les 10%, c’est-à-dire sans valeur, peut-elle concurrencer le Maroc, qui dispose de 50 milliards de tonnes de réserves en phosphate de très bonne qualité, dont la teneur en minerai tourne autour de 30%?
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Ce n’est pas par hasard que Tebboune a affirmé que l’Algérie sera le premier producteur de phosphate en Afrique et le 2ème ou 3ème mondial, car ces rangs, continental et mondial, ne sont autres que ceux qu’occupe actuellement le Maroc, 2ème producteur mondial et leader historique bien implanté sur les marchés mondiaux, où il détient un peu moins de 40% des parts du marché, en matière d’exportation du phosphate et de ses dérivés.
Certes, Tebboune s’exprimait devant les entrepreneurs locaux d’une Algérie au futur incertain, mais il a oublié de rappeler qu’en 2018, Ahmed Ouyahia, alors Premier ministre, poste où il a remplacé son éphémère prédécesseur, un certain Abdelmadjid Tebboune, avait signé un accord 51-49% avec deux entreprises chinoises en vue de l’exploitation de la mine Bled El Hadba à Tébessa, près de la frontière tuniso-algérienne, et qui recèle des réserves de 500 millions de tonnes de phosphate.
L’ambition du précédent exécutif algérien était de passer de la production de quelques centaines de milliers de tonnes de phosphate à 10 millions de tonnes en 2022. Or, l’année dernière, la production algérienne de phosphate a à peine frôlé un million de tonnes, soit dix fois moins que prévu, et 40 fois moins que la production marocaine.
Le président algérien n’en est pas à sa première sortie ubuesque. Il avait affirmé dans un entretien, diffusé à la télévision publique algérienne, que Georges Washington a offert une paire de pistolets à l’émir Abdelkader alors que le premier président américain est mort avant la naissance du prétendu destinataire de son cadeau. Il a aussi affirmé, le 19 septembre dernier, devant l’Assemblée générale de l’ONU à New York, que l’Algérie allait dessaler 1,3 milliard de m3 d’eau par jour d’ici fin 2024. Une performance impossible à réaliser à moins de siphonner toute l’eau de la Méditerranée.
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Les perles de Tebboune ont fait le tour du monde. À Moscou, devant un Vladimir Poutine amusé, il a remis sur la table l’émir Abdelkader en affirmant que «le tsar Nicolas II a offert à l’émir Abdelkader un Ordre national». Nicolas II n’a été couronné tsar qu’en 1896, soit treize ans après la mort de l’émir Abdelkader.
Comme Tebboune cherche particulièrement à impressionner les grands de ce monde, c’est en leur présence qu’il lâche les meilleures tebbouneries. Participe de cet esprit flamboyant sa fameuse lancée lyrique, immortalisée par un micro indiscret, quand il a affirmé devant le chef du Département d’État américain Antony Blinken, ébahi, que l’Algérie allait produire 30 millions de tonnes de blé et nourrir aussi bien l’Égypte, la Tunisie que le Maroc.
La Mauritanie a également été dans le viseur de Tebboune, car elle sera aussi concurrencée par sa promesse de lancer très prochainement l’exploitation des gisements de fer de Gara Djebilet, près de Tindouf. Mais la Mauritanie n’a pas à paniquer non plus, car toutes les études, anciennes et récentes, ont prouvé que sans un acheminement via le Maghreb atlantique, en passant soit par le Maroc sur une distance de seulement 350 km, soit à travers le désert mauritanien pour se connecter au train minéralier local existant depuis 1966, le fer algérien n’est d’aucune rentabilité.
En tout état de cause, avec autant de tebbouneries, le président algérien n’a pas de soucis à se faire après sa retraite. Les impresarios vont se bousculer pour lui proposer des prestations à la hauteur de son talent de comique.