La Marche verte: l’épopée

Mustapha Sehimi.

Mustapha Sehimi.

ChroniqueLa Marche verte? Un acte de foi d’un Roi et d’un peuple. Les marcheurs ont cru en leur mission, assurés du succès. Le peuple s’est levé comme un seul homme.

Le 07/11/2024 à 16h01

C’était le 6 novembre 1975 -il y a quarante-neuf ans, près d’un demi-siècle! Ce jour-là, 350.000 volontaires, dont 10% de femmes, rejoignent Tarfaya, en provenance de toutes les régions du Royaume, pour une marche historique. Une marche, mais pourquoi «Verte»? Le regretté Souverain, Sa Majesté Hassan II, s’en est expliqué en ces termes: «Je rends grâce à Dieu qui m’a comblé de Ses bienfaits, Me montrant le droit chemin: c’est cette empreinte religieuse qui m’a amené à élire le vert, insigne de tous les symboles et les vertus véhiculé par l’étendard de l’Islam, comme couleur de la marche».

L’enthousiasme populaire a été exceptionnel -un élan immense de ferveur nationaliste. Une nouvelle illustration de la profonde symbiose entre le Roi et le peuple: une identification, une fidélité religieuse aussi, une réaffirmation de l’intégrité territoriale, une initiative dans le droit fil de l’Histoire du Maroc, celle de l’Empire chérifien…

La Marche verte a été ainsi un acte de foi d’un Roi et d’un peuple, de fidélité à un message de paix traduisant l’attachement aux règles du droit international, en ce sens qu’elle a été une démarche de recherche d’une solution pacifique. Elle a été conçue par le Roi dans une solitude et une méditation intérieure qui a duré des mois. Elle a pris corps avec l’avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ) en date du 16 octobre 1975. En reconnaissant «les liens d’allégeance» entre les tribus sahraouies et le Trône, cette haute juridiction internationale a reconnu le bien-fondé et la légitimité des revendications marocaines, et ce, sur la base de titres historiques et juridiques.

Le secret de la préparation de la Marche verte a été total. Son organisation matérielle est un cas d’école de bonne gouvernance sur tous les plans: logistique, transport, ravitaillement, encadrement, soins sanitaires, animation et sensibilisation, sans oublier la vie dans les camps. À cet égard, l’on a parlé d’une forme d’autogestion des groupes de marcheurs -par villes, par tribus en harmonie avec le mode de vie naturel et coutumier des citoyens venus de différentes régions du pays. Dans les bivouacs de Tarfaya, qui était le lieu de rassemblement, chacun des marcheurs mesurait que ses pas faisaient l’histoire, qu’il était pratiquement investi d’une mission qui le dépassait: une aventure religieuse, spirituelle et politique.

«Cette marche a bouleversé les données de la grammaire nationale et internationale. Elle a innové et ouvert une nouvelle voie pour résoudre des conflits internationaux, en ce qu’elle a été un procédé pacifique et légitime de décolonisation.»

Hassan II a osé. Il a pris une décision de génie malgré le grand risque qu’elle présentait face à la puissance occupante. Cette marche a bouleversé les données de la grammaire nationale et internationale. Elle a innové et ouvert une nouvelle voie pour résoudre des conflits internationaux en ce qu’elle a été un procédé pacifique et légitime de décolonisation. Deux crédos étaient alors réunis: mobilisation et paix. L’opinion internationale était déconcertée, stupéfaite, affichant un état d’esprit marqué ensuite d’admiration et de sympathie. La liberté de l’Homme a été réhabilitée, des valeurs morales et spirituelles aussi -l’Homme prenait en main son libre choix et un peuple son destin collectif.

Au passage, ce précédent mettait à nu tant de régimes autoritaires et totalitaires. L’immense foule des volontaires, psalmodiant le Coran et répétant inlassablement «Allaho Akbar», agitant des milliers de drapeaux et brandissant chacun le Livre Saint, s’étirant sur plusieurs kilomètres. Une mer humaine en mouvement, avec des vagues succédant aux vagues: un spectacle unique digne d’un grand péplum hollywoodien… Personne ne savait ce qui pouvait se passer quand les premiers volontaires allaient franchir la frontière factice avec sa ligne de démarcation et ses barbelés. Ce peuple des marcheurs était animé par sa foi.

Le poète tunisien, Abou el Kacem Chebbi, l’avait dit: «Quand un peuple veut vivre, le destin s’incline. Les ténèbres se déchirent et les chaînes se brisent». Les marcheurs ont cru en leur mission. Ils étaient assurés du succès, confiants dans leur foi. Ils avaient confiance en l’autorité du Souverain. Il a demandé à 350.000 volontaires de marcher, ils ont répondu -et c’est le peuple entier qui s’est levé: comme un seul homme, ils se sont mis en marche. Il leur a demandé de s’arrêter, ils l’ont fait, puis de revenir, leur mission accomplie, avec discipline.

Expression de la foi en Dieu, la Marche verte est aussi autre chose: la sublimation des qualités du peuple marocain, l’exigence de liberté, une nation pacifique, attachée à ses droits. Un apport à la communauté internationale et aux valeurs universelles.

Par Mustapha Sehimi
Le 07/11/2024 à 16h01