Six ans après sa dernière visite de travail au Maroc, où, aux côtés du roi Mohammed VI, il a été procédé à l’inauguration de la Ligne à grande vitesse (LGV) reliant Tanger à Casablanca, le président français Emmanuel Macron effectue, cette fois-ci, une visite d’État de trois jours (du 28 au 30 octobre) au Maroc. Entre ces deux visites, beaucoup de choses ont changé, avant d’être auréolées, le 30 juillet dernier, par un message du président Macron où il annonce au Souverain la décision de la France de reconnaitre le Plan d’autonomie pour le Sahara sous souveraineté marocaine, comme étant la seule solution crédible pour résoudre ce conflit factice. Le dossier de l’intégrité territoriale du Maroc étant le critère à l’aune duquel le Royaume établit dorénavant ses partenariats, la France a fini par faire tomber ce mur de blocages.
C’est en ce sens que le média français L’Opinion écrit dans un article mis en ligne ce lundi que cette visite d’État du couple Macron et des 120 personnalités qui les accompagnent intervient dans «l’optique de refonder une relation bilatérale qui a connu des hauts et des bas ces dernières années», et que les deux pays s’apprêtent à «tirer les fruits» de «l’inflexion française sur le dossier du Sahara».
Sous le titre «Macron au Maroc, le pari du donnant-donnant avec Mohammed VI», le média ajoute que les deux chefs d’État «vont tenter de rénover une relation autrefois exemplaire, mais devenue démodée avec le temps», alors qu’aujourd’hui «chaque partenaire pense d’abord à ses intérêts».
L’Opinion revient sur les longs mois de brouille entre Rabat et Paris, égrenant ses multiples raisons qui y ont conduit, dont la principale reste la longue hésitation de l’Élysée à reconnaitre la réalité de la souveraineté du Maroc sur ses provinces sahariennes, préférant, même si ce fut bref, pencher vers Alger qui est à l’origine de la création et de la persistance de ce différend factice. C’est, finalement, Christophe Lecourtier, nommé ambassadeur de France à Rabat en décembre 2022, qui «a rapidement identifié le nœud gordien –le besoin de clarifier la position française sur le Sahara occidental– et a mené un intense lobbying», écrit le journal, ajoutant que la rencontre, en février dernier, entre les princesses Lalla Meryem, Lalla Asmae et Lalla Hasna, reçues à l’Élysée par Brigitte Macron, a aussi fortement contribué à dissiper les malentendus entre Paris et Rabat.
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Macron a alors choisi le bon moment, celui de la fête du Trône, en juillet dernier, pour adresser un message à Mohammed VI dans lequel il reconnait la souveraineté du Maroc sur son Sahara, un «soutien franc» dont l’a remercié, publiquement, le Souverain dans son discours d’ouverture de la session d’automne du Parlement marocain, le 11 octobre courant.
Cette visite est décrite par L’Express comme une providence pour la France. Dans un article intitulé «Macron au Maroc: pourquoi la France n’a pas droit à l’erreur», le site de l’hebdomadaire écrit que «dans une Afrique qui rejette de plus en plus la présence française, le réchauffement des relations avec le royaume chérifien offre une porte d’entrée providentielle pour Paris».
En effet, poursuit-il, «Paris n’a jamais autant eu besoin de Rabat: le royaume chérifien peut être la clé vers le reste du continent, et notamment le Sahel, l’Afrique de l’Ouest, la Libye, où les pouvoirs en place sont de plus en plus ouvertement hostiles à Paris… De plus, sa position géographique le pose de fait en gardien de l’Europe et en première ligne contre le trafic opéré par les passeurs». Sur ce dernier point, le média s’est surtout concentré sur la question épineuse de l’immigration illégale, estimant que le sujet est «hautement inflammable et il ne faudrait pas qu’une déclaration malheureuse vienne gâcher la fête. Dans les discussions, chaque terme comptera. Comme celui d’immigration ‘‘choisie’', qui laisse entendre que la relation n’est pas d’égal à égal et que la France pourrait faire son marché parmi les diplômés, sans vraie contrepartie pour le Maroc.»
Mais cette question de l’immigration ne pèsera pas lourd face aux énormes enjeux économiques qui restent le menu le plus important de la visite de Macron et sa suite de 120 hautes personnalités françaises du monde de la politique, de la culture et surtout de l’économie.
C’est à ce volet de l’économie que Le Monde a consacré un article intitulé «Au Maroc, les ambitions économiques des entreprises françaises». Ainsi, «outre neuf ministres, dont ceux de l’économie, des affaires étrangères, de l’intérieur, des armées et de l’enseignement supérieur, une quarantaine de dirigeants d’entreprises» accompagnent Macron. «Parmi eux, Patrick Pouyanné, de TotalEnergies, Rodolphe Saadé, de CMA CGM, Catherine MacGregor, d’Engie, Ross McInnes, de Safran, Henri Poupart-Lafarge, d’Alstom, et Sabrina Soussan, de Suez», écrit Le Monde.
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La présence de ce gratin des entreprises françaises va permettre de «renforcer les complémentarités à travers des projets communs», a indiqué l’Élysée, selon le quotidien français, avant de préciser qu’«un certain nombre d’accords et de partenariats devraient être signés en ce sens lors de deux séquences: dès lundi soir, immédiatement après le tête-à-tête qui réunira les deux chefs d’État, et le lendemain, à l’issue de rencontres entrepreneuriales».
C’est donc «L’heure de la réconciliation», titre de son côté Le Figaro dans un décryptage consacré à la visite, qui intervient en vue de «réchauffer, espère-t-on, les relations entre les deux pays et faire avancer des dossiers au point mort, tout en remportant de juteux contrats» en matière d’énergie, d’aéronautique, d’environnement, de la finance, de la sous-traitance… et de colocalisation industrielle.
De son côté, le magazine Le Point, sous le titre «France-Maroc: la réconciliation à tout prix» explique qu’avec cette visite de Macron à Rabat, les deux pays «veulent démontrer que la brouille, qui a duré trois ans, est finie». Donnant la parole à l’écrivain Tahar Ben Jelloun, ce dernier estime que cette visite «symbolise la réconciliation tant attendue, aussi bien par les Marocains que par les Français, parce qu’on n’avait pas l’habitude de nous fâcher», avant de conclure qu’en reconnaissant la marocanité du Sahara, «le président Macron a fait preuve de courage en prenant une décision qui déplaît fortement aux autorités algériennes».