Le Maroc accueille, ce mercredi 20 décembre à Marrakech, la 6ème édition du Forum de coopération Russie-Monde arabe. L’événement, qui se tient au niveau des ministres des Affaires étrangères, était des plus attendus. Si sa dernière session s’était tenue à Moscou en avril 2019 –l’occasion de désigner le Maroc pour accueillir la 6ème édition–, ce forum a été reporté à plusieurs reprises au cours des années précédentes, notamment en raison des risques épidémiologiques liés à la Covid-19. Les travaux de Marrakech portent principalement sur la coopération entre la Russie et le monde arabe et l’importance politique, économique et commerciale de ce forum n’est plus à démontrer. Ceci, d’autant plus que les pays arabes ont marqué une grande neutralité dans le conflit armé opposant la Russie à l’Ukraine, soutenue par l’Occident.
Cette année, l’événement, auquel prend part le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, est marqué par la défection de l’Algérie, pourtant principal allié de la Russie dans le monde arabe et son client numéro 1, notamment en matière d’armement. Le ministre des Affaires étrangères algérien, Ahmed Attaf, a très certainement reçu ordre de la junte algérienne de ne pas faire le déplacement à Marrakech.
Lors des travaux de la 6ème édition du Forum de coopération Russie-Monde arabe, mercredi 20 décembre 2023 à Marrakech.
L’organisation au Maroc du Forum de coopération Russie-Monde arabe semble irriter chez le voisin de l’Est, qui se considère comme le principal partenaire de la Russie de la région, lui consacrant notamment le plus gros de son budget dédié à l’armement (22 milliards de dollars en 2023 et presque autant comme montant prévisionnel en 2024). Ceci, alors que malgré les points de discorde avec le parrain du front séparatiste du Polisario, que celui-ci abrite, finance, arme et soutient diplomatiquement, le Maroc a bel et bien signé présent au Séminaire de haut niveau sur la paix et la sécurité de l’Union africaine, organisé dimanche et lundi derniers à Oran, dans l’Ouest algérien.
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Tout comme le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita avait été présent aux travaux du Sommet des États de la Ligue arabe d’Alger, en novembre 2022. Un sommet où le chef de la diplomatie marocaine avait eu droit à un accueil et un séjour des plus pénibles (écoutes, harcèlement à l’hôtel, une carte du Maroc tronquée, un affligeant manque de protocole…) en totale violation des traditions diplomatiques en vigueur. Cela ne l’a pas empêché de remplir ses obligations. Un sens des responsabilités qui ne fait décidément pas partie du logiciel réactionnaire et sanguin de la junte.
En boudant cette rencontre, Alger apporte également la démonstration qu’elle ne digère toujours pas le niet que lui a opposé Moscou s’agissant de sa volonté d’adhérer au groupement économique des BRICS.
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On s’en souvient, le président algérien Abdelmadjid Tebboune n’a eu de cesse de tenter de rallier la Russie à sa «cause», multipliant les gestes attendrissants à coups de voyage et de propos obséquieux à l’égard de Vladimir Poutine. Mais rien n’y a fait.
Le 24 août dernier à Johannesburg, le président sud-africain, cet autre allié de l’Algérie, a annoncé que les cinq chefs d’État des BRICS ont accepté un vaste élargissement du groupe, qui passe d’un seul coup du simple au double. Sur les six nouveaux pays qui intègrent le groupement (Iran, Argentine, Égypte, Éthiopie, Arabie saoudite et Émirats arabes unis), aucune trace de l’Algérie.
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Il s’agissait là du plus retentissant échec de la diplomatie algérienne, et d’une gifle pour le président Abdelmadjid Tebboune en personne, lui qui a fait de l’entrée de l’Algérie aux BRICS le chantier du siècle. Et on s’en souvient, le coup de massue à l’adresse du régime algérien a été asséné par le chef de la diplomatie russe qui a expliqué que les critères qui ont présidé au choix des pays qui ont rejoint les BRICS sont le poids économique, l’influence politique et le charisme. Tout le monde sait que chacun de ces trois critères fait défaut à l’Algérie. Mais l’image renvoyée par ce miroir de vérité, dressé par Sergei Lavrov, a été particulièrement humiliante pour le régime d’Alger.
Avec la politique de la chaise vide, l’Algérie semble ainsi vouloir boycotter un pays avec qui elle a rompu les relations diplomatiques, mais en temps elle manifeste un geste d’humeur à l’adresse de la Russie. Une question se pose toutefois: est-ce que le régime algérien est capable de manifester un zest d’exaspération à l’Afrique du Sud, l’autre membre du BRICS, qui a défendu ardemment l’adhésion de l’Arabie saoudite? La réponse coule comme l’eau de roche: la junte algérienne avalera toutes les couleuvres sud-africaines en gardant le sourire, sinon elle risque de perdre le seul pays qui porte sa voix pour contrer l’intégrité territoriale du Royaume du Maroc.