Dans son rapport au Conseil de sécurité, le 16 octobre courant, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a présenté un rapport d’une vingtaine de pages sur la situation qui prévaut au Sahara marocain. Il a ainsi évoqué «des tensions et des hostilités de faible intensité» dans ce territoire, faisant justice des fanfaronnades fantasmagoriques «guerrières» du mouvement séparatiste. Il a aussi fait état de plusieurs autres faits: des progrès difficiles dans le processus politique, des «efforts assidus» de son Envoyé personnel Staffan de Mistura, des initiatives et des contacts qu’il a menés en la matière, du «contexte de tensions régionales persistantes, notamment entre l’Algérie et le Maroc», des «difficultés rencontrées par la MINURSO» entravant sa mission, de la situation humanitaire des réfugiés et des violations des droits humains dans les cinq camps près de Tindouf, et de «la détérioration continue de la situation, alarmante et insoutenable, combinée à des incidents sans précédent».
Il a estimé qu’«il est urgent de renverser la situation pour éviter toute nouvelle escalade». Il a encore appelé dans cette même ligne «toutes les parties concernées à s’efforcer de changer de cap sans délai, avec l’aide de l′ONU et l’appui de l’ensemble de la communauté internationale, afin de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable». Et de considérer qu’«il reste plus urgent que jamais de trouver une solution politique» à la question de ce territoire. À ses yeux, il importe que toutes les parties concernées fassent preuve de ces principes: un esprit ouvert, pas de conditions préalables et des positions davantage développées, et, enfin, la nécessité de «saisir l’occasion qu’offrent la facilitation et les efforts» de son Envoyé personnel, ainsi qu’une «volonté politique forte et un soutien continu de la part de la communauté internationale». Il souligne que l’orientation de «la ligne de conduite future» doit «tenir dûment compte des précédents établis par (ses) anciens envoyés personnels dans le cadre des résolutions existantes du Conseil de sécurité».
Sur ces bases-là, que dire? Le Secrétaire général de l’ONU confirme de nouveau que les paramètres de négociation du processus de négociation consacré par le Conseil de sécurité sont toujours valables. La résolution 2703 du 30 octobre dernier de cette haute instance onusienne en a été l’expression, reprenant d’ailleurs le tronc et le corpus des précédentes adoptées. Il faut s’attendre de nouveau, à la fin de ce mois d’octobre, à une nouvelle résolution de même teneur.
Ce qu’il y a eu de nouveau en 2024? La tenue, fin mars dernier à New York, de «consultations bilatérales informelles avec le Maroc, le Front Polisario, l’Algérie, la Mauritanie et les membres du Groupe des Amis» formé des États-Unis, de la France, de la Russie, du Royaume-Uni et de l’Espagne. Pour Antonio Guterres, c’est là «un cadre supplémentaire». Mais quelle peut être sa contribution pour faire avancer le processus de règlement, aujourd’hui en panne après la deuxième table ronde quadripartite en Suisse, en mars 2019? Va-t-il œuvrer à une reprise et pousser l’Algérie à se réinsérer dans le format onusien des tables rondes avec les paramètres qui l’articulent? Au premier rang, bien entendu, le référentiel qualifié de «sérieux, crédible et réaliste» du plan marocain en date du 11 avril 2007, adopté par le Conseil de sécurité, avec une autonomie dans le cadre de la souveraineté du Royaume et de son intégrité territoriale.
«Le Maroc, par la voix du ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, a écarté avec fermeté l’option d’une partition du Sahara marocain, précisant que c’était du “réchauffé” irrecevable pour Rabat.»
Verra-t-on une procédure permettant d’enjamber le blocage d’Alger et partant de se dispenser pratiquement de son aval? Se ferait alors le basculement vers une méthodologie considérée comme pouvant être féconde. La question nationale se poserait alors en des termes dynamiques, marquées du sceau d’une redéfinition de ce dossier. Sans doute est-ce l’interprétation à donner au changement de cap que le Secrétaire général de l’ONU appelle désormais de ses vœux. Mais le briefing de Staffan de Mistura devant le Conseil de sécurité, le 16 octobre, est d’une autre facture. Il a ainsi expliqué que, durant des mois, il avait développé spécifiquement certaines «options qui (selon lui) existent». Lesquelles? Il a «discrètement revisité et développé avec tous les intéressés le concept d’une partition du territoire, déjà évoqué par (son) prédécesseur, James Baker, il y a plus de vingt ans». Elle se concrétiserait par «la création d’un État indépendant dans la partie sud et l’intégration du reste au sein du Maroc, dont la souveraineté serait reconnue internationalement». Un compromis pouvant, pour lui, «concilier à la fois les revendications d’indépendance du mouvement séparatiste et le plan d’autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine», tout en permettant «l′autodétermination du peuple du Sahara occidental». Il reconnaît enfin que cette éventuelle solution a été rejetée par le Maroc et le mouvement séparatiste.
Le Royaume, par la voix du ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, a écarté avec fermeté cette option en précisant que c’était du «réchauffé» irrecevable pour Rabat. Elle évacue pratiquement les positions constantes du Conseil de sécurité dans ses résolutions. Elle ne tient pas compte de la dynamique générée par la diplomatie marocaine avec une capitalisation d’acquis et d’avancées. Elle met enfin en équation le large soutien de la cause nationale par une large majorité de la communauté internationale -États-Unis, Espagne, Allemagne, France et 16 autres États membres de l’UE, sans parler des 129 États membres de l’ONU et une quarantaine d’autres de l’UA. L’on devine où sont les souffleurs…
Alors? Trois ans après son mandat, où Staffan de Mistura est-il allé chercher cette «option»? Il le reconnaît lui-même devant le Conseil de sécurité, en faisant référence à la proposition faite, à huis clos, le 2 novembre 2001, à Houston, par le président algérien Abdelaziz Bouteflika à James Baker, alors Envoyé personnel du SG de l’ONU. Celle-ci était rien de moins que le partage territorial de l’ex-Sahara occidental entre son pays et le mouvement séparatiste. L’information avait fuité durant plusieurs semaines, sans faire l’objet d’un démenti officiel d’Alger, pas plus d’ailleurs que du mouvement séparatiste… qui n’a pas voix au chapitre. Elle sera toutefois dévoilée et rendue publique dans le rapport du Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, en date du 20 février 2002, présenté au Conseil de sécurité (S/2002/178, 19 février 2002). Il y est précisé en substance que «l’Algérie et le Polisario seraient disposés à examiner ou à négocier une division du territoire comme solution politique au différend du Sahara occidental». Une proposition rejetée catégoriquement par le Maroc dans une lettre au président du Conseil de sécurité (S/2002/192) en ce qu’elle vise à «porter atteinte à l’intégrité territoriale du Royaume et à sa souveraineté sur ses provinces du Sud».
Interrogé à ce sujet, le porte-parole adjoint de l’ONU, Farhan Haq, a déclaré, le vendredi 18 octobre dernier, qu’il ne qualifierait pas l’option présentée par De Mistura de «proposition» et que ce dernier «a essentiellement informé le Conseil de sécurité de son travail...». L’Envoyé personnel estime que, dans les prochains six mois, avec l’inscription de la question à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, il faudra bien faire le point et «réévaluer si nous avons la possibilité et la volonté de continuer à être utiles dans de telles circonstances». Il s’accorde donc un semestre de repêchage. Peine perdue. Son échec est patent. Alors, d’ores et déjà, «Addio Signore»!