Seize: c’est le nombre de fois où le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, mentionne l’Algérie dans son dernier rapport sur la situation au Sahara, qui précède le vote du Conseil de sécurité prévu à la fin de ce mois d’octobre, sanctionné par une nouvelle résolution. Pour un pays qui affirme ne pas être concerné par le conflit, tout en soutenant, finançant, armant et représentant le Polisario, cela fait beaucoup. Cela prouve, s’il en était encore besoin, que l’Algérie est le principal acteur du dossier et qu’elle doit assumer ses responsabilités, au lieu d’alimenter le conflit à distance tout en entravant toute perspective de solution.
Dans ce rapport, dont Le360 détient une copie de la dernière mouture, datée du 1er octobre, Antonio Guterres commence par évoquer les tensions «de basse intensité» persistantes le long du mur de défense et l’absence de progrès dans le processus politique de règlement du conflit.
Les prouesses du Maroc énumérées
Pendant ce temps, énumère-t-il, le Maroc continue d’aligner les succès tant diplomatiques que de développement. Il rappelle le discours du roi Mohammed VI, prononcé lors de la commémoration de la Marche verte, le 6 novembre dernier, dans lequel le Souverain a partagé sa vision d’une côte atlantique appelée à devenir une porte d’entrée pour le commerce entre l’Afrique et les Amériques, facilitant ainsi l’accès des pays du Sahel à l’Atlantique.
Le secrétaire général de l’ONU met également en lumière la lettre adressée le 9 juillet par le président français Emmanuel Macron au roi Mohammed VI, et rendue publique le 30 du même mois. La France y affirmait que «le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine». Macron y réitère que ce plan «est le cadre dans lequel cette question doit être résolue», assure que le soutien de son pays «au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant», et affirme que ce dernier «constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique, juste, durable et négociée, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies».
Antonio Guterres a également souligné l’ouverture, le 14 août, d’un consulat général du Tchad à Dakhla, la 29ème représentation diplomatique dans les provinces du Sud, et rappelle que, malgré les initiatives marocaines dans le développement d’infrastructures et de projets d’énergie renouvelable, ni le Polisario ni l’Algérie n’ont répondu par des actions concrètes. Seules des protestations stériles sont opposées à des projets qui sont en train de transformer ce qui était considéré comme un espace de conflit en solution pour désenclaver les pays du Sahel et créer un corridor maritime entre l’Afrique de l’Ouest et le continent américain.
«Au cours de la période considérée, le Maroc a continué à intensifier le développement d’infrastructures, de projets d’énergie renouvelable et d’activités commerciales à l’ouest du mur. Le 29 juillet, un nouveau pont majeur, le pont de l’Oued Sakia el Hamra a vu le jour», ajoute-t-il. En dehors des vociférations et autres marques de désapprobation, aucune autre initiative ne s’est fait entendre, ni de la part du Polisario ni de la part de l’Algérie.
L’Algérie appelée de nouveau à participer aux tables rondes
L’Algérie, rapporte Antonio Guterres, a abrité «les célébrations du 51ème anniversaire de la fondation du Polisario», le 10 mai, et a condamné la position de la France en rappelant son ambassadeur à Paris. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a insisté sur «l’autodétermination» lors de sa rencontre avec l’Envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, le 27 février 2024, une revendication qui n’est pas opposée au plan d’autonomie mis sur la table par le Maroc. Pourtant, l’Algérie, qui continue de se déclarer «neutre» dans ce conflit, se conduit de plus en plus ouvertement en protagoniste du dossier. Elle jure la main sur le cœur, devant le même représentant onusien, qu’elle ne cherchera pas d’escalade contre le Maroc, alors que les faits prouvent tout le contraire.
C’est compter sans la persistance de l’ONU à la rappeler à ses responsabilités, soulignant la nécessité pour toutes les parties prenantes, y compris l’Algérie, de participer au processus des tables rondes. «Je rappelle également la tenue constructive de consultations bilatérales informelles avec le Maroc, le front Polisario, l’Algérie, la Mauritanie et les membres du Groupe des amis sous les auspices de mon Envoyé personnel à New York, en mars 2023, un cadre supplémentaire sur lequel construire et dont le Conseil de sécurité s’est vivement félicité dans sa résolution 2703 (2023)», insiste Antonio Guterres. Il se trouve que l’Algérie refuse catégoriquement de prendre part au processus des tables rondes indiqué, et rejette toutes les résolutions du Conseil de sécurité qui l’y obligent. Or, seul «l’engagement de toutes les parties au conflit» peut permettre un début de solution, insiste le SG de l’ONU.
«Je regrette qu’il n’y ait pas eu de solution concrète pour l’amélioration des relations entre l’Algérie et le Maroc. Je les encourage à rétablir un dialogue pour réparer leurs relations et renouveler les efforts visant les relations régionales, notamment en vue de créer un environnement propice à la paix et la sécurité», recommande vivement le responsable onusien. Au vu de la multiplication des actes hostiles de l’Algérie contre le Royaume, avec l’imposition des visas pour les ressortissants marocains comme dernière marque de courtoisie, ce n’est pas gagné d’avance.
Polisario: appels aux armes et «tirs intermittents»
La logique belliqueuse d’Alger se traduit naturellement dans la conduite de son proxy, le Polisario. Le secrétaire général de l’ONU note à cet égard l’appel lancé le 10 mai dernier par le chef de la milice séparatiste, Brahim Ghali, à «intensifier et faire avancer la lutte armée». Les «tirs intermittents» du Front depuis ses bases à Tindouf, dont Guterres rend compte dans son rapport, n’arrangent rien.
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Le rapport mentionne plusieurs incidents, notamment des tirs de roquettes sur des zones civiles à Es-Semara en octobre et novembre 2023, causant la mort d’un civil et des blessés. «Le 29 octobre 2023, des tirs ont touché une zone civile dans la ville de Es-Semara, à environ 2,5 kilomètres du site de la MINURSO, tuant un civil et en blessant trois autres, dont un mineur», lit-on à titre d’illustration. L’enquête de la MINURSO a déterminé que 4 roquettes hautement explosives de 122 millimètres avaient été lancées à une distance d’environ 40 kilomètres depuis l’est du mur.
Le 5 novembre, un autre incident s’est produit à Es-Semara, au cours duquel deux roquettes ont été tirées, atterrissant dans des zones civiles à quatre kilomètres de l’aéroport d’Es-Semara, heureusement sans faire de victime. Dans la soirée du 24 et du 25 décembre, 7 roquettes au total ont touché le sol à une distance comprise entre 990 mètres et 2,7 kilomètres du site de l’équipe de la MINURSO à Aousserd, démontrant «les intentions belliqueuses persistantes de la partie contrevenante».
La mission de l’ONU entravée par les blocages du Polisario
Sur le terrain, la milice séparatiste continue au passage de tourner le dos à l’ONU et à faire barrage à ses antennes et organisations. «Le commandant de la force de la MINURSO n’a toujours pas pu établir de contact direct avec les dirigeants du front Polisario et toutes les communications se sont poursuivies par correspondance écrite», indique le rapport. Tout comme elle continue de saboter la mission de l’ONU. «Nous exhortons le front Polisario à retirer toutes les restrictions restantes à la libre circulation de la MINURSO, y compris les vols de reconnaissance en hélicoptère, et de reprendre des contacts réguliers avec les leaderships de la MINURSO, tant civil que militaire, à Rabouni, conformément à ce qui avait été établie», y lit-on.
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Antonio Guterres rapporte également les accusations de violations des droits de l’Homme dans les camps de Tindouf, liées aux sévères restrictions des libertés fondamentales, y compris la liberté de mouvement, de réunion, d’opinion et de commerce, ainsi que l’absence d’accès à la justice. Le Maroc, lui, et malgré les accusations colportées par le Polisario et les séparatistes de l’intérieur, continue de collaborer sur ce registre avec l’ONU, et le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) veille au grain.
Reconduction en vue de la MINURSO
Sur le fond, le Maroc est engagé à «soutenir les efforts du secrétaire général de l’ONU et de son Envoyé personnel visant à relancer le processus des tables rondes, en vue de parvenir à une solution politique, fondée sur l’Initiative marocaine d’autonomie et dans le strict respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale» du Royaume, rapporte le responsable onusien. Soutenu par l’Algérie, le Polisario, lui, maintient sa litanie de décolonisation.
Partant de ce qui se révèle être un statu quo, le rapport du secrétaire général de l’ONU recommande la reconduction du mandat de la MINURSO -qui coûte à peu près 70 millions de dollars annuellement- pour une année supplémentaire, et ce, jusqu’au 31 octobre 2025.
Le rapport du secrétaire général de l’ONU est soumis aux membres du Conseil de sécurité qui voteront une résolution à la fin de ce mois d’octobre. La nouveauté, cette année, est que l’Algérie siège au Conseil de sécurité en tant que membre non permanent. Elle se trouve dans une situation extrêmement inconfortable, d’abord parce que personne n’est dupe de son rôle en tant que protagoniste dans le conflit. Ensuite, parce que l’évolution du dossier est infreinable et la résolution de 2024 ne sera pas différente celles de 2021 et 2022, que le régime algérien avait rejetées par des communiqués officiels. Le jour du vote de la résolution, les sueurs froides du représentant du régime d’Alger effaceront le fard qui lui sert de masque, mais qui ne trompe plus la communauté internationale.