«Marocains, Marocaines. Nous sommes à vos côtés», annonce d’emblée Emmanuel Macron dans cette vidéo dans laquelle il dit avoir voulu «s’adresser directement» à eux… Une première sidérante qui ne passe pas inaperçue tant ce type de discours, adressé par un chef d’État directement au peuple d’un autre pays, n’est pas chose commune. Mais si le président français explique au peuple marocain avoir «voulu (lui) dire que la France a été bouleversée de ce qui s’est passé dans la nuit de vendredi à samedi, de ce terrible tremblement de terre», sur la Toile, les Marocains expriment leur surprise quant à ce mode opératoire qui consiste à s’adresser directement au peuple d’un pays souverain en enjambant son chef d’État, le roi Mohammed VI.
«Veuillez vous adresser directement à notre Roi. Ce n’est pas le bistrot du coin ici, il y a des protocoles», écrit ainsi en commentaire cet internaute marocain qui voit dans cette intervention l’expression «d’un colonialisme dépassé». Un autre internaute réagit dans la même veine: «Depuis quand vous vous adressez directement aux Marocains? C’est très osé, condescendant et manipulateur de s’adresser au peuple d’une nation dont le Roi a décliné votre offre. Vous vous prenez pour le président de l’Afrique?»
«Nous avons évidemment une pensée pour les disparus, leur famille, pour les blessés», poursuit-il, «et en vous disant cela, je pense évidemment à toutes les familles qui partagent leur vie entre la France et le Maroc et ces destins liés». Le timing de cette pensée adressée aux victimes du séisme au Maroc est d’autant plus dérangeant qu’une certaine presse française tire à boulets rouges sur les autorités marocaines, et particulièrement le roi Mohammed VI, et choisit par ailleurs, contrairement à la presse anglo-saxonne par exemple, de passer à la trappe l’excellente gestion de crise dont le souverain est aux commandes et l’élan solidaire admirable des Marocains.
«La France est solidaire, la France se tient à vos côtés», poursuit Emmanuel Macron à un moment où nombre de médias français font une obsession sur le fait que le Maroc n’ait pas encore répondu à la proposition d’aide humanitaire de la France, privilégiant pour le moment celle de l’Espagne, du Qatar, des Émirats arabes unis et du Royaume-Uni.
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Mais pourquoi s’adresser directement aux Marocains pour évoquer une polémique qui fait rage dans les médias? Pourquoi ne pas s’adresser directement à la presse de son pays, celle-là même qui a préféré politiser un drame humanitaire plutôt que soutenir l’élan national de solidarité au Maroc et le travail incroyable accompli sur le terrain par les secours et les Forces armées royales?
Cette manière de faire ouvre la porte à de multiples interprétations, notamment celle d’un interventionnisme déplacé, voire d’un paternalisme qui ne dit pas son nom. D’autant qu’en insistant de la sorte sur l’aide proposée par la France, depuis le premier jour, Emmanuel Macron renvoie la balle dans le camp des autorités marocaines qui, faut-il lire en filigrane, ne l’ont pas encore acceptée, et surfe ainsi sur la même vague médiatique française, dénoncée justement par les Marocains.
À ce sujet, le président français réagit à cette polémique et déclare vouloir «avoir des mots simples», «dans ce moment, qui est un moment évidemment de peine, mais aussi d’action et de solidarité». Ces «polémiques qui n’ont pas lieu d’être», insiste le président français. Et d’ajouter: «Je souhaiterais que toutes les polémiques qui viennent diviser, qui viennent compliquer les choses dans ce moment qui est déjà si tragique, puissent se taire par respect pour toutes et tous». Si toutefois l’objectif assigné à son intervention consiste à éteindre ces polémiques, la façon dont il l’a formulée ne va, bien au contraire, que les exacerber.
«C’est évidemment à Sa Majesté le Roi et au gouvernement du Maroc, de manière pleinement souveraine, d’organiser l’aide internationale et donc nous sommes à disposition de leur choix souverain», a déclaré le président français au milieu de son intervention. Mais le fait même de hiérarchiser les éléments de son intervention, en subordonnant le chef de l’État et les institutions marocaines à son «je» narcissique, produira l’effet contraire, si tant est que ce président, auteur d’un déclassement de la France inédit à l’étranger, voulût vraiment tourner la page des polémiques et respecter le deuil des Marocains.
Car depuis que Macron dirige la France, ce pays n’a eu de cesse de voir son influence baisser dans le monde. Même ses alliés occidentaux, États-Unis, Royaume-Uni et Australie, lui ont infligé le désaveu le plus sévère depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, tissant dans son dos un nouvel accord sur un achat stratosphérique de submersibles par le gouvernement de Canberra pour remplacer le contrat, pourtant signé, entre la France et l’Australie.
En Afrique, Emmanuel Macron est sinon un diffuseur, du moins un accélérateur du sentiment anti-français. Il ne comprend pas les réalités africaines et tient des discours sous le prisme d’une vision égocentrique, décalée des nouvelles réalités et de l’évolution des sociétés du continent. Pourtant, la France est un vivier d’experts et de très bons connaisseurs du continent africain. Mais Macron n’a que faire de la parole des experts. Il est visiblement seul à tout savoir, tout connaître.
Résultat: en cinq ans, la France est devenue l’ennemie des populations et des gouvernements du Burkina Faso, de la Guinée, du Mali et du Niger. En usant d’un ton impératif dans la crise nigérienne («Bazoum sera président ou il n’y en aura pas d’autre»), Emmanuel Macron est devenu le meilleur ennemi du président nigérien déchu, en créant un ralliement populaire autour des nouvelles autorités, compliquant de la sorte jusqu’à une intervention militaire de la CEDEAO qu’il appelait pourtant de ses vœux.
Au Maghreb, Emmanuel Macron a fait le pari de l’Algérie. Son tropisme algérien, au détriment du Maroc, a été sanctionné par un double échec. Au lieu de se rendre à Paris, le président algérien a fait le déplacement chez Vladimir Poutine. Et compte tenu des attaques quotidiennes contre la France dans la presse algérienne, on peut en déduire que Macron a perdu un ancien et sûr allié de la France sans aucun dividende algérien en retour.
Même un journaliste français comme Georges Malbrunot, qu’on peut difficilement soupçonner de sympathie pour le Maroc, n’a pu que relayer l’étendue des dégâts occasionnés par Macron dans les relations entre Paris et Rabat.
Les relations entre le Maroc et la France sont solides, multidimensionnelles et ne dépendent pas d’Emmanuel Macron qui, de toute façon, va encore déclasser France à l’international, pendant trois ans encore, et s’en aller.