Les analyses et autres critiques de think tanks américains de renom quant à l’impasse actuelle dans laquelle se trouve le processus onusien de règlement de la question du Sahara se suivent et se ressemblent. Au centre de leurs plaidoyers, certains acteurs du conflit, notamment la Minurso, mais aussi et surtout le Polisario et son protecteur, l’Algérie. Dans la dernière analyse en date, le front séparatiste a eu droit à une véritable salve d’attaques en règle de la part d’un fin connaisseur du dossier: Michael Rubin. Chercheur spécialisé dans les affaires du Moyen-Orient au sein de l’American Enterprise Institute, le concerné, lauréat de la prestigieuse université Yale, est ancien officiel du Pentagone, avec des expériences de terrain en Iran, au Yémen et en Irak, et des formations prodiguées à des unités de la Navy et des Marines sur les conflits régionaux et le terrorisme. C’est dire.
Dans une analyse publiée lundi 7 avril par The Middle East Forum, un autre influent think tank, le chercheur n’y va pas par quatre chemins: l’existence même du Front Polisario constitue une atteinte aux droits de l’homme, écrit-il. Dans un véritable plaidoyer, l’expert appelle Washington à demander au secrétaire général de l’ONU de cesser de reconnaître le front comme «représentant» des Sahraouis. «Il est temps de mettre fin à la fiction selon laquelle le Front Polisario représente les Sahraouis et de laisser l’un des derniers vestiges de la guerre froide appartenir définitivement à l’histoire», assène-t-il.
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Pour le chercheur, le président Donald Trump et le secrétaire d’État Marco Rubio devraient exiger du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, le retrait «immédiat» de toute reconnaissance du Front Polisario en tant que représentant des Sahraouis. Si les Nations unies souhaitent réellement la paix, cette décision devrait aller de soi, insiste-t-il.
«Le Front Polisario, qui prétend représenter les Sahraouis et soutenir leur souveraineté sur le Sahara occidental sous la bannière de la République arabe sahraouie démocratique, est un vestige de la guerre froide. L’Algérie a fondé ce mouvement, avec le soutien de l’Union soviétique et de Cuba, afin de l’utiliser comme un instrument contre le Maroc», rappelle l’expert, indiquant que «l’Algérie soutient ce groupe à la fois pour s’assurer une place à la table des négociations et pour détourner l’aide humanitaire destinée aux camps de réfugiés sous contrôle du Polisario». «Il en va de même pour certains pays comme l’Afrique du Sud, qui utilisent le Polisario comme levier diplomatique contre le Maroc», ajoute-t-il.
Minurso, «un échec à plusieurs milliards de dollars»
À la place, le chercheur plaide la cause du Mouvement sahraoui pour la paix, une organisation qu’il juge plus modérée et plus légitime. «Tandis que le Front Polisario s’entête à réclamer la lutte armée, le Mouvement sahraoui pour la paix rejette la violence et cherche au contraire le consensus auprès de larges segments de la population sahraouie», écrit Michael Rubin.
Connu pour ses critiques envers la Minurso, ce dernier appelle sans ambages à la fin de sa mission. «La Minurso représente clairement un échec à plusieurs milliards de dollars: cette entité des Nations unies, vieille de 34 ans, n’a toujours pas atteint la première étape de sa mission, à savoir l’organisation d’un référendum». De quoi rappeler une position déjà exprimée le 19 mars dernier sur le Washington Examiner.
Michael Rubin est loin d’être le seul à faire ce même constat d’échec. Expert senior au sein de la Heritage Foundation, bras idéologique de Donald Trump, Eugene Kontorovich va plus loin. Dans une tribune publiée le mercredi 12 février dans les colonnes du prestigieux Wall Street Journal, il appelait à une réaction de l’administration américaine contre la Minurso, sa mission étant devenue «caduque» après la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur le Sahara. La méthode: mettre un terme à la contribution des États-Unis au financement de cette mission et opposer un veto au renouvellement de son mandat par le Conseil de sécurité de l’ONU.
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Hier mercredi 9 avril, Sarah Zaaimi, chercheuse principale résidente pour l’Afrique du Nord au sein du Centre Rafik Hariri et des programmes Moyen-Orient du célèbre think tank The Atlantic Council, plaidait la même cause. «Comme son nom l’indique, la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental a été initialement créée en 1991 par la résolution 690 du Conseil de sécurité afin de préparer un référendum dans lequel le peuple du Sahara occidental choisirait entre l’indépendance et l’intégration au Maroc. Cependant, la mission n’a pas réussi à remplir son mandat et n’a servi qu’à entretenir un état de paralysie au fil des années. Il est essentiel de préciser que, bien que la Minurso surveille le cessez-le-feu -qui tient toujours depuis près de trente-cinq ans entre le Maroc et les séparatistes du Front Polisario-, elle ne constitue en aucun cas une mission de maintien de la paix active», écrit-elle dans une analyse dédiée.
Pour l’experte, un autre exemple flagrant de l’inefficacité de la Minurso est le fait que les frontières disputées du Sahara occidental sont, depuis des décennies, des zones non cartographiées propices aux activités terroristes -d’Al-Qaïda à Daech, et plus récemment un terreau fertile pour l’influence iranienne et russe. «En dehors de la collecte de renseignements et de la rédaction de rapports de situation, la Mission a fait très peu pour s’attaquer à la prolifération du trafic de drogue et de la traite humaine dans les territoires contestés, laissant cette tâche aux armées marocaine et algérienne», lit-on encore.
Département d’État américain: l’autonomie, «seul cadre acceptable pour un dialogue»
Le détournement de l’aide humanitaire destinée aux Sahraouis dans les camps de Tindouf, en Algérie, continue également de susciter des inquiétudes, en particulier avec les preuves montrant qu’une grande partie de cette aide est entourée de pratiques de corruption et revendue sur des marchés ouverts, comme celui de Nouadhibou, dans le nord de la Mauritanie.
Dans son analyse, Sarah Zaaimi réagissait notamment à la récente confirmation par l’administration américaine de sa reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara. La visite à Washington du ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, et ses entretiens le 8 avril avec le secrétaire d’État Marco Rubio et le conseiller à la sécurité nationale Mike Waltz, ont apporté la garantie que la position du président Trump sur le conflit du Sahara occidental reprendra là où elle s’était arrêtée avec sa précédente administration en 2020.
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«Le secrétaire d’État a réitéré que les États-Unis reconnaissent la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental et soutiennent la proposition d’autonomie sérieuse, crédible et réaliste du Maroc comme seule base d’une solution juste et durable au conflit», indiquait un communiqué publié par le département d’État américain à l’issue de la visite. Cette fois-ci, les États-Unis sont allés plus loin en exhortant les parties à entamer des discussions sans délai, affirmant que le plan d’autonomie du Maroc constitue le seul cadre acceptable pour un dialogue. Marco Rubio a même proposé d’en faciliter le processus.
Staffan de Mistura: le compte à rebours est lancé
La chercheuse y voit l’hypothèse que «l’issue à cette impasse de cinquante ans pourrait se trouver en dehors des Nations unies et de leur échec chronique à garantir une solution durable». Pourtant, un obstacle demeure: le démantèlement de la Minurso, qu’elle juge à son tour obsolète et dysfonctionnelle.
Cette position se rajoute à une forme de consensus aux États-Unis contre la mission onusienne, alors que l’Envoyé personnel du secrétaire général pour le Sahara, Staffan de Mistura, s’apprête à donner son briefing semestriel à huis clos devant le Conseil de sécurité. Un rendez-vous qui pourrait être le dernier. En octobre dernier, le diplomate italo-suisse, en poste depuis 2019, affirmait devant le Conseil de sécurité que «les six prochains mois seront un test pour (lui) et pour tout le monde», ajoutant que «l’utilité» de la Minurso allait entre-temps être mise à l’épreuve. Le constat est que rien n’a bougé depuis. Le processus onusien des tables rondes est à l’arrêt depuis 6 ans. L’Algérie, partie prenante au conflit, refuse toujours d’y participer, en dépit des résolutions du Conseil de sécurité la sommant de le faire.
«Depuis 2022, de Mistura s’est senti en décalage dans un contexte international en pleine évolution, de plus en plus favorable au Maroc», remarque l’experte de The Atlantic Council. Le «coup de grâce» a été porté par les deux anciennes puissances coloniales du Maroc, lorsque l’Espagne s’est rangée du côté du Royaume en 2022, suivie par la France en 2024. Aujourd’hui, plus de vingt-neuf pays ont des représentations diplomatiques à Laâyoune et Dakhla, en signe de soutien à la position marocaine. À l’évidence anachronique, et qualifiée de «faux pas», la récente proposition de partition du Sahara occidental émanant de l’Envoyé personnel ne fait, selon l’experte, que renforcer l’idée selon laquelle lui et la Minurso sont des instruments d’un autre temps, gaspillant un budget annuel de soixante et un millions de dollars… essentiellement financé par les États-Unis.
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