Ce prétendu multi-alignement -advenu comme par miracle, par génération spontanée- serait apprécié à la fois par la Russie, les États-Unis, l’Occident, la Chine, l’Afrique, le Monde arabe et évidemment par la France macronienne. Un consensus inespéré!
Grâce au duo Tebboune-Chengriha, acteurs des «prouesses diplomatiques» les plus cocasses, qui arrivent à transformer en «vadrouilles» absurdes les visites voulues comme officielles, l’Algérie aurait retrouvé son «rang mondial»! Et on veut nous faire croire que les généraux algériens et leurs obligés civils, connus pour leurs tristes faits d’armes contre leur peuple, inspireraient désormais confiance à la communauté internationale.
Finalement, il ne reste à la junte déboussolée -connue par sa vacuité idéologique et son incapacité à imaginer une doctrine de politique étrangère crédible- que le tripatouillage et le parasitage de concepts (comme le multi-alignement) forgés ailleurs par des pays sérieux pour les abîmer et les adapter à ses propres «besoins».
L’approche indienne du multi-alignement
Adopté par le gouvernement indien en 2005, le multi-alignement est un choix de politique étrangère qui aspirait à libérer le pays d’une étroite alliance avec l’ex-URSS. Pour l’Inde, il s’agissait à l’époque de diversifier ses liens économiques et d’en tisser avec de nouveaux partenaires à travers la «Look West Policy».
C’était une nécessité pour l’Inde. Après la dislocation de l’Union soviétique, l’allié traditionnel avait perdu de son influence et de son aura. Consciente des exigences de la mondialisation et de l’économie de marché, l’Inde s’est alors rapprochée économiquement des États-Unis.
Elle a élaboré une doctrine flexible et une approche neutre pour travailler avec toutes les nations, conformément à ses intérêts économiques, tout en maintenant son pouvoir de décision stratégique. D’une manière générale, la politique étrangère indienne s’est toujours voulue non-alignée, même si elle a été proche de la Russie pour contrer la Chine, rivale historique de l’Inde.
Or, malgré leurs différends frontaliers -qui ne sont toujours pas réglés, les deux pays les plus peuplés au monde ont tissé, avec raison et réalisme- des liens économiques très forts, bien que déséquilibrés en faveur de la Chine, premier partenaire commercial de l’Inde.
Comme illustration éloquente de ce multi-alignement mûrement réfléchi, rappelons que l’Inde est membre du QUAD (Dialogue de Sécurité Quadrilatéral), une alliance créée en 2008 avec les États-Unis, l’Australie et le Japon pour contrer l’influence militaire de Pékin dans la région. Le QUAD a été récemment réactivé, à l’initiative du président américain Joe Biden.
Par ailleurs, en plus d’être membre du groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), l’Inde est également membre de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) aux côtés de la Russie et de la Chine et d’autres pays d’Asie. Organisation à caractère politique, commercial et culturel, qui se transforme parfois en tribune pour dénoncer l’hégémonisme américain, l’OCS a notamment permis à l’Inde de tisser de fortes relations pour assurer son approvisionnement énergétique.
Depuis le déclenchement du conflit en Ukraine, en février 2022, le gouvernement indien a manifesté encore plus sa volonté de s’arrimer au multi-alignement. L’Inde a cherché à ne pas trancher pour un camp… mais dans un cadre de transparence et d’honnêteté, sans double jeu ni imposture!
L’Inde continue à développer une politique de coopération multiformes et tous azimuts conforme à ses intérêts nationaux. Par exemple, le multi-alignement lui permet d’être amie de la Russie, à laquelle elle achète des hydrocarbures, mais aussi d’établir une coopération sécuritaire avec les États-Unis.
L’Inde ne s’interdit aucune forme de partenariat, parce que c’est un grand pays aux besoins importants, qui doit consolider son développement afin de répondre aux attentes d’une population de près de 1,4 milliard d’habitants. Cette immense responsabilité, assumée avec sagesse par l’Etat démocratique indien, lui vaut le respect de la communauté internationale.
Le multi-alignement fantaisiste à la sauce des généraux!
Après cette séquence sur la déclinaison raisonnée et réfléchie du multi-alignement indien (même si on peut y trouver matière à exprimer quelques réserves), on verra maintenant que la conception piratée et frelatée du multi-alignement à la sauce de la junte algérienne frise le ridicule.
Comment parler de multi-alignement pour le président Abdelmadjid Tebboune, complètement soumis à Moscou, qui a demandé, il y a quelques semaines, à Poutine sur le ton de l’imploration: «Nous comptons sur la Russie pour nous armer et pour défendre notre indépendance». Il a quémandé un «parapluie russe» pour soi-disant protéger l’Algérie (contre qui ?). Tout le monde a compris que ce «parapluie» est voulu surtout pour un régime dictatorial, adossé à une nébuleuse opaque de généraux… et non pour le peuple algérien.
Tebboune a aussi déclaré que Poutine est un «ami de l’humanité». Emporté par une énigmatique euphorie, il a célébré, lors de sa visite à Moscou, «un monde unipolaire» qu’il est le seul à voir, avec la Russie comme hyper-puissance dominante. Aligné aveuglément sur Moscou, il a eu tout faux!
Les médias inféodés aux généraux ont été mobilisés pour rattraper les dérapages de Tebboune. Mais il est trop tard. Ils ont monté toute une propagande sur un prétendu multi-alignement algérien (médiocre mimétisme du concept indien!) et aussi sur son supposé non-alignement. Il en est de même pour ce serpent de mer qu’est l’adhésion de l’Algérie aux BRICS, considérée comme un certificat de multi-alignement. Ce qui est une imposture!
Cette propagande est surtout une réaction de panique du régime algérien, qui a heurté ses alliés occidentaux et qui a tout misé sur un partenaire lui-même en grave difficulté. On a lu dans des médias, dont on taira les noms, que «Tebboune a exprimé ses remerciements au président Poutine pour avoir accepté la médiation de l’Algérie dans le conflit russo-ukrainien». Tebboune a également affirmé à Poutine que «l’Algérie sera à la hauteur de cette confiance». Poudre aux yeux!
Incroyable! On pensait que c’était Poutine qui aurait dû remercier Tebboune. Mais au point où il en est, il faut bien s’accrocher à des projets de médiation morts-nés pour se «légitimer»! De plus, l’Ukraine, l’autre partie concernée, n’a accordé aucune attention à cette burlesque médiation, pilotée par l’ami de «l’ami de l’humanité».
On a aussi lu que «l’Algérie pourra défendre ses positions de non-alignement, voire de multi-alignement, au Conseil de sécurité». Elle défendra «les questions d’autodétermination des peuples, particulièrement celles liées à la question palestinienne et celle du Sahara Occidental». Voilà que le multi-alignement à l’algérienne se fait rattraper par le sujet qui hante les généraux depuis 1975: le Sahara marocain!
Un autre média de la junte a écrit que, pour renforcer ses relations avec les pays occidentaux, en particulier les États-Unis, l’Algérie pourrait poursuivre une stratégie de multi-alignement. En tant que membre des BRICS, «cela pourrait l’aider à faire avancer ses objectifs de politique étrangère». Selon le même canard, «le soutien de la Chine et de la Russie pourrait faire avancer la position de l’Algérie sur cette question». Évidemment, la boucle est toujours bouclée autour du Sahara marocain.
Il n’y a que de l’enfumage pour dissimuler l’allégeance d’un régime à un autre, en galvaudant et dégradant, par opportunisme irresponsable, des idées fortes et sérieuses qui font aujourd’hui l’actualité internationale.
Il semble bien que chez nos voisins de l’Est, qui ont perdu le Nord, il n’y a ni politique étrangère, ni diplomatie, ni souveraineté, ni multi-alignement. Rien qui soit déployé au service des intérêts authentiques et véritables du peuple algérien.