Turquie, France, Mali et l’étrange cas de l’Algérie

Mouna Hachim.

ChroniqueC’est une transposition en politique du fonctionnement double de la personnalité, comme dans la puissante allégorie élaborée dans le fameux roman de Robert Louis Stevenson…

Le 18/01/2025 à 11h00

Comme dans «L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de Mister Hyde», la politique algérienne présente une dualité déconcertante. D’un côté, un discours de respectabilité sur la scène publique martèle le principe de non-ingérence, tandis que, dans l’ombre, des manœuvres insidieuses se déploient, mêlant interventions sournoises dans les affaires intérieures des pays voisins (et même plus lointains!), jeux de déstabilisation et fantasmes de fragmentation échafaudés dans sa salle de dissection.

Au Mali, nous avons, côté face, tel un bon docteur Jekyll, une figure d’ancien médiateur pour la paix dans le nord du pays, tentant de dissimuler, côté pile, un Mister Hyde accusé par Bamako de soutenir des groupes terroristes.

Nous sommes face à un cas d’école schizophrénique et incontestablement hypocrite, clairement nommé «Stratégie éculée de pompier pyromane».

Dès le premier jour de l’année 2025, un communiqué du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de la République du Mali a réagi sans détour à un discours prononcé par le chef de la diplomatie algérienne, Ahmed Attaf, lors d’une conférence de presse, où celui-ci affirmait que «la solution militaire est impossible au Sahel, notamment au Mali», tout en refusant d’assimiler les mouvements d’opposition armés à des entités terroristes.

De quoi contribuer à la dégradation de relations déjà sous haute tension.

«Le Mali n’est ni demandeur ni preneur de leçons de la part de l’Algérie» assène le communiqué, dénonçant avec vigueur «la proximité et la complicité de l’Algérie avec les groupes terroristes qui déstabilisent le Mali et à qui elle a offert le gîte et le couvert», faisant ainsi écho à un précédent communiqué, lu à la télévision d’État, une année auparavant, annonçant la «fin, avec effet immédiat», de l’accord d’Alger signé en 2015 en énumérant une série de graves accusations contre l’Algérie, dont sa responsabilité dans la déstabilisation du Sahel.

Non seulement la persistance des actes d’ingérences «empreints de paternalisme, de condescendance et de mépris» est dénoncée avec vigueur dans ce nouveau communiqué, mais l’Algérie est invitée, en cette nouvelle année 2025, en guise de vœux mordants, à «recentrer son énergie sur la résolution de ses propres crises et contradictions internes, y compris la question kabyle».

Face à l’accumulation des camouflets et aux risques des répercussions que sa propre politique comporte, la responsabilité est à nouveau rejetée sur le Maroc, pour ne pas changer, au lieu de se débarrasser de ce double négatif, en pleine prise de contrôle de sa personnalité.

Changement de continent cette fois, en direction de la Turquie!

Le député du Parti de la justice et du développement Bahadır Nahit Yenişehirlioğlu n’a pas mâché ses mots concernant l’Algérie «que nous pensions être, dit-il, un pays ami, l’Algérie que nous avions tant nourrie et protégée, l’Algérie, qui n’était pas si longtemps une province sous la protection du sultan ottoman…».

Cause de cette colère noire, loin d’être isolée, étant liée à celle d’autres personnalités politiques, médias et associations? L’accueil par l’Algérie, à Tindouf, par ailleurs siège de la capitale autoproclamée éphémère de la RASD, de séparatistes kurdes de Turquie et de Syrie dans un contexte marqué par l’effondrement du régime «frère» de Bachar al-Assad et la recherche désespérée de nouvelles alliances, quitte à entretenir des liaisons dangereuses.

Nous avons tous vu ces images d’activistes pour l’indépendance du Kurdistan poser, le 6 janvier, dans les camps de Tindouf, au sud de l’Algérie, auprès de séparatistes polisariens, en brandissant leurs drapeaux ainsi que des slogans du Rojava et des Forces de défense du peuple, en faveur de l’indépendance du Kurdistan.

Sentant la tempête se profiler, l’ambassadeur algérien à Ankara, Amar Belani, s’empressa de démentir, via un communiqué officiel, ce qu’il a nommé des accusations «fantaisistes» et «totalement infondées», assurant que l’Algérie n’a jamais invité de délégation kurde officielle, qu’elle est engagée dans la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes et que «fidèle à sa doctrine étrangère, elle ne s’ingère en aucun cas dans les affaires internes des autres États».

Ne serait-ce que sur ce dernier point, il fallait vraiment oser, quand on sait que l’Algérie est capable de sacrifier ses relations diplomatiques, ses intérêts économiques, la stabilité de la région, le bien-être de ses populations… pour une simple reconnaissance d’un pays tiers de la souveraineté du Maroc sur ses propres terres.

Quant au premier point, il impose quelques interrogations: comment se soustraire de toute responsabilité lorsque le processus de demande de visa pour l’Algérie nécessite une enquête approfondie, plutôt deux fois qu’une lorsqu’il s’agit de se rendre à Tindouf, à moins que l’Algérie n’en ait cédé la souveraineté?

Comme à l’accoutumée, et même s’il n’est qu’un autre versant sombre de lui-même, Dr Jekyll ne s’estime pas responsable de Mister Hyde.

«Laissez-moi suivre ma voie ténébreuse!», semble encore supplier, dans des intonations suicidaires, cette folle et destructrice voix intérieure.

Avec la France, les relations se sont particulièrement dégradées depuis l’été dernier, après l’annonce de l’appui de Paris au plan d’autonomie marocain pour le Sahara dans le cadre de ce conflit dont l’Algérie affirme, sans honte, ne pas être partie prenante.

Les relations bilatérales ont continué à se détériorer avec l’incarcération de Boualem Sansal et le renvoi sur le territoire français de celui qui est appelé «influenceur» algérien, expulsé par les autorités françaises pour des propos jugés haineux.

Une onde de choc avait été provoquée par la diffusion sur les réseaux sociaux d’autres influenceurs, qui ont déversé leur haine envers la France, accompagnée d’appels à toutes formes de violences sur son sol, contre les opposants au régime algérien.

Certains découvrent tout juste la galvanisation des moudjahidine 2.0 par des figures médiatiques renommées, les liens forts à la junte algérienne, l’ingérence dans les élections françaises par des instances censées être religieuses dans une incroyable violation du principe de neutralité des lieux de culte, interdits formellement par la loi française d’organiser des réunions politiques ou de diffuser de la propagande électorale.

Le tout, protégé par quelques activistes sous double casquette, dans une lamentable complainte mi-hystérique, mi-lacrymale sur le racisme, la colonisation, le complot, au lieu d’une simple dénonciation de l’innommable visant la terre qui les héberge.

Mais outre quelques camarades déconnectés, la potion de la culpabilisation mémorielle ne prend plus!

Qu’à cela ne tienne! L’étrange docteur Jekyll et Mister Hyde a trouvé la parade!

La succursale de l’ambassade d’Alger qu’est devenue depuis un temps la Grande Mosquée de Paris a demandé aux imams de l’institution d’introduire, désormais, une invocation pour la France, après le prêche du vendredi.

Qu’Allah préserve la France!

Amen!!

Et qu’Il accorde Sa guidance à tous les hypocrites, où qu’ils se trouvent!!!

Par Mouna Hachim
Le 18/01/2025 à 11h00